*Confidence 14 : Suite 13*

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Mamadou pense qu'il est resté environ un an à Qatrun, coincé dans ce trou perdu, sans argent, sans contact. Un jour, un homme vient à la prison et demande si quelqu'un est peintre. Mamadou lève la main et il est emmené dans sa maison pour travailler. Il n'est pas payé mais au bout de deux mois, son « patron » le met en relation avec un homme qui emmène Mamadou à Tripoli, la capitale libyenne. Il y rencontre un compatriote, qui lui propose la traversée gratuitement si Mamadou trouve quatre passagers payants. La destination ? L'île italienne de Lampedusa.

- « La Libye, ce n'est pas bon. Ils prennent tout, l'argent, le téléphone. Je ne peux pas rester là-bas. »

Selon Mamadou, près de 100 personnes s'entassent sur l'embarcation de fortune, un bateau gonflable de la taille d'une pièce d'environ 30 m2. Beaucoup de Somaliens, de Gambiens, des Maliens. Trois femmes sont montées à bord. La traversée dure trois jours.

Déplacé à Trapani en Sicile, Mamadou est emmené dans un camp.

- « Je n'ai ni famille, ni ami, je suis coincé dans le camp. Je suis tellement fatigué que j'ai peur de tout. »

Sur la plage de Trapani, non loin du camp, Mamadou rencontre un jour G., un Italien d'environ 60 ans. lls se voient souvent, Mamadou dort régulièrement chez G. .

-, « Mais je n'ai pas de travail et je me sens inutile. Je sais bien qu'à un moment, G. voudra être seul. La situation n'est pas bonne pour moi. » De plus, certains dans le camp commencent à dire que Mamadou est sûrement gay.

En Italie, Mamadou demande l'asile mais pense qu'en raison de la fatigue, il n'a pas su bien plaider sa cause. Sa demande est rejetée. Il fait un recours, à nouveau rejeté.

Il quitte Trapani fin septembre 2015, et arrive à Paris début octobre Gare de Lyon. Il demande aux gens où il peut aller dormir, rencontre un Malien, qui l'emmène à Jaurès.

- « J'y dors la première nuit et pendant environ un mois et demi ». Puis Mamadou rencontre un Sénégalais, qui l'inscrit pour le 115.

- « Je dors dans un foyer, mais il faut appeler le matin très tôt, à 5 heures, pour la nuit suivante. Parfois je me réveille plus tard, vers 7 heures et j'appelle mais souvent ça ne passe pas. Je dors parfois dehors. Ça dure environ quatre mois. »
Ce n'est que le 2 mars 2016 que sa demande d'asile est enregistrée à la préfecture de Paris. À partir du mois d'avril, Mamadou perçoit l'indemnité de demandeur d'asile. Pour une personne seule, elle est de 6,80€ par jour, auxquels s'ajoute 4,20€ si aucune solution d'hébergement n'est proposée au demandeur d'asile. Un peu plus de 330 euros pour se loger, se nourrir, se vêtir.

Au printemps dernier, pour dormir, Mamadou se rend dans un foyer proche de l'hôpital de Nanterre où il paye 100 euros par mois.

- « Mais au bout de quelque temps, je dois partir car des résidents commencent à parler sur moi, disent que je suis « gordjiguene », ce qui signifie gay en wolof. »

Mamadou est reçu à l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et des apatrides) et lui demande de raconter son récit, tel qu'il l'a rédigé quelques semaines plus tôt avec l'aide de France Terre d'asile. C'est en racontant son histoire à Médecins du monde qu'il apprend l'existence de l'Ardhis. Mais il n'a pas eu beaucoup de temps avec ses accompagnants de l'Ardhis pour préparer son entretien. Durant l'entretien à l'Ofpra, Mamadou est assisté d'un traducteur sénégalais, il en a peur, il craint que ce dernier ne le dénonce. Une crainte infondée, puisque les traducteurs sont tenus au secret. Sa demande est rejetée, son récit n'étant pas jugé crédible. Il dépose un recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.

Lors de l'interview, fin octobre, il ne sait pas quand son audition va avoir lieu. Cet été, il dort à Belleville, mange chez les Petites soeurs des pauvres à Parmentier ou à la Villette.

- « La rue, c'est dangereux, je ne dors pas bien. Il y a les voitures, les camions. À Jaurès on m'avait volé mon téléphone. »

Mamadou n'a qu'une espérance, celle de pouvoir rester en France.

- « Je ne peux pas retourner au Sénégal. Le père de Djibril* est très religieux et ses frères me tueraient. Je pense souvent à Djibril. Mais aujourd'hui j'ai envie de tout oublier, de laisser tout cela derrière moi. J'attends qu'on me donne les papiers pour rester ici définitivement. C'est la seule chose à laquelle je pense quand je me réveille. »

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Un fardeau d'être Gay ?Where stories live. Discover now