La Demoiselle (7)

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Parvenue devant l'estrade, elle s'immobilisa un instant aux côtés de l'unique personne à genoux, encadrée de part et d'autre par deux gardes vêtus de bleu ciel, plia les genoux.

— Merci, glissa-t-elle à son oreille. Quoi qu'il arrive, je me souviendrai de vous.

Le soldat dégradé ne bougea pas, mais elle savait qu'il était le seul à l'avoir entendue. Même ses deux geôliers n'avaient pu capter le murmure. Eliane se redressa, obliqua vers la gauche, en direction d'un petit fauteuil tendu de velours qui avait été installé un peu à la droite du trône, et elle dut sincèrement réprimer son sourire en constatant que, de l'autre côté de l'estrade, Sire Dalethras de Terre, assis à côté de sa fille, la fusillait du regard. Simplement par son placement, elle était déjà avantagée par rapport à lui ; l'unique autre personne qui se trouverait à droite du Roi serait le Prince.

Malgré le fauteuil confortable qui avait été mis à sa disposition, elle s'assit raide et droite, riva son regard haut au-dessus de la foule, attendant l'arrivée du maître des lieux. Mais, contrairement aux instants qui avaient précédé son arrivée, plus personne n'osa piper mot. Sa simple présence avait réduit les conversations à néant, avait transformé l'attente haletante en un oppressant mutisme.

Elle n'eut pas à attendre longtemps. Très vite, une petite porte située derrière l'estrade s'ouvrit, et deux rythmes de pas distincts résonnèrent dans le silence qui régnait. Le Roi Laurus de Ciel apparut, suivi de son fils, Vilhelm, tels deux versions du même homme à des âges différents. Eliane, Dalethras et Tyrha se redressèrent, et s'inclinèrent en même temps que la salle devant leurs souverains, qui s'installèrent l'un sur le trône, l'autre sur un profond siège à la forme semblable. Alors seulement, Eliane, Dalethras et Tyrha se rassirent, et le reste de la salle se releva.

Le Prince Vilhelm s'éclaircit la voix.

— Aujourd'hui, lâcha-t-il d'un ton neutre, posé, nous sommes réunis pour juger un crime commis à l'encontre de Dame Tyrha de Terre par un soldat de la province d'Ombre. Puisqu'il est d'usage de rappeler les faits avant que le verdict ne soit prononcé, les voici.

Il sortit d'une poche de son veston richement décoré un morceau de parchemin, le déplia, et lut :

— Soldat Melvin d'Ombre, vous êtes accusé d'avoir abusé de la Dame Tyrha de Terre dans ses appartements durant votre service. La scène ayant été vue par de nombreux témoins, vous ne pouvez nier avoir commis ce crime. En conséquence, vous êtes condamné à...

— Votre Majesté.

La voix claire d'Eliane interrompit le prince, qui leva le nez de son parchemin, et tourna pour la première fois depuis des semaines la tête vers elle. En croisant ses yeux noirs, elle sentit son souffle se bloquer dans sa poitrine, mais elle poursuivit malgré tout, forçant sur sa gorge pour demeurer ferme.

— Il est d'usage à Ombre d'écouter tous les partis avant de rendre un verdict. Puisque l'homme vient d'Ombre, j'aimerais qu'une procédure semblable soit suivie ici.

— Il en est hors de question ! s'exclama Dalethras en se dressant brusquement. Cet homme a abusé de ma fille, il ne va pas en plus diffamer son honneur en place publique ! Altesse, j'exige sa tête !

La colère du Sire de Terre provoqua un mouvement de recul au sein de l'assemblée. Sa voix profonde, son ton haineux, résonnèrent violemment entre les épais murs de pierre. Mais Eliane se leva à son tour, crispée et, oubliant totalement le trouble que Vilhelm lui avait causé un instant plus tôt, elle ficha ses yeux dans ceux, verts lumineux, du père de Tyrha.

— Sire Dalethras, lâcha-t-elle froidement, avec tout le respect que je vous dois, vous n'avez pas la moindre idée de ce qu'il s'est réellement passé.

Dynasties / ElianeWhere stories live. Discover now