Chapitre 3 Les Aïdems (2ème partie)

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          Le petit le considéra, puis posa sa porcelaine. Ses yeux aussi semblaient anxieux. Il esquissa un sourire en direction du vieil homme qui appuyait son front sur la table comme si toute énergie l'avait abandonné.

— Tout continue n'est-ce pas, car je pense que tu ne serais pas venu te réfugier chez moi si ce n'était pas le cas.

Son ami trouva la force de le regarder tandis qu'une larme coulait le long de sa joue.

— Oui, Ness. Ils vont en finir avec sa vie et je ne peux pas le permettre. Je n'arriverais pas à me le pardonner.

Le petit se leva pour nettoyer sa tasse.

— Alors, tu ne bénéficies plus que d'une solution. La seule qu'il te reste, même si elle comporte un profond danger. Tu dois l'emmener avec toi.

— Je t'ai déjà expliqué que cette issue n'avait aucun avenir. Ils nous retrouveraient et me tuerais sans nulle hésitation.

— Tu partages son sang et tu devrais donc avoir la possibilité de donner ton avis. Oui, c'est vrai, le Conseil d'Undĕwial dispose de son existence et lui appartient entièrement, mais les choses ont changé. Tes sentiments ont évolué.

— Je suis un missionnaire et non un diplomate ou un seigneur. De plus, je ne possède pas de richesse. Je n'en ai pas le droit. En conséquence, je ne peux rien demander. Les lois et mes promesses faites sur l'Eliandre m'enchaînent.

— Mais tu es le Magicien Sans-Visage ! s'écria Ness, en bondissant sur ses pieds.

Le silence s'installa après cette déclaration des plus vives. Ness regardait le contenu de son récipient vide.

— Tu n'es pas quelqu'un à prendre à la légère. Les Contrées te tiennent en respect. Tu fais partie des plus puissants magiciens de l'Ordre. Et malgré tes prestiges, qui ne sont pas les mêmes que ceux d'un seigneur, tu ne pourrais pas aider à décider de la vie d'un de tes proches ?

Il réussit à tirer de son ami un court sourire.

— Tu connais le fond de mes pensées. Je ne suis qu'un aïdem, c'est vrai et je ne côtoie pas le monde comme toi, mais tu n'oses pas tenter de te dresser contre le Conseil. Tu vois ce qu'il se passe. Tu as beau ne pas lui adresser la parole, mais tu ne peux l'ignorer plus longtemps. Sa souffrance demeure à chaque instant. Si tu ne te décides pas, sa mort arrivera plus tôt que prévu. Tu me le dis assez souvent pourtant qu'un coup d'éclat se révélerait des plus bénéfiques. Mais à part parler, quand comptes-tu passer à l'action ?

Le petit prit la tasse du vieil homme et la but, car il avait compris qu'il ne pouvait rien avaler.

Il fronça les sourcils en voyant son invité ne rien rétorquer. Le mettre ainsi au pied du mur irrite normalement, mais aujourd'hui, ses tourments semblaient intenses, plus qu'à l'accoutumée. Son mutisme alarma l'aïdem.

— Tu connais le danger auquel je nous exposerais, murmura Githrandiar. Tu sais qu'on ne peut pas lui faire confiance. Je ne peux pas lui faire vivre ça. Ou alors, je ne vaux pas mieux que ses geôliers. Donner des leçons est une chose. Les suivre, en avoir la force en est une autre. Il est peut-être l'être le plus puissant d'Entre-Monde, mais je ferais partie de tous ces monstres qui lui tournent autour comme des vautours, si je le laissais mettre ses plans à exécution. Je dois lui résister pour son bien. Cette confession, percée d'une pointe de rébellion, avait illuminé le regard du magicien pendant un prompt instant.

           Ness examinait son hôte assis sur la cuisinière, les mains entrelacées sur les genoux et les jambes croisées qui se balançaient dans l'attente que le nœud s'effile. Dehors, Blimane parlait et riait en ignorant le désespoir d'un humain venu chercher du réconfort et aide auprès d'un aïdem.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant