Chapitre 18 L'atout de la différence (1ère partie)

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— Et qu'est-ce que la société des aïdems souhaite qu'on pense ?

— Que Blimane est notre seul lieu d'habitat. Nous devons respecter ceux plus haut placés que nous et que la nature est notre meilleure amie, voire une déesse, car elle nous accorde tout ce que notre vie a besoin. Mais ce ne sont que des bêtises et surtout, pourquoi devrions-nous raisonner comme eux alors qu'ils ont tort ? Pourquoi devrions-nous estimer ces gens qui ne savent pas réfléchir, juste pour leur richesse ? Et si toutes ces inventions n'existaient pas, notre environnement nous aurait dévorés. Pourquoi leur accordes-tu de l'importance ?

— Le temps représente ton meilleur ami, mon chéri. Tu apprendras très vite où est ta place, même si ça te semblera long. Et si les Hornblowers n'avaient pas étaient là, Blimane n'existerait sûrement plus. Connais-tu l'histoire de notre famille ?

— Un peu, je pense, répondit Ness en levant la tête vers le visage de son père.

— À la création de Blimane, les Hornblowers étaient surnommés « les bizarres ». Nos aïeuls n'ont que peu apprécié Blimane. Ils le critiquaient dès que l'occasion se présentait. Ils disaient de notre Royaume que c'était une île où tous les vieillards se rendaient, afin de finir leur vie, où même les enfants semblaient âgés. Beaucoup partirent dans les Contrées d'Entre-Monde, pour essayer de découvrir leur place. Peu en revinrent. Ont-ils trouvé mieux que Blimane ? Je l'espère, car pour certains, vivre ici devenait une torture.

« Les Eminantes Familles de Blimane nous voyaient disparaître et commençaient à s'inquiéter. Elles ont lancé des rumeurs pour nous rendre faibles face aux autres aïdems. Certaines disaient que nous avions des maladies héréditaires, ramenées lors de voyages. Mais à partir de la génération de mon père, tout a changé.

« Avec notre richesse accumulée par les périples de nos rares ancêtres qui sont revenus, ton grand-père a planté la plus vaste vigne de tout Blimane. Pendant ce temps, ma mère s'occupait de la ferme familiale.

« Durant quelques lunes, Entre-Monde connut une grande sécheresse. Plus aucune rivière n'affluait dans Blimane. Ta grand-mère rechercha alors un objet, rapporté des voyages, qui pourrait aider les aïdems à attirer l'eau. Heureusement pour nous, nos aïeuls avaient noté dans des livres comment fonctionnaient toutes ces trouvailles.

« Ce fut un pendentif, ne se mouvant qu'au-dessus d'une source, qui nous sauva. Une dizaine de rivières souterraines coulaient sous Blimane. Nous dûment détruire plusieurs maisons afin d'accéder à ces eaux, mais, depuis nous avons éprouvé d'autres jours très chaud, sans pour autant connaître de nouveau la déshydratation.

« Les aïdems ont légèrement changé d'avis sur les voyages, avouant leur utilité, seulement de temps en temps. Ils ne devaient pas devenir une habitude. Enfin, ce fut ma naissance.

« J'étais surnommé le sale môme de Blimane. Je n'obéissais à personne et me moquais de tout le monde. Aucune morale ne m'animait. Tout ce que je désirais, c'était m'amuser et partir, coûte que coûte de ce « Royaume ». Mais chaque fois qu'on me surprenait à vouloir m'enfuir, on me ramenait de force chez moi.

« Heureusement, tes grands-parents étaient des êtres ouverts d'esprit et comprenaient mon envie de m'envoler et de suivre le même chemin que nos ancêtres. C'est pour cette raison qu'ils m'offrirent l'héritage des voyages passés afin de calmer un tant soit peu cette ardeur qui bouillonnait en moi. Et leur plan marcha.

« Mon savoir sur l'Entre-Monde acheva à en surprendre plus d'un, aussi bien que ma façon de jouer Aux Forces du Monde. J'illuminais mon temps, sur une table, à dévorer des livres.

« Un jour, mon père me dit que je devrais écrire l'histoire des aïdems. Ce projet me plut et je m'y plongeais, corps et âme. Je finis par ouvrir la première bibliothèque de Blimane, regroupant les chroniques et la mémoire de Blimane, avec tous les ouvrages Entre-Mondiens que j'avais pu récupérer. Puis, tu es arrivé.

« La nouveauté pour les aïdems fait peur. Ils aiment leurs petites habitudes. Mais, je pense que ce qui les terrifie le plus, c'est ce qui se passe en dehors de chez eux, dans les autres Royaumes, car ils ne peuvent pas le contrôler. L'originalité est synonyme de bouleversement et souvent, quand on a perdu son point de repère dans la vie, tout nous semble étranger et effrayant.

« Mais toi qui veut voyager, tu as peur des moqueries de tes camarades. Le monde n'est pas plus beau qu'ici. Dès que les gens s'avèrent différents, c'est presque considéré comme un crime. Mais, ils ne saisissent pas, ou ne souhaitent pas comprendre qu'être à part rend ce monde plus vivant. Si chacun se ressemblait et pensait la même chose, on s'ennuierait. Les divergences d'opinions sont une qualité et nous permettent de réfléchir sur soi-même, et peut-être, nous faire aussi changer de vision. La différence représente notre amélioration. La différence est une leçon.

« Ce n'est pas à Blimane que tu apprendras et que tu trouveras ton rôle. C'est en voyageant que tu sauras qui tu es. »

— Alors pourquoi n'es-tu jamais parti ?

— Parce que ma place est ici. J'avais une mission. Les miens devaient ouvrir les yeux et voir que le monde n'est pas effrayant. Ils ne sortent de Blimane que par la pensée. Et c'est déjà un grand pas. Les aïdems ne peuvent voyager. Je me suis fait une raison il y a bien longtemps. Mais Blimane a bien évolué. Le secret, c'est qu'on ne doit pas leur laisser le choix. Nous devons les mettre en face du fait accompli. C'est uniquement comme ça qu'ils accepteront le changement. Les boissons de fruits, les charrettes, les récents légumes qu'on a plantés, les spectacles de feu... Toutes ces innovations, avant, n'existaient pas. C'était des trouvailles, des découvertes de voyages de nos ancêtres, qu'à partir de tes grands-parents, on a fait sortir de la poussière.

« Je ne suis pas parti de Blimane, car les aïdems ont besoin qu'on leur montre que l'amélioration et l'inconnu sont nécessaires. C'est grâce aux Hornblowers que nous vivons aussi bien. On travaille, mais maintenant, on peut prendre le temps de se reposer. Si Blimane ressemble à ça aujourd'hui, c'est à cause de la différence des Hornblowers par rapport aux aïdems. Si nous n'avions pas voyagé... Je pense que nous aurions disparu, car nous n'étions pas assez forts, alors qu'à présent, Blimane est un Royaume à part entière d'Entre-Monde.

— Alors, pourquoi Undĕwial nous protège-t-il en nous disant de ne pas sortir de Blimane ?

— Nous sommes spéciaux, Ness. Des gens malhonnêtes pourraient nous utiliser pour faire le mal.

— Mais moi je ne peux pas me rendre invisible, s'écria le petit.

— Ça viendra. Tu es juste en retard.

— Tu sais très bien, Papa que je n'ai pas cette capacité.

— Si c'est le cas, alors tu apprendras à te cacher différemment. Tu devras travailler dix fois plus que tous. Mais, c'est tellement gratifiant que tu ne t'en rendras même pas compte.

— Ce n'est pas juste. Tout semble facile pour les autres.

— Mais non.

— Mais si. J'aimerais tant partir de Blimane, car un jour on me traitera de monstre.

— Allons dîner, soupira l'homme. On va parler de tout ça avec maman.

Le père et le fils se levèrent et rentrèrent dans la cabane.

— Papa ? Je compte devenir un vrai aïdem.

— Tu veux ressembler à tout le monde ?

— Si je dois m'oublier afin de plaire, alors oui.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant