Chapitre cent cinq

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Le vide de l'absence nous fait aimer plus fort.

Point de vue de Jared.

Il ne faut pas croire tout ce qu'on raconte dans une histoire. Il y a une façon de l'écrire et une tout autre en la lisant et je crois que je ne suis pas totalement honnête avec vous depuis le début. Je m'appelle Jared Collins, célèbre mannequin qui poursuit son rêve en se fichant du reste, qui se fiche du mot principe et de la tournure de ses actes. J'avais une vie de rêve et maintenant je change une couche trop sale plus de dix fois dans la même journée en souriant niaisement à un petit ange qui ne demande que de l'attention. Je pleure en cachette, souvent quand la boisson me monte au crâne et je me bats tous les jours en regardant ma femme mourir à petit feux à cause de mon irresponsabilité.

Le diagnostic du chirurgien n'est pas rassurant et je crois bien qu'elle ne s'en sortira pas cette fois. Plus de trois mois dans le coma et les pleurs de sa famille me tue doucement.

— Je vais prendre soin de toi, June.. je m'occupe déjà de notre bébé comme un chef même si elle ne me rends pas la vie facile tous les jours et je viens te rendre visite en croyant à un putain de miracle.. Ma voix se brise en calant mon visage dans sa nuque. Elle a besoin de toi autant que moi..

Je craque en regardant Benny dans l'encadrement de la porte qui fixe le carrelage en reniflant. Donc c'est vraiment la fin de notre histoire ? J'ai gagné une partie de moi-même et perdu celle que j'aime tout ça en l'espace d'une fraction de seconde.

— Tu ne peux pas faire ce choix à la place de sa famille, Jared..

— Il y a encore une chance, ils ne peuvent pas mettre un terme à sa vie maintenant.

Mon cœur qui claque dans ma poitrine toujours plus fort et plus vite me rappelle à l'ordre. A la façon dont Benny me regarde je comprends qu'il faut que je respire avant de me faire un étouffement volontaire. Je suffoque, m'asphyxie en laissant la douce main de cette infirmière venir à ma rencontre.

— Tu n'est pas responsable de son accident.

Je tente du mieux que je peux de faire abstraction de tout ce qui m'entoure, de l'agitation dans le hall et de la porte qui s'ouvre doucement en laissant apparaître sa mère, son père et Angelina. Je me rends compte à quel point je serre les poings au moment où sa mère regarde son enfant en pleurant de tout son corps.

— Il lui reste beaucoup trop de choses à vivre !

— Je suis désolée, je ne veux plus que ma fille souffre.. c'est déjà assez difficile Jared, tu dois comprendre notre choix.

Sa venue dans cette petite chambre à tout boulversé, tout remis en question. Il lui faut du temps et je ne peux pas croire qu'elle soit prête à éteindre volontairement la vie de sa fille après trois mois de combat intensif.

— Pourquoi tu ne parles pas Max ?! Je pointe du doigt son père bien que trop silencieux en le poussant de plus en plus fort en arrière. Est-ce que tu es vraiment capable de l'éteindre volontairement ?! Putain réponds-moi quand je te parle !

Je suis incontrôlable, détruit psychologiquement de me dire que je suis tout seul à me battre contre cette injustice. Benny s'interpose entre nous sans dire le moindre mot, Angelina pleure de plus belle en caressant les cheveux de sa frangine et le reste du groupe me regarde comme un type détraqué qui rame dans sa propre merde.

— Elle ne vit déjà plus depuis trois mois, Jared !

Le gros baraqué qui a abandonné sa fille dans le stade de l'enfance me fusille du regard comme pour me mettre en garde.

— Laisse lui encore du temps Max.. on doit encore se battre au moins quelques jours.

Il lance un coup d'œil à son ex-femme un court instant qui pleure toujours autant contre le corps livide de June, puis revient soudainement à la réalité en me tendant la main en signe de compromis.

— Je te laisse quarante-huit heures pour te mettre dans la tête que c'est la fin.. Une larme roule contre sa pommette à allure vertigineuse. Tu dois vraiment comprendre ce qu'on veux te dire.. cette machine la maintient en vie, mais sans elle notre enfant est déjà.. morte.

— Tu vois cette gosse ? J'indique le couffin à mon ancien ami en tentant de le faire revenir à la raison. Je ne suis peut-être pas celui qu'il lui faut, mais ça ne veut pas dire que je ne vais pas me battre pour elle. Ella a besoin de sa mère autant que nous tous, tu comprends ?

Il réfléchit, triture une gourmette à son poignet en regardant longuement ma fille puis sa mère.

— Tu crois que c'est facile ? Plus personne n'a d'espoir et toi tu reviens après la bataille en me disant qu'elle n'a pas le droit de mourir.. je te comprends et j'aimerais qu'elle ouvre les yeux, mais ça n'arrivera pas.. tu as tué inconsciemment ma petite fille comme tout ce qui t'entoure.

— Je ne suis pas..

Il me fait signe de me taire en rejoignant la sortie suivie de sa petite troupe. C'est enfin dit, tout le monde me considère comme un putain de meurtrier à cause d'une erreur de timing.

— La prise de parole stimule le patient normalement.. parle lui, il ne reste plus que ça.

Benny me caresse le dos un long moment, me parle doucement en cherchant les mots avec justesse puis me fait sortir de la chambre avec Ella qui dort toujours profondément dans son couffin. Je cherche une logique, un point de lumière tout au fond de ce trou à rat mais la sortie est tout bonnement sans issue.

— Continue a croire à la magie, c'est la seule chose qui nous permet de vivre mon petit.

— Je ne peux pas vivre sans elle, c'est la seule chose dont je suis certain.

My only one Where stories live. Discover now