Entre deux services | Antoine Griezmann

43. Bretelles

10h15
Omniscient

Les garçons sont réunis dans le salon, seul Antoine manque à l'appel. L'heure semble grave, les visages sont marqués. Ils doivent prendre une décision.

— Je pense que la seule solution, c'est de lui remonter les bretelles, de le remettre dans le droit chemin, annonce le capitaine de l'équipe de France

Le débat dure depuis maintenant plusieurs minutes. Ils cherchent à régler les problèmes qui font rage dans le couple Antoine-Lorélia. Ils ont tous entendu les disputes et les durs mots du madrilène hier soir à l'exception de Samuel, qui n'était pas présent dans la villa à ce moment.

— On doit lui exposer des faits et rien d'autre, on est personne pour lui dire quoi faire, ajoute Samuel

— Tu n'as pas entendu la violence des propos qu'il a tenu hier envers Lorélia. Il a besoin que quelqu'un lui ouvre les yeux et je pense que c'est à nous de le faire. Sinon, qui le fera ?

Les garçons acquiescent après la prise de parole d'Hugo. Ils finissent par tomber d'accord sur une approche qui puisse convenir à tout le monde, mais leur objectif est clair : ils attendent une prise de conscience de la part de l'attaquant. Mais avant cela, ils doivent découvrir la source du problème. Qu'est-ce qui peut le pousser à être aussi odieux envers elle ? Qu'est-ce qui l'anime au plus profond de lui-même pour qu'il en arrive à presque détruire la relation qu'il entretient depuis plusieurs mois ? Les garçons cherchent à éviter un second épisode de rupture émotionnelle.

Ils sont surpris dans leur réflexion par l'arrivée du principal concerné. Ce dernier s'assoit sur le dernier fauteuil libre du salon et est directement mis mal à l'aise par le regard insistant de tous ses coéquipiers.

— Qu'est-ce que vous avez ? demande-t-il en se frottant les yeux encore collants

— Tu n'as pas quelque chose à nous dire ?

— Pas spécialement, je viens juste de me réveiller

— Tu es un bon joueur, mais un extrêmement mauvais menteur, rétorque son capitaine de la sélection

L'ancien attaquant de l'Atletico soupire pour signaler son mécontentement face à la situation. Il n'a pas envie d'en parler car il regrette ses propos, mais il sait qu'il n'y échappera pas.

— Vous avez tout entendu, vous avez rien de plus à savoir

Personne n'est convaincu par ses paroles et c'est Hugo qui continue de mener la discussion.

— Parle-nous de ce qui t'a poussé jusqu'à ce point. Pourquoi est-ce que tu es arrivé jusqu'à lui dire ce que tu as dit hier soir ?

Antoine s'est recourbé sur lui-même, les mains jointes par-dessus ses genoux. Il joue avec ses pouces tout en réfléchissant à sa réponse. Il est dos au mur, il ne peut pas mentir, les garçons le connaissent trop bien. Alors il doit dire la dure vérité.

— J'ai reçu une lettre d'Érika il y a quelques jours et ça m'a mis sur les nerfs, à fleur de peau

— Montre-nous la lettre voir si ça peut potentiellement justifier ça

Antoine se lève et quitte la pièce pour aller chercher la fameuse lettre. Il la retrouve dans un tiroir, pliée comme au premier jour. Il retourne d'un pas lent auprès de ses amis et jette le bout de papier au centre de la table basse. C'est Lucas qui s'en empare le premier et décide de la lire à voix haute pour en faire profiter ses coéquipiers.

« Cher Antoine,

Mon cœur est brisé. Il est tellement brisé que je crains qu'il ne soit plus jamais entier à nouveau. Toutes les promesses que tu as faites, tout l'amour que nous avions : détruit. Peut-être que tu ne le pensais pas, peut-être que tu savais depuis le début que tu me ferais marcher pendant toutes ces années. Tu n'es pas l'homme que je croyais que tu étais. Tu ne l'a jamais été. Je croyais que ce que nous avions était sacré. Tu viens de l'annihiler, tout ça. Je vais t'effacer de mon cœur, de mon esprit. Je vais t'oublier et je ne regarderai jamais en arrière. Tu as choisi ceci, tu as décidé que je n'étais pas assez et c'est tout. Je suis assez... pour quelqu'un, mais pas pour toi.

Amicalement,
Erika »

Lucas replie la lettre et la jette avec dégoût sur la table centrale.

— Pourquoi est-ce qu'elle t'envoie ça ? demande Paul

— Je ne sais pas, je n'ai pas encore cherché à savoir, et je ne sais pas si je le veux. Sa lettre a ravivé énormément de choses chez moi, peu de choses joyeuses. L'écriture ne semble pas nouvelle, elle parle beaucoup au présent alors que notre relation est terminée depuis presque un an, elle est passée à autre chose et est avec un nouvel homme

— C'est un sujet pour plus tard, là tout de suite je voudrais savoir en quoi ça concerne Lorélia, et pourquoi tu rediriges cette haine contre elle, qui jusqu'à preuve du contraire, n'est pas concernée par ça

C'est un vrai interrogatoire qui est infligé à Antoine, mais c'est la bonne chose à faire, c'est le meilleur moyen pour recadrer le jeune homme rapidement avant qu'il aille trop loin dans sa désillusion.

— Parce que je suis un imbécile qui ne sait pas contrôler ses sentiments. Je voulais pas laisser transparaître mon incompréhension face à la lettre d'Érika, alors j'ai traduit ça en colère. J'ai voulu surprotéger Lorélia pour éviter de retomber dans la même situation qu'avant et qu'avec mon ex-femme, au final je l'ai blessée car ça a fini en jalousie et en possession. Je ne la mérite pas, depuis le début je ne suis là que pour la faire souffrir

— La fin de ta phrase est fausse. C'est évident que vous vous aimez, peut-être plus que tout au monde, mais vous avez besoin d'apprendre à vous connaître, intervient Olivier

Les deux hommes les plus âgés sont ceux qui porteront le plus de conseils à Antoine au cours de cette discussion. Ils ont pu en apprendre plus sur leur relation, aussi compliquée soit-elle. Le problème n'est pas si complexe à identifier, mais il l'est à résoudre. La solution est claire pour tout le monde : ils doivent se parler. Mais pas d'une discussion classique. Ils doivent mettre les points sur les i, ils doivent fixer des limites, des règles entre eux.

— Maintenant que le petit remontage de bretelles est fini, pourquoi est-ce qu'Érika t'a envoyé cette fichue lettre il y a quelques jours ? demande Hugo

La question n'est pas adressée uniquement à Antoine, car il est évident qu'il n'a pas la réponse. C'est plus une question ouverte à toutes les théories des garçons.

— Je pense pas que ce soit elle