Chapitre 15 Ensorcelé (2ème partie)

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          La porte s'ouvrit brusquement et le pauvre Ness fut enlevé de force à l'extérieur, où il atterrit doucement sur le sol, assis.

— Ness, je ne veux pas te faire du mal, mais c'est extrêmement important. J'ai besoin de toi, insista Githrandiar.

— L'Entre-Monde est vaste. Pourquoi ne choisis-tu pas un autre de tes amis ? Je ne souhaite pas y aller, moi, gémit Ness, comme s'il venait d'être puni.

— Mais ils appartiennent aux Royaumes connus par tous. Que les aïdems...

— Ce n'est pas mon problème Githrandiar, coupa le petit. De toute façon, les aïdems n'ont pas le droit de sortir de Blimane. Nous devons être protégés, car beaucoup d'êtres, peu recommandables, aspirent à nous capturer pour se servir de nous.

— Je le sais bien. C'est moi-même qui ai créé cette loi.

— Alors pourquoi m'obliges-tu à quitter Blimane en connaissant l'interdiction ?

— Ce n'est pas interdit. C'est déconseillé, reformula Githrandiar. Et que veux-tu qu'il t'arrive, puisque je serais là ? Qui pourrait mieux te protéger que moi ?

— Rudilis ? grimaça Ness.

Githrandiar ne répondit rien, mais son visage était blessé.

— C'est vrai, déclara l'aïdem en haussant les épaules. Rudilis est le magicien le plus puissant de tout Entre-Monde. Alors que toi... tu n'es qu'un missionnaire et c'est justement lui qui te donne les ordres.

Un silence s'empara de l'atmosphère, déjà lourde.

— Ça fait mal, se braqua le magicien.

Ness se mordilla la lèvre inférieure.

— Promets-moi que tu seras chez toi ce soir, supplia-t-il.

— Bien sûr. Je vais rester chez moi, au lieu de me rendre à la fête, parce que tu me le réclames si gentiment. Tu rêves mon pauvre, Lâcha l'aïdem en se remettant debout.

Son regard jetait des éclairs en direction de Githrandiar. Ce dernier tapa deux fois contre le sol avec son bâton. Les yeux coléreux de l'aïdem devinrent ineptes.

— Ness, m'accompagneras-tu dans une de mes missions ? demanda le magicien, en souriant.

— Avec plaisir, Githrandiar. Nous sommes amis et rien ni personne ne pourra briser cette amitié basée sur la sincérité et la confiance entre nous.

Le plus petit sauta au cou du magicien. Le regret et le reproche voilèrent les yeux, déjà tristes de Githrandiar. Mais il se ressaisit en mettant fin à l'embrassade de l'aïdem, le seul véritable ami qu'il avait.

— Je te retrouve ce soir, chez toi, alors.

— Je prépare les tasses de fruits, s'écria joyeusement Ness.

Githrandiar regarda l'aïdem s'empresser et d'un sourire mélancolique, partit de Blimane.


          Ness grimpa à sa cabane avec l'aisance d'un enfant hâtif. Il ferma sa porte, grand sourire, puis il déserta son visage.

— Je rêve ! cria-t-il en déambulant dans l'entrée. Me croit-il vraiment né de la dernière pluie ?

Il sortit un sachet, cousu de feuilles, d'une de ses poches.

— Au moins, j'ai fait une affaire avec ces vampi-graines, se commenta lui-même le petit.

Dans le paquet sautaient des graines rouges épineuses.

— Vos copines n'ont pas été tendres avec moi, déclara Ness en regardant le fond du sac. J'ai bien cru qu'elles allaient m'arracher la gorge avec leurs piquants, mais après, c'est comme si je mangeais de la soupe.

Il monta sur la mezzanine, vers son lit en bois, pour soulever le lourd matelas. Il glissa en dessous le ballot de tissus qui tressautait par moment.

— Je savais bien qu'un jour Githrandiar utiliserait sa magie contre moi. Mais pour qu'il insiste de la sorte, c'est que cette mission doit être très importante, jugea-t-il en mordillant l'intérieur de sa bouche. Mais je suis un aïdem de Blimane, termina-t-il, tout sourire.

           Il redescendit en glissant et se dirigea vers une grande fenêtre au paysage étendu. Ness se positionna devant un pan de mur vide et soupira en fermant et desserrant ses poings. Il mit sa main sur la surface, qui disparut. Le reste de son corps suivit.



           Un petit bureau avec deux tiroirs d'un côté et une étagère au-dessus se trouvait au milieu de la pièce secrète. Il était noyé sous un déluge de papiers et de manuscrits recomposés. Le meuble possédait des plateaux en bois, où des feuilles griffonnées d'encre en débordaient.

           Des livres, dont certains ouverts sur des dessins, jonchaient le sol. Des documents reprenaient quelques phrases de ces pages. Des plumes, à la pointe arrachaient, trônaient dans la pièce désordonnée.

           Ness passa sa main sur un papier représentant une épée à la lame courbée.

           Il contourna le bureau et se saisit d'un fourreau dans un coffre, contre le mur. Il se mit soudain à tourner sur lui-même, comme s'il cherchait quelque chose, puis se calma quand son visage rencontra une épée ondulée sur le sol. Il l'empoigna et la regarda, impressionné, mais aussi effrayé.

— Comment as-tu pu être enfoui dans Blimane ? Surtout dans mon jardin. Je devrais t'envoyer à Undĕwial, mais... quelque chose m'en empêche.

           Des dragons semblaient ramper sur la lame pour monter sur la garde, où leurs queues prenaient l'apparence de tentacules. Ils paraissaient vouloir engloutir le rubis qui dominait l'épée.

           Un minuscule onyx, sculpté comme une pupille dans le joyau rouge, donnait la désagréable impression que l'arme suivait chacun des gestes de Ness. Il empoigna le pommeau, forgé en forme de croissant de lune, aussi éclatante que l'astre lui-même.

          L'aïdem, tellement fasciné, ne vit pas la main traverser le mur secret.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant