Chapitre 22 L'Île de la Nature (1ère partie)

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—Pourquoi est-ce que c'est moi qui doit jouer la nourrice ? me demandai-je, en haut d'un marronnier à l'odeur étrange.

J'observais la forêt qui semblait déserte. Normalement, je devrais entendre un oiseau siffler, mais même le vent se taisait.

En changeant de position, ma main glissa dans un creux de l'arbre. Je la ressortis noire de feuilles pourries. Je grimaçais de dégoût sous l'odeur insoutenable des végétaux morts. Je m'élançais d'une branche pour descendre. Ce fut une erreur. Elle se brisa entre mes mains. Je tombais du haut de l'arbre en m'écroulant de tout mon long dans les feuilles pourries.

Cette forêt n'était pas dans un état normal. La terre y était humide, voir boueuse, alors qu'il n'avait pas plu depuis une demi-lune. Les feuilles étaient collantes, où une mousse blanchâtre poussait dessus. L'odeur de décomposition y était atroce. Les arbres s'étaient dévêtus de leurs ornements vert de la saison chaude. Les branches maigres, ne semblaient plus vivre. L'écorce, normalement d'une belle couleur, se détachait facilement des troncs et tombait en lambeaux. Je passais ma main sur un tronc. La mousse avait moisi en devenant un liquide visqueux, quasiment noir. J'essuyais cette essence mal-saine sur mon pantalon, en fronçant les sourcils.

Un coup de vent fétide m'ébouriffa les cheveux au passage. Cette odeur provenait d'un vautour déchiquetant, à l'aide de son bec, les entrailles d'une petite bête.

J'aurais peut-être dû faire plus attention où j'étais, au lieu de courir pour me percher sur un arbre. En effet, autour de moi, des cadavres d'animaux à profusion, s'éparpillaient dans cette forêt maléfique. J'entendis un bruit d'étouffement et vis que le vautour était en train d'agoniser par terre. Il eut un haut le cœur et mourut sous mes yeux. Le cadavre dont il se nourrissait avait la chair noire, comme le liquide des arbres. Certains animaux avaient la gueule ouverte, d'où coulait doucement cette même noirceur alors que leur mort devait dater d'il y a longtemps. Leur yeux étaient vitreux ou complètement noir.

La forêt était malade et ses habitants mouraient à petit feu, par une force mystérieuse qui se rapprochait plus des ténèbres.

Des cris montèrent du fond de cette forêt. Je me mis à courir, car je compris que Ness était véritablement en danger. J'essayais de suivre son odeur, incrustée par la peur, mais on aurait dit qu'il tournait en rond et se jouait de moi. Je cru même que tout ces bruits n'étaient que des illusions créées par la magie. Au loin, je voyais quelque choses briller. J'accrus ma vitesse pour atteindre ce scintillement étrange. Les buissons et les arbres étaient de plus en plus touffus. Des ronces et des branches de houx se prenaient dans mes vêtements, m'égratignant par la même occasion. Enfin, je sortis de cette nature indomptable.

Devant moi, un lac s'étendait, où en son centre, une grande île imposante à l'aspect très arrondit, cachait une partie de l'autre rive. J'avais trouvé l'origine de cet éclat. J'ignorais comment je pouvais savoir que Ness se trouvait sur cette terre, mais quand je m'approchais de la rive lisse comme un miroir, je m'envolais en me raclant le dos sur les branches et les racines.

—Un rayon de protection, grommelai-je.

Toute cette île était protégée. Je me relevais et, avec prudence, m'approchais du bouclier qui devait s'étendre sur tout le lac. Je mis ma main dessus et appuyais fort.

—Irydia, déclarais-je.

Un jet de flamme sortit de ma paume et s'étendit sur toute la protection qui révéla être un dôme. La surface invisible brûla petit à petit et finit par se briser en morceaux. L'air de l'extérieur s'engouffra comme un aquilon. Je plongeais dans l'eau pour rejoindre l'île.

Le sol était dénudé de végétaux. Il était fait de simple grains de sable fade avec une légère couche de vase. Il n'y avait pas un seul poisson ou mollusque vivant dans cette eau froide. Je continuais ma traversée et arrivais bientôt à l'île. Mais quelle ne fut pas ma surprise en voyant que la terre n'était pas accrochée au sol. Elle semblait même se promener en toute liberté. Je m'en approchais plus prés en touchant la parois terreuse. Je la grattais, mais aucun grain de terre n'en tomba pour se mélanger à l'eau. Un claquement derrière moi me fit me retourner.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant