Entre deux services | Antoine Griezmann

53. Questions

Antoine Griezmann

— Lorélia tu me fais mal

Un temps passe et la lourde pression sur ma main ne change pas, son regard est fixe, vide de toute émotion. Elle est abasourdie par la nouvelle, c'est sans appel.

— Lorélia, insistais-je avec un peu plus de puissance dans ma voix pour tenter de la ramener à la réalité

Sa tête finit par pivoter et ses yeux couleur noisette me fixent avec intensité, m'envoyant toute la crainte et la frayeur qu'elle ressent à travers un simple regard.

— Pardon, c'est juste que je ne m'attendais pas à ça

Elle relâche enfin ma main devenue douloureuse et je la malaxe pour faire passer cette mauvaise sensation en attendant qu'elle me pose des questions, car après une telle révélation, elle doit en avoir des milliers.

— Mais comment est-ce qu'ils l'ont retrouvé ?

— Après l'appel à témoin, quelqu'un a contacté l'agence pour leur parler de son voisin qui correspondait étrangement à la description donnée, à la photo liée et à l'histoire en général. Tout correspondait et après quelques investigations sur la personne, ils ont décidé de tenter de le contacter. Après quelques jours de silence, il a fini par leur donner une réponse.

— Et comment ils peuvent être certain que ce soit lui ? demanda Lorélia

— Dans les courtes discussions qu'ils ont eu, il a affirmé avoir une fille qu'il n'a jamais connu et qu'il a en effet eu des relations avec ta mère

Elle hoche de la tête, les yeux vacants vers la verdure qui nous entoure le temps que les informations soient traitées.

— Tu as dit qu'il voulait me rencontrer

— C'est exact, il a lui-même transmis à l'agence son souhait de réparer les erreurs du passé et te rencontrer pour peut-être nouer un lien familial avec toi

Je vois sa mâchoire se resserrer après cette dernière information et je connais déjà son avis sur la question. Elle veut le rencontrer pour savoir qui il est, mais en aucun cas sympathiser avec lui. Elle ne le connaît pas encore, mais elle le haït déjà et je comprends totalement son état d'esprit envers celui qu'elle pourrait considérer comme son père.

— Et tu en penses quoi de tout ça ?

— Je pense que tu devrais accepter sa demande et le rencontrer, au moins pour te dire que tu l'as vu une fois dans ta vie mais aussi pour que nos recherches n'aient pas été vaines. Le choix ne revient qu'à toi et uniquement toi, mon seul conseil serait de prendre la bonne décision pour ne pas avoir de regret dans le futur. Quoi qu'il en soit, je serais avec toi pour te soutenir

Elle a l'air angoissée à l'idée de le rencontrer, cela se sent sur son visage. Je ne sais pas comment est-ce que je réagirais personnellement, j'ai la chance d'avoir une famille soudée et très présente pour moi au quotidien.

— Est-ce que je peux aller faire un tour seule dans le parc pour réfléchir à tout ça ? me demande-t-elle avec un air de chien battu

— Bien sûr ma chérie, je t'attends ici

Cela fait longtemps que je ne l'avais pas appelée ainsi, on s'était interdit les petits surnoms niais, mais parfois c'est plus fort que moi, surtout que cela lui arrache un petit sourire sur son magnifique visage. Elle se lève pour procéder à sa petite escapade seule et je profite de cet instant pour penser à elle.

Je me sens abusivement amoureux d'elle en ce moment, elle a beaucoup changé. Physiquement déjà. Beaucoup plus fine, son corps est désormais vraiment sculpté. Elle qui me racontait avoir subi des moqueries sur son poids à son adolescence, je trouve que c'est une magnifique revanche qu'elle tient là. Comme tout le monde sur Terre, elle a ses imperfections qui la rendent encore plus merveilleuse. Sa bosse de l'écrivaine, ses vergetures, ses lèvres gercées. Mais elle a aussi beaucoup changé moralement. Elle est plus ouverte avec moi, plus confidente, elle me fait plus facilement confiance et n'a plus cette peur de me blesser. Cela donne lieu à des scènes de taquineries qui n'existaient pas auparavant. Elle est sortie grandie de toutes ces épreuves et je suis fier d'elle.

Une vibration provenant de ma poche m'extirpe de mes pensées amoureuses, j'attrape mon téléphone et voit le nom de mon ex-femme apparaître sur l'écran. J'hésite quelques instants à décrocher.

Ce qu'à fait Lorélia était à double voire triple tranchant. Inviter Érika chez nous était assez dangereux mais c'était principalement un test. Elle ne l'admettra probablement jamais. Elle voulait savoir si la relation entre Érika et moi était bien terminée, elle voulait savoir si elle pouvait apprendre à l'apprécier et elle voulait comprendre le comportement de Mia dans cette situation. Les réponses dans l'ordre sont oui, non et compréhensive. Je n'ai plus de sentiment pour elle, c'est chose certaine.

Je prends tout de même la peine de décrocher, elle reste la mère de ma fille et c'est elle qui la garde en ce moment-même.

— Antoine ?

— Oui Érika, que veux-tu ?

J'essaie de garder la discussion la plus formelle et distante possible, car je sais qu'elle a toujours des sentiments à mon égard. Comme des milliers d'autres femmes dans le monde, mais ce sera toujours différent avec elle.

— Tu n'es pas avec ta nouvelle petite amie ? me demande-t-elle sur un ton arrogant

— Si, mais là n'est pas la question, pourquoi est-ce que tu m'appelles ?

— Mia n'arrête pas de tousser depuis votre départ et je ne sais pas quoi faire

— Tu es sérieuse, tu ne sais pas t'occuper de notre fille ?

— Si, c'est juste que ...

— Je n'ai pas le temps pour tes excuses, va dans l'armoire à pharmacie et prend le sirop pour la toux, ça devrait la soulager quelques temps

— Mais je ne sais pas lequel c'est, vous devez rentrer, bégaie-t-elle au bout du fil

— Lis les putains d'étiquettes comme une adulte responsable

Je raccroche après ces dernières paroles excessivement énervées. Cela me met hors de moi qu'elle ne sache pas s'occuper de notre fille. Quand je pense qu'elle a réussi à obtenir la garde de Mia.

Mais il ne reste plus que 2 jours avant qu'on ne soit plus que 3 dans une nouvelle maison à Barcelone.