Entre deux services | Antoine Griezmann

52. Balade

— ... nouvelle maison à Barcelone. Et tu pourras bien évidemment m'aider pour la décoration, il faut que ce soit notre maison, pas seulement la mienne, m'explique-t-il

Je lui réponds d'un sourire, n'ayant que très peu suivi ses explications.

— Et tu voulais me dire quoi d'autre ?

— Comment tu sais qu'il y a autre chose ? me demande-t-il

— Tu as dit "quelques", donc je m'attendais à une suite

— J'oublie toujours ton côté très observateur, mais tu as raison

Il prend une grande inspiration, mais un couple de personnes âgées nous interrompt en s'installant à l'exact opposé de nous, se mettant certainement à l'abri du fort soleil qui frappe Madrid en ce mois d'Août.

Antoine regarde fixement le couple français qui s'est installé sous le kiosque.

— Tu voulais me dire quoi ? questionnais-je pour couper court à ses pensées

— Je vais attendre qu'ils partent, c'est pas une petite annonce que j'ai à te faire

Son regard quitte mon visage pour retourner sur le couple qui nous regarde également. Ils sont français, ils ont probablement reconnu Antoine.

— Tu penses qu'on sera comme ça plus tard, amoureux comme au premier jour ? me dit-il en me montrant les deux personnes qui nous font face à l'aide d'un petit coup de tête

— Je l'espère de tout mon cœur

Je remarque que pendant notre court échange, l'homme du couple s'est levé pour s'approcher de nous, d'un pas calme et hésitant.

— B-Bonjour, je suis désolé de vous déranger déclare le vieil homme en s'approchant de nous.

Antoine répond à sa salutation et l'invite à s'asseoir à ses côtés pour le soulager.

— Je ne vous souhaite jamais d'avoir des problèmes de hanches comme moi, continue-t-il avec sa voix tremblante et relativement faible.

Sa femme s'est également approchée pour suivre la conversation. Ils semblent avoir un but précis et réfléchis en venant discuter avec nous. J'admire cette dame, malgré son âge avancé, elle garde une allure fière. Elle a un joli visage, des pommettes prononcées qui mettent en valeur son faciès.

— Je venais vous voir pour mon p-petit-fils, c'est un de vos plus grand fan, et je pense que ça lui ferait extrêmement plaisir d'avoir un autographe de son idole, demande le grand-père en tendant à Antoine un petit carnet en cuir et un marqueur

Il accepte avec joie de prendre quelques instants de sa vie pour donner le sourire à un jeune qui le soutient. J'ai toujours du mal à me faire à l'idée de sa célébrité. À quel point il peut avoir un impact dans la vie de parfaits inconnus. Il discute quelques instants avec le grand-père de son jeune supporter. Des grands-parents aimants sans aucun doute, ils en parlent avec une telle passion.

— Et vous pensez que ça intéresserait le petit Adrien de venir voir un de mes matchs à Barcelone pendant ses vacances, et pourquoi pas organiser une petite rencontre avec lui ?

Nos deux interlocuteurs se regardent fixement, la bouche entrouverte de la surprise qu'ils viennent d'entendre.

— J-je ne sais pas si c'est possible, il faudrait voir ça avec ses parents, balbutie le grand-père qui possède une élocution incertaine.

— Ce serait à mes frais bien évidemment, ajoute Antoine

Ils discutent encore quelques instants et s'échangent rapidement des coordonnées pour reprendre contact dans le futur et organiser cette petite surprise. Celle qui accapare désormais mon attention, c'est la dame qui l'accompagne.

— Je vous ai vu discuter avec votre petit ami, me dit-elle, il est fou amoureux de vous, et ça a l'air d'être réciproque, alors profitez-en et vous aurez peut-être la chance de vivre 40 ans de mariage, continue-t-elle

— Vous êtes à Madrid pour vos noces d'émeraude ?

— C'est exact et j'espère avoir la chance de vivre d'autres noces encore, car même quand on croit que la vie nous sourit, la réalité n'est jamais loin

Je n'ai pas le temps de lui demander la signification de ses mots que je la vois porter son regard sur son mari qui vient de se lever non sans difficultés tout en remerciant Antoine pour son geste. Ils repartent du kiosque en se tenant adorablement la main, nous laissant dans un silence tranquille.

— Adorables »

— Et toi de même, c'est vraiment génial de leur proposer de rencontrer leur petit-fils

— Ça va sonner égoïste, mais c'est aussi pour moi que je le fais, c'est toujours un boost de motivation et d'énergie de rencontrer mes plus grands supporters, me dit-il avec un sourire qui fend son visage

— Ce n'est pas égoïste dans la mesure où tu fais plaisir à d'autres par la même occasion

— En parlant d'égoïsme, il fallait que je t'annonce quelque chose à propos de ton père

La discussion reprend du sérieux. Il a utilisé le terme « ton père » et non le nom de code que nous avions trouvé alias « l'homme inconnu ». Il prend ma main dans la sienne avant de remplir ses poumons pour enchaîner sa déclaration.

— Ils l'ont retrouvé et il veut te rencontrer

Ma main se resserre machinalement autour de la sienne, peut-être jusqu'à la broyer. Ce n'est pas une petite déclaration, ce ne sont pas des paroles à prendre à la légère.

Il veut me rencontrer.

Je vais rencontrer mon père.