Chapitre 16 Une question de temps (2ème partie)

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          —Énigme très difficile. Mettez le sablier, ordonna le père.

L'individu se leva brusquement.

—Vous partez ? demanda l'aïdem. Laissez moi, au moins, répondre à l'énigme avec vous.

Mais le voleur s'approcha du père de Ness. Pour la première fois, l'aïdem prit peur.

—Qui êtes-vous ? dit-il, la voix chevrotante.

—Voila la première question que vous auriez dû me poser, stupide aïdem, déclara le voleur, d'une voix féminine. Répétez l'énigme, ordonna l'individu.

L'aïdem obtempéra, mais ne comprit pas plus l'énigme qu'au début.

—La guérison est mon point fort, commença à réciter le voleur en continuant à s'approcher dangereusement du père de Ness. Rien ne me fait peur. Ni même la mort. Je suis un trésor car je suis rare. Mais tout le monde est jaloux face à moi, même si ils le cachent bien. Mais tout le monde est écœuré face à mon cœur car je suis différent des autres. Mais Entre-Monde ne serait rien sans moi.

—Je ne comprend toujours pas, bredouilla l'aïdem, apeuré.

L'étrange personnage enleva son vêtement noir. Un visage d'une belle blancheur où deux calcites vertes brillaient se découvrit. Des lèvres rosies et des cheveux enflammés, aux mèches de sang, donnaient une beauté exceptionnelle à cette femme hors du commun.

—Je peux tout guérir, même la mort, ce qui fait que je ne la crains pas. Il n'y a pas de fin pour moi. Je suis un petit trésor à moi toute seule. Entre-Monde est jaloux de mon immortalité. Mais il est aussi écœuré par ma façon de me nourrir. Mais grâce à moi, les Royaumes d'Entre-Monde ne disparaîtront pas. Ils seront immortels. Tout comme moi. Gronda la femme.

—Vous n'êtes pas une voleuse, souffla l'aïdem, épouvanté.

—Non, affirma la femme en ouvrant légèrement ses lèvres.

—Vous êtes une vampire, s'exclama le père de Ness.

—Félicitations. Vous avez bien répondu à l'énigme. Mais vous avez perdu.

La vampire dirigea sa main vers le cou de l'aïdem pétrifié de peur, collé contre la cuisine. Mais au dernier moment, il disparut. Les doigts de la femme ne rencontrèrent que le vide. Elle poussa un feulement de frustration.

—Donc, vous avez vraiment le don de devenir invisible, vous autres les aïdems, dit-elle, en se retournant doucement vers la porte de la cuisine qui donnait sur le couloir de la maison de Ness.

—Savez-vous d'où ça vient ? Une mauvaise manipulation génétique ? ricana-t-elle.

—Tu peux peut-être te rendre invisible à ta guise, continua la vampire. Mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas te trouver. Je ne te vois pas, mais je peux te sentir et t'entendre, siffla-t-elle.

Sur la table, la femme retourna le sablier, dont le sable doré commença à s'écouler le long de la parois.

—J'ai mis le sablier comme tu me l'as demandé tout à l'heure.

La vampire sortit de la cuisine et marcha dans le vestibule comme un chasseur.

—Viens petit aïdem. Je ne vais pas te faire de mal. Continuons à jouer. À part si maintenant, ton jeu préféré est le chat et la souris. Ou la vampire et l'aïdem.

          De ses yeux verts, elle scrutait le long couloir, en longeant les murs comme un serpent, tout en ne produisant aucun son sous ses pas. Elle tourna subitement sa tête vers la gauche, et entrouvrit ses lèvres sur des dents blanches et aux canines aiguisées.

—Si je peux te donner un petit conseil, tu respires trop fort, l'avertit-t-elle.

La vampire entra dans une chambre, en examinant chaque recoin de la pièce. Ses yeux devinrent rouge.

—Laisse moi te goûter petit aïdem. Tu ne sentiras rien. Ou presque, persifla-t-elle.

Elle s'approcha d'un lit à baldaquin, d'une manière féline. Elle retourna la tête vers la porte.

—Tu auras beau courir, tu ne pourras m'échapper. Quand un vampire chasse une proie, toutes les autres lui semblent... fades.

La femme sortit de la chambre et s'avança vers la sortie.

—Si tu crois m'agacer petit aïdem, tu te trompes. Chasser est bon pour le moral et je m'amuse comme une folle en ce moment, gloussa-t-elle.

Un filet de lumière glissa dans le vestibule venant de la trappe.

—On continue à essayer de se sauver à ce que je vois.

La trappe se referma d'un coup sec.

—La vie est un jeu de hasard et de logique comme tu l'as si bien dit. Mais tu as oublié qu'elle est aussi une succession d'essais... Et d'échec, siffla la femme.

La vampire arriva dans la petite cabane en quelques secondes et empoigna la salopette du père de Ness, qui essayait de descendre par l'échelle. Elle l'envoya contre un des murs en bois.

—L'heure du dîner à sonné, rugit-elle.

         Au moment où la vampire planta ses canines dans la jugulaire de l'aïdem, ce dernier redevint visible. Il ne poussa pas un cri, mais ses yeux parlaient.



           Quand le corps fut vidé de son sang, la vampire se redressa, en s'essuyant la bouche avec son poignet. Ses yeux, redevenus verts, avec une légère pointe rougeâtre, se dirigèrent vers un objet contre un cageot. Elle le prit et passa sa main sur la couverture verte, et l'ouvrit. Les pages étaient quasiment illisibles, à cause des milliers de ratures. Des dessins barraient parfois les mots, déjà difficile à lire. Mais à chaque haut de page, le même symbole y était dessiné avec une encre rouge. Il représentait une fleur à la corolle en forme d'entonnoir, d'où s'étiraient du cœur des pistils. Un datura. La vampire passa son doigt dessus et l'huma. Son visage, stupéfait, regarda le livre d'un air soupçonneux.

—Que fait un aïdem avec ce genre d'objet ? chuchota-t-elle.

Elle glissa le plat de sa main sur la couverture lisse.

—Egwa, déclara-t-elle.

Le livre s'entoura, subitement, d'une légère lumière bleue, qui jaillit pour attaquer la vampire. Un trou s'était matérialisé dans l'un des murs en bois. Il fumait et des petits rougeoiements continuaient à brûler le matériau.

—Du Sileryen, cracha-t-elle.

La vampire redescendit dans le vestibule et fourra le livre dans une des poches cachées de sa cape.

—Il est grand temps que je m'occupe de ce fameux Ness, susurra-t-elle, la tête haute et le sourire carnassier.

Elle se mit devant le mur qui menait à la pièce cachée. Elle fit traverser sa main, qui disparut derrière le mur. Son sourire s'intensifia.

—Bonjour Ness. Il est temps pour toi de partir, gronda-t-elle, avant de passer de l'autre côté.

          Dans la cuisine, le dernier grain de sable tomba, sonnant la fin du temps impartit.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant