44 - Départ

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Il se passa bien trois jours où les deux garçons se consacrèrent entièrement à mon « entrainement ». Le premier jour, j'avais passé tout mon temps à me faire mettre à terre, à me prendre des coups et à regarder Tyron et James s'en donner mutuellement. Bien sûr, aucun n'était violent, mais j'avais quand même tout le corps douloureux le premier soir. L'ambiance était assez détendue. Nous passions nos journées dans la forêt, et quand nous rentrions, l'un de nous trois préparait à manger, avant que nous ne tombions tous sur nos lits, épuisés.

Et tous recommençait le jour suivant. Le deuxième, les frères m'apprirent- contrairement à ce qu'ils avaient dit- des techniques d'attaque. Ou comment mettre facilement un homme plus grand et plus fort que toi à terre. Et le troisième jour, ils refirent le tour de nombreuses techniques, d'astuce qu'ils avaient pu accumuler au fil du temps. À la fin de la journée, je ne pouvais pas dire être devenue une pro en combat, ni que j'arriverais à maîtriser Ryder.

Nous n'étions pas dans un de ces livres pour ado où l'héroïne passait d'une idiote incompétente à une tueuse badasse en quelques jours. Non. Je passais seulement de nulle à un peu moins nulle. Mais j'étais au moins un peu plus confiante. Je ne me sentais plus démunie. J'avais désormais des techniques en ma possession, et ma réussite ne tenait plus qu'à moi.

Le soir même, nous étions à table, et ma seule envie était de m'effondrer dans mon lit. James, la tête entre son coude, paraissait dans le même état, triturant dans ses haricots d'un air absent. Soudain, Tyron se redressa :

- On va cambrioler une banque.

James et moi eurent le même mouvement de surprise et il se redressa, son intérêt soudain ravivé :

- Quoi ? Tu veux...

- C'est suicidaire ! le coupai-je en me relevant. Et inutile. Vous avez amassé assez d'argent pour au moins dix vies !

- On devrait surtout s'enfuir, renchérit James. On a fait assez de grabuge ici. Il faut se faire discret un moment, puis quitter la ville dès qu'on le pourra et ensuite le pays. Dégager d'ici.

Je n'avais jamais été aussi d'accord avec lui. Pourtant, au regard de Tyron, je compris que rien ne le ferait changer d'avis. Il avait ce regard motivé que personne ne saurait lui enlever, pas même son propre frère. Il se pencha et nous regarda tour-à-tour dans les yeux :

- Je sais, sourit-il. Ça fait un moment que je pense à tout ça. Ce serait le dernier coup. Ce que tu propose de faire, s'enfuir, c'est ce que Ryder attends de nous. Je peux t'assurer qu'on ne pourra pas quitter la ville, tout est surveillé ici. Or, ils s'attendront à tout sauf à un nouveau braquage. On pourrait aider tellement plus de gens ! On reverse tout aux associations. Aux pauvres. Aux orphelinats. On améliore la vie de tous ces gens. Et sur le coup, on disparait, tandis que la police est occupée par le braquage. On sort de la ville, et on repart faire notre vie autre-part. On peut le faire !

J'étais perplexe. James, lui, paraissait clairement contre. Il secoua la tête, et souffla :

- Ton problème Thom', c'est que tu veux toujours plus. Tu n'arrive jamais à te contenter de ce que tu as. On a déjà aidé tellement de gens ! On ne peut pas sauver tout le monde, et tu le sais. Contente-toi de ce qu'on à déjà accomplis.

Il y eut un moment de silence et les deux garçons se toisèrent, chacun bien ancré sur sa position. Finalement, Tyron se pencha sur sa chaise et ferma les yeux :

- Je ne peux pas l'expliquer. Il faut le faire. Ce serait l'accomplissement de tout ce qu'on a fait jusque-là. On a fait des magasins, des bijouteries. Mais ce putain de système n'en a rien à faire. Des gens sont encore en train de crever sous les ponts. Je veux faire quelque chose de fort. Quelque chose qui ferait réagir les gens, pour qu'ils se rendent compte de quelle pourriture est notre société.

Mémoire en CavaleWhere stories live. Discover now