Kenny l'égorgeur

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Au petit matin me parvinrent les bruits des hommes du Bataillon qui s'affairaient à quelques minutes de leur départ. Je percevais le bruit des sabots et des jantes contre le sol pavé de la cour, les hennissements nerveux des chevaux, la voix claire et forte du major lançant ses derniers ordres, le brouhaha des soldats ... L'effervescence du dehors ne faisait qu'alourdir le silence pesant régnant dans ma chambre. Je restais assise sur le rebord de mon lit, ma tête enfouie dans mes mains, ne me sentant pas la force d'aller à la rencontre de mes amis. Une dernière fois.

Plus que tout, je redoutais de rencontrer Livaï. Si je croisais son regard, qu'y lirai-je ? De la douleur, de la déception, de la colère, de l'indifférence, du mépris ... ? De l'amour ? Dans tous les cas, je savais ne pas avoir le courage de m'y confronter. Sans doute cela faisait-il de moi une lâche, mais au point où j'en étais. La lâcheté n'était qu'un détail à ajouter à la liste de mes fautes, et ce n'était vraiment pas le plus grave. Depuis ma rencontre avec le major et le caporal, depuis mon enrôlement au Bataillon, je n'avais fait que cumuler les erreurs. A cause de mon manque de prudence et de mon égoïsme, plusieurs vies étaient menacées. Pire encore, voilà que pour rattraper mes erreurs je venais de dire merde à la seule règle que je m'étais toujours promis de respecter : ne pas utiliser mon pouvoir sur un innocent. A plus forte raison, sur la personne qui m'était la plus précieuse. Ce matin, les derniers souvenirs que Livaï croyait avoir de moi étaient bien sombres : après l'avoir accusé de m'avoir envoyé à la mort et de m'avoir abandonné, je lui avais annoncé ma démission du Bataillon. Je le devinais en train de se détester pour cela, et je crevais d'envie de lui dire qu'il n'était responsable de rien, et qu'au contraire il m'avait sauvé, qu'il m'avait même apporté tout ce que je ne pensais pas avoir droit un jour. A commencer par le bonheur d'aimer et d'être aimée. Mais, de tout cela, il n'en garderait jamais le souvenir.

L'image du petit Livaï, recroquevillé auprès du corps sans vie de sa mère me revint en mémoire.

(Cet homme t'avait donné sa confiance, putain !)

Soudain, on toqua à ma porte.

- Oui ? , fis-je d'une voix nouée d'appréhension.

Hanji apparut sur le seuil. Elle n'était clairement pas aussi enthousiaste qu'à l'ordinaire, mais elle s'efforçait à dessiner un sourire sur ses lèvres. Elle entra et referma doucement la porte derrière elle.

- [T/P], je ... Je me demandais : tu seras encore là à notre retour, pas vrai ?

Mon cœur se serra. Hanji, aussi cinglée soit-elle, était loin d'être stupide. En apprenant à la connaître, j'avais mieux compris pourquoi le major lui faisait tant confiance.

- Non, Hanji , m'entendis-je répondre sans l'once d'une hésitation. Je serai déjà partie.

La femme poussa un gémissement plaintif avant de sursauter sous le coup d'une prise de conscience un peu trop brutale :

- Et tu comptais partir sans nous dire au revoir ?! , s'écria-t-elle tout à coup.

Je gardai le silence en guise de réponse. Hanji planta son regard dans le mien :

- Est-ce que c'est à cause de Livaï ? , demanda-t-elle tout de go alors que mon cœur loupait quelques battements.

- Pardon ?

- Je me disais ... Il a toujours été un peu ... disons, différent avec toi.

Décidément, cette femme était beaucoup trop perspicace ! Je me devais de rectifier le tir avant qu'elle ne sorte de cette pièce.

- Tu veux dire, encore plus con et moins aimable ? , lançai-je d'un ton sardonique.

Hanji garda le silence quelques instants, réfléchissant sérieusement à ce que je venais de dire.

Monstre / Livai x readerWhere stories live. Discover now