6 - Pas si exceptionnelle [Corrigé]

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Ma voix est aussi tremblante que mon corps et retranscrit mon peu d'assurance. Tyron se fige, les yeux posés sur mon arme de fortune et, derrière lui, James ouvre grand les yeux. Devant leur silence, je resserre ma prise sur le couteau, gagnant un peu de confiance. Ils ont peur. Et s'ils ont peur, ça veut dire que je vais pouvoir m'échapper de là. Retrouver John, mes parents, ma vie d'avant... Tout ceci ne sera bientôt plus qu'un cauchemar.

Tyron se tourne de trois quarts pour croiser le regard de son frère. Le silence se prolonge encore une longue seconde puis, avec une synchronisation parfaite, tous deux éclatent de rire sous mes yeux ébahis. Je recule d'un pas sous le coup de la surprise, les yeux fixés sur Tyron, qui se tord de rire. Littéralement. Plié en deux, son rire rauque résonne dans la cabane. Dire que je suis surprise serait un faible mot... je suis littéralement scotchée. Depuis la veille, je ne vois en lui que le meurtrier qu'il est. Il ne devrait pas rire... il n'a pas le droit !

Derrière lui, James se marre en serrant ses mains sur son ventre, esquissant parfois une grimace de douleur. La tête penchée en arrière, les lèvres entrouvertes, son rire se mêle à celui de son frère.

Je reste immobile, gigotant légèrement sans plus savoir où me mettre. Que faire ? J'ai ces deux meurtriers en face de moi, qui rient aux éclats alors que je suis sensée leur faire peur. C'est... embarrassant. Et un peu vexant, il faut l'avouer. Après ce qui me sembla être une éternité, Tyron se redresse et son rire s'éteint doucement. Il penche la tête sur le côté en me regardant puis semble enfin comprendre que je suis parfaitement sérieuse. Une petite moue ironique remplace son rire tonitruant.

« Dis-moi, qu'est-ce que t'as prévu, ensuite ? Allez, dis-moi, ça m'intéresse. Tu comptes me planter ce couteau dans le ventre ? M'égorger ? Oh, je sais, me trancher les veines des poignets ? C'est ça ?

Il est plutôt clair que Tyron a compris que je n'oserais jamais rien faire de tout ça. En même temps, il ne faut pas être devin pour réaliser que je suis incapable de faire du mal à une mouche. La preuve, je me suis presque portée volontaire pour soigner son frère alors que j'aurais bien dû le laisser se vider de son sang sur son lit. L'intéressé se redresse sur ses coudes, un sourire aux lèvres.

— Attention frangin, méfie-toi. Elle pourrait trébucher et vraiment te faire du mal.

Je change mon couteau de main, un peu embêtée à présent. Bravo Morgane, super plan ! Mon regard vole entre Tyron et son frère, la porte fermée, les clés sur le lit. J'ai l'impression que jamais mes neurones n'ont cherché aussi vite une solution. Et rien ne vient. Tyron s'approche d'un pas sans me quitter des yeux, ce qui me déstabilise autant qu'il ne doit l'espérer. Je secoue la tête et répète d'une voix tremblante :

— Ne... n'approche pas. Tu ne sais pas de quoi je suis capable.

— Oh si, je t'ai plutôt bien cernée. Tu es capable de sauver des vies, pas d'en prendre. Si tu penses que je me trompe, prouve-le. »

Argh ! Je le déteste ! Comment a-t-il pû me comprendre en aussi peu de temps, alors qu'il reste un total mystère pour moi ? Il approche encore, me défiant du regard, et je reste figée. Ma main tremble et mes muscles ne répondent plus à mon cerveau. Sans hésiter, l'homme pose sa main sur mon poignet et y applique une brusque torsion. Un cri m'échappe et je laisse tomber le couteau à terre. Sans attendre, et sans plus manifester la moindre trace d'humour, Tyron ramasse la corde qui traînait au sol et me pousse sur une chaise. Il me tire les bras dans le dos puis ferme à nouveau la corde sur mes poignets avec un nœud bien solide.

Je grimace de douleur, le souffle court et la tête basse. Et bien, tout ça aura été vachement utile. En plus d'être à nouveau attachée, j'ai mis les bandits en colère. Qu'on décerne la palme d'or de la meilleure otage à Morgane Freeman, pour son intelligence et sa vivacité d'esprit ! Je relève les yeux et croise le regard de James qui observait la scène, son air rieur disparut aussi vite que celui de son frère. Je détourne les yeux, amère. Il ne vaut pas mieux que l'autre, auquel cas je ne serais déjà plus ici. Tyron réapparaît subitement dans mon champ de vision et se penche sur moi.

Mémoire en CavaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant