*Confidence 4

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Son passage est furtif mais suffit à attirer tous les regards. Sous un soleil écrasant, il franchit deux barrières métalliques, l'une siglée du drapeau de la Guinée et l'autre du Mali. Nous sommes à Kourémalé, sablonneuse bourgade frontière composée d'une suite de maisons en banco (mélange de terre crue et de paille) jalonnant la RN5, un long ruban d'asphalte qui permet de relier Bamako à travers la brousse et les majestueux monts Mandingues.

Il est midi, la température frôle les 35 degrés et l'homme qui nous rejoint est un fugitif dont la tête a été mise à prix. Il se nomme Balla Diaby. Son "crime" est d'être "homosexuel et transformiste", comme il se définit. A l'abri des regards dans la cour d'une gargote, Balla s'assoit sur une chaise en corde tressée. Il porte une tunique en wax au motif chaînes. Depuis trois mois, ce Malien âgé de 23 ans vit chez un ami dans un petit village de Guinée. Il a roulé une heure en moto pour venir nous raconter son "calvaire".
......

Après avoir déposé ses longues tresses décolorées sur son épaule gauche, il confie que, depuis qu'il est "en bas âge", il "aime les choses féminines".

- "A partir de 13 ans, ça m'a joué des tours. On a commencé à s'en prendre à moi, à m'appeler 'Tatie' ou 'Bijou', à me frapper. Rien que ma façon de marcher les dérangeait", explique-t-il d'un débit rapide avant de montrer ses avant-bras qui portent encore les stigmates des coups qu'il a reçus.

-"Je n'ai jamais pu terminer l'école. Ma mère a déposé plainte auprès du ministère de l'Education mais personne ne voulait qu'on en parle. Certains enseignants me défendaient, d'autres critiquaient mon attitude."

La situation devient intenable lorsqu'un groupe homophobe publie des photos de lui sur les réseaux sociaux. "Sur Facebook, il était écrit : 'Vous, les homosexuels, on va vous tuer, vous allez quitter notre pays'". Courageux, Balla répond à ses agresseurs numériques par de courtes vidéos. Cette médiatisation le dessert.

-"J'ai décidé de ne pas céder à la peur et de me défendre mais je ne pensais pas me retrouver au cœur d'un scandale national. J'ai été érigé en prostitué et en soi-disant promoteur de l'homosexualité au Mali."

Sa photo est diffusée dans des journaux, des gens commencent à le reconnaître dans la rue. Pour échapper au lynchage, il rejoint son oncle en Côte d'Ivoire. Mais après trois mois de séjour à Abidjan, la cabale reprend. Apprenant son exil, des Maliens offrent une prime d'un million de francs CFA (environ 1 500 euros) à celui qui mettra la main sur "la honte du Mali".

-"Des homophobes ont publié une vidéo où l'on me voyait me travestir. Ma famille savait que j'étais homosexuel mais ignorait que je me travestissais. J'ai alors été rejeté par tout le monde. Mon oncle m'a demandé de quitter sa maison tant la persécution à mon encontre avait pris une tournure internationale dans toute l'Afrique de l'Ouest."

Un matin, alors qu'il se brosse les dents, il voit à sa fenêtre un groupe de jeunes qui l'attendent. Le soir tombé, il ramasse ses affaires et quitte le pays.

Sans nouvelles de sa famille depuis qu'il s'est installé en Guinée, Balla sait qu'il ne pourra jamais plus revenir au Mali, mais dit ne rien regretter.

-"Je n'ai jamais envisagé de me camoufler ou de renoncer à me travestir car c'est mon identité et je n'ai pas envie de reculer. Je n'avais pas envie d'attendre que les mentalités changent pour être moi-même."

Que conseillez vous à Balla ?

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Un fardeau d'être Gay ?Where stories live. Discover now