Aveux (partie 1)

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Le caporal nous conduisit, Adam et moi, jusqu'au QG du Bataillon. J'appris que la brèche avait été rebouchée et que le district de Trost était de nouveau sécurisé. Mais comment avaient-ils fait en si peu de temps ? 

Livaï nous fit entrer dans un petit réfectoire à l'intérieur duquel je découvris l'escouade au grand complet. 

- [T/P] ! , lança joyeusement Petra en bondissant sur ses pieds

- Tout le monde dégage, coupa froidement Livaï 

Petra se rembrunit et le caporal ajouta à son attention : 

- Prends le gamin avec toi pendant que j'ai une petite discussion avec elle 

Adam, qui était toujours terrorisé et qui avait bien compris qu'il allait de nouveau être séparé de moi, s'agrippa à ma manche. Je m'accroupis pour être à sa hauteur et lui dis dans un sourire : 

- Tu vois cette dame ? Elle s'appelle Petra. C'est une amie. Tu veux bien rester avec elle pendant que je discute ici ? 

Adam hocha la tête pour exprimer son refus et jeta un regard oblique au caporal. 

- On te demande pas ton avis, gamin. Tu sors, c'est tout, lança ce dernier d'une voix cassante

Mon sang ne fit qu'un tour. Je me redressai d'un bond en hurlant : 

- Hé, fermez la ! Vous ne voyez pas que cet enfant est à bout, merde ! 

Essayant de regagner mon sang froid, je me détournai du caporal et pris Adam dans mes bras. Je lui murmurai à l'oreille de telle sorte que lui seul m'entende : 

- T'inquiète pas, bonhomme. Il ne m'arrivera rien, ce type n'est pas méchant. 

Arrivée à hauteur de Petra, je dis au garçon d'une voix audible pour le reste de l'escouade : 

- Tu sais qui sont ces gens, mon grand ? 

Je lui montrai l'insigne sur l'uniforme de Petra. 

- Ce sont des soldats du Bataillon d'exploration. Ils sont très, très forts ! Alors, tu vois, avec eux on est vraiment en sécurité. 

Une lueur d'admiration traversa le regard d'Adam et il essaya de toucher l'insigne de Petra. J'en profitai pour le glisser dans ses bras. Adam se laissa faire et ils se dirigèrent tous deux vers le couloir, suivis du reste de l'escouade. Erd referma la porte en me lançant un regard compatissant. 

Le caporal et moi restâmes quelques instants à nous toiser du regard. 

- J'ai vu une chose que je n'avais encore jamais vu aujourd'hui, finit-il par dire, une pointe de sarcasme dans la voix. 

Ne sachant pas encore où il voulait en venir, je gardai le silence.

- Vous voulez que je vous dise ? , poursuivit-il. Pour la première fois de ma vie, j'ai vu un Titan hésiter

(Merde ! C'était lui !) 

- Il était prêt à attraper un gamin ... et il s'est arrêté là, comme un con, la main suspendue dans le vide. Incroyable, non ? 

Je restai pétrifiée. 

- Maintenant, on arrête les conneries : expliquez moi ! , dit-il d'une voix grave 

Le mépris affiché sur son visage me donna la nausée. Je me sentais particulièrement lasse et amère. 

- Vous êtes sûr ? , demandai-je calmement 

- Bougez-vous le cul, j'ai pas toute la journée ! 

Si le caporal voulait savoir, il n'allait pas être déçu ! Je plantai mon regard dans le sien. Une décharge électrique courut le long de ma colonne vertébrale et se propagea jusque dans mes membres. Livaï leva un sourcil interrogateur. Je savais à quel spectacle il était en train d'assister. Rien d'extraordinaire en apparence. Mes pupilles devaient actuellement être dilatées à leur maximum, de même que les vaisseaux irriguant mes yeux, leur donnant une teinte rouge vif. Mais pour le caporal, le pire restait à venir. Son visage se contracta et je vis une goutte de sueur perler sur son front. Je le savais en train de lutter pour reprendre le contrôle de son corps. Mais cela était tout bonnement impossible pour la simple et bonne raison que c'est moi qui me trouvais aux commandes. 

- Voilà, caporal, ce que je suis vraiment. Un monstre ...

D'une certaine manière, c'était grisant de le contrôler aussi facilement. Grisant, oui ... Soudain, la lassitude et l'amertume redoublèrent. Je contraignis le caporal à se saisir d'un couteau resté sur l'une des tables du réfectoire, et à poser le tranchant contre mon cou. Le visage du caporal se crispa un peu plus. Je le sentais se débattre au fond de sa caboche, mais c'était inutile.

- ... et il me semble que vous excellez dans l'extermination des monstres, n'est-ce pas ? 

Question purement rhétorique car je ne lui laissai pas le pouvoir de me répondre. Je le contraignis à exercer une pression supplémentaire sur le manche du couteau. Je le sentis s'agiter. Un filet de sang ruissela dans mon cou. 

- Voyez ça comme un service rendu à l'humanité, dis-je d'une voix nouée. 

Mes mains s'étaient mises à trembler. 

(Merde, c'est pas le moment de flancher !) 

- Caporal ! , appela une voix en tambourinant sur la porte. 

Je sursautai et l'effet de surprise me fit perdre le contrôle sur le caporal. Celui-ci me décocha une volée monumentale et je m'écroulai au sol. 

- Euh ... caporal, tout va bien ? , s'inquiéta la voix 

- Plus tard, répondit le caporal d'une voix rauque

- Mais, c'est le major qui ...

- Plus tard, j'ai dit ! , coupa-t-il sèchement. 

Livaï était livide et affichait un regard noir. Il balança le couteau à travers le réfectoire d'un geste rageur, m'attrapa brusquement par le col de ma veste et me remis sur mes pieds.

(Fini de rire !) 

- Ecoute moi bien attentivement ! Que tu sois un monstre ou n'importe quoi d'autre, j'en ai rien à carrer ! Mais si t'es pas capable de respecter ta propre vie, tu ferais mieux de déguerpir de ma vue rapidement ! 

Il allait ajouter autre chose mais se pinça les lèvres. Je le voyais lutter pour ne pas laisser exploser sa colère. 

- Tch ... 

Il relâcha mon col tout aussi brusquement qu'il l'avait attrapé et s'éloigna pour aller fouiller dans un tiroir. Il revint aussitôt avec un tissu à la main. 

- Assise ! , ordonna-t-il en m'indiquant le tabouret le plus proche 

J'obéis. Il s'accroupit en face de moi et me colla le tissu dans le cou, là où l'entaille continuait de saigner. Je lui jetai un regard oblique : il semblait avoir un peu décoléré. J'avais conscience d'avoir dépassé les bornes.

- Je vous demande pardon, murmurai-je. 

Le caporal ne répondit rien mais ôta le tissu et inspecta la plaie d'un regard circonspect. Il posa sa main sur ma nuque et passa le pouce sur ma coupure, s'arrêta un instant, puis glissa jusqu'à la naissance de ma cicatrice juste un peu plus bas. Il la remonta jusqu'à son autre extrémité, sur ma joue. J'étais paralysée, non par la peur mais par un autre sentiment que j'avais bien du mal à décrire. Le caporal, qui fixait toujours ma cicatrice, perdu dans ses pensées, finit par percevoir mon trouble et se releva brusquement. 

- Maintenant, expliquez moi, dit-il calmement. 


Monstre / Livai x readerWhere stories live. Discover now