*Confidence 6

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Aliou, 27 ans, jean moulant, tee-shirt blanc, la démarche chaloupée du dandy et le regard aux aguets, est lui aussi passé par la case prison pendant trois mois. Il était avec un ami, un soir, quand des policiers l'ont arrêté. Un banal contrôle de papiers qui s'est mal terminé.

- «L'agent est allé raconter que nous étions en train de baiser dans la rue alors qu'on discutait. Il s'est vengé parce qu'on ne voulait pas lui donner d'argent.» Aliou soupire.

- «C'est difficile de vivre son homosexualité ici, on est persécuté en permanence. On t'insulte, on te traite de sale pédé, on te jette des pierres sous prétexte que tu as une démarche un peu efféminée.»

Exclu de sa famille et sans boulot, Aliou vivote «en couchant à droite à gauche». Une prostitution contrainte et forcée, essentiellement via des rencontres sur le Net, comme le font de nombreux autres membres de la communauté gay au Sénégal.

- «La société a changé, concède un universitaire qui a tenu à garder l'anonymat pour ne pas éveiller les soupçons en raison de son célibat. Avant, il y avait une tolérance vis-à-vis des homosexuels. Ils avaient une place, un rôle. Je me souviens, il y a encore une trentaine d'années, on ne pouvait pas concevoir de faire un baptême ou un mariage sans goordjiguen. Ce sont eux qui animaient les cérémonies.»

Les esprits se sont braqués. La faute à qui ? A quoi ? Paradoxalement, «la création des associations de lutte contre le VIH y est pour quelque chose», estime le directeur d'une ONG sénégalaise ayant lui aussi requis l'anonymat.

- «Dans l'imaginaire populaire, les goordjiguen n'avaient pas de sexualité. Avec les associations, on a clairement parlé d'homosexualité. Cette mise sur la place publique de l'intime a gêné les Sénégalais et a été amplifiée par les médias qui ont usé d'un discours homophobe à des fins commerciales, pour mieux cadrer avec les prêches religieux.»

Un point de vue que partage le socio-anthropologue Cheikh Ibrahima Niang.

-«On assiste à une certaine radicalisation du discours religieux, explique-t-il. A coté de l'islam sunnite traditionnel, il y a une montée d'organisations politiques islamistes qui cherchent à prendre le pouvoir. Pour construire leurs projets, il leur fallait un bouc émissaire qui soit à même de prouver que les problèmes de la société sont liés aux écarts vis-à-vis de la religion. Le plus simpliste - parce que le plus faible -, c'était l'homosexuel.»

Alors que dites-vous de la prostitution de Aliou ?

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