Chapitre X: Bulle emportée par le courant

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«Donc, fit Esteban, si je fais quoi que ce soit qui vous déplaît, vous la tuez.

-hélas, c'est bien cela, lui répondit celui qui tenait sa sœur comme si il était désolé.

-Je vois... Et si je ne vous écoute pas et que vous la tuez, que ferez vous après?»

Contrairement aux trois autres personnes qui se trouvaient ici, Esteban, qui se trouvait au centre de la situation, ne montrait aucune émotion grâce à sa maîtrise. Seul se trouvait un regard vérifiant tour à tour le Tauventais et son acolyte, dans lequel ils auraient pu voir, si ils avaient été suffisamment près, leur propres reflets dans sa paire de pupilles. L'étranger n'avait pas l'air d'apprécier la vision d'Isabella en détresse, ce qui était étrange sachant que ce chevalier constituait la moitié des forces venues pour nuire à cette dernière.

«C'est une question pour le moins pertinente... La suite logique serait sans doute la perte de votre vie par nos soins.

-Me tuer, vous deux? J'en doute. Toi, le pseudo chevalier! Tu te souviens de cette douleur que tu as soudainement ressentit pendant le combat?»

Par le biais de cette phrase, Guillaume venait d'avoir la confirmation que ce chevalier avait bel et bien triché. Maintenant qu'il savait que l'honnêteté était absente chez lui, les larmes de la fille que Bréval tenait en otage impactèrent bien moins son cœur. Car en l'absence de la loi, c'est quitte ou double face à la fourberie, ou autrement dit: laisser la fourberie adverse l'emporter, ou renchérir par une fourberie encore plus fourbe. Et il semblait à Guillaume que Bréval était capable de renchérir de la fourberie ad vitam æternam, donc il était hors de question de quitter.

«Ouais, je souviens, répondit-il.

-Tant mieux, car c'est justement un bref aperçu de ce qui va vous arriver si vous essayez de m'arrêter.

-Il te faudra dire adieu à cette fille, avertit Bréval.»

A l'étonnement de ce dernier, la dite fille se dépêtra de sa peur pour raffermir son visage en un masque de détermination fissuré par les traînées de larme, ce qui précéda sa prise de parole. «Vous pouvez me tuer, mais cela ne changera rien. Partez tant que vous le pouvez, pour votre propre bien!»

En entendant ça, Esteban avait grand-peine à garder son propre masque de maître de la situation. Sa sœur avait enfin réussie à surpasser sa nature froussarde de rongeur jusqu'à approcher la vaillance des héros aux origines de leur lignage. Si elle avait eu une arme, elle aurait été maintenant capable de se battre comme une dragone faisant s'écrouler l'aise adverse. Mais il ne pouvait pas la perdre maintenant, elle qui était à l'aube de son âme guerrière. Isabella avait été toujours là pour lui, au point de devenir son écuyère et de l'accompagner dans sa quête, elle qui l'avait aidée à maîtriser ses pouvoirs, elle qui venait tout juste d'accroître sa bravoure. Elle se mettait encore plus en danger en faisant cela, la capacité de passer au-delà de sa mort sans broncher dont il se vantait, et qui l'avait probablement inspirée, n'étant que du bluff. Et elle avait beau déployer toute sa volonté, celui qui la retenait en otage ne flanchait nullement, et prononça même ces mots sans perdre sa manière de parler ironiquement raffinée: «Je vois que, tel Lirié, vous avez embrassée votre condition de martyre, ma très chère demoiselle. Mais je crains que ce ne soit une condition qui ne se forge que dans la douleur...» Joignant l'acte à la parole, il creva sans hésitation de son couteau assassin la blanche peau de vierge, et fit pénétrer la lame au plus profond du bras d'Isabella, dont le cri de douleur allait se faire entendre de plus en plus loin à mesure que la pointe rentrait de plus en plus. Ce cri fut assez puissant pour démolir la façade qu'Esteban s'était faîte, révélant au grand jour sa rage.

Quintessence-Grains de Sable PrismatiquesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant