10 - Fuite [Corrigé]

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Le plafond de la cabane est composé de trente-deux lattes, la couette sur le lit du haut possède dix-huit-carreaux, James a déjà tourné quarante-sept pages de son livre, s'est gratté l'arête du nez douze fois et a passé la main sur le bandage entourant son ventre vingt-quatre fois. Ah non, vingt-cinq, maintenant.

Bon, ok, j'avoue, je m'ennuie terriblement. Je sais, je sais, je suis une otage, je vis l'aventure la plus terrifiante de ma vie et je devrais mourir de peur. Mais là, actuellement, tout ce que je ressens est un ennui profond et une sale courbature aux fesses. J'ignore depuis combien de temps Tyron est parti, au moins quatre heures maintenant, quatre longues heure coincée ici avec James qui ne fais rien d'autre à part lire, se gratter le nez et palper sa blessure.

Et essayez de rester assis quatre maudites heures sur une chaise en bois, les bras attachés dans le dos sans nulle autre occupation que compter les lattes du plafond et vous comprendrez mieux ma situation.

Au loin, un crissement aigu de pneu me tire de ma béatitude. James se redresse d'un coup, les sens aux aguets, laissant tomber son livre sans même marquer sa page. Une bruit de moteur, un nouveau crissement de pneus puis plus rien. Je me tends, le cœur battant. Quelques secondes ne s'écoulent avant qu'un poids ne semble s'écrouler sur la porte d'entrée. Une clé tourne dans la serrure puis Tyron déboule dans la pièce. Il manque de tomber à terre, plié en deux, une main couverte de sang plaquée sur sa poitrine. James se lève d'un bond mais son frère ne lui laisse pas le temps de parler :

« Les... putains, les flics arrivent, magne-toi ! Il faut qu'on se casse !

— Attends, t'es blessé ?

— Non, la... la balle m'a juste éraflée. James, il faut qu'on sorte d'ici tout de suite. »

Son ton pressant semble effrayer son frère, mais il n'y prend pas garde et se rue sur l'armoire pour en sortir deux sacs et balancer dedans tous les objets qu'elle contient. James, sortis de sa surprise, fais le tour de la pièce avec un autre sac et fourre un tas d'objets dedans. Malgré leurs blessures, ils sont rapides et efficaces. Ils savent qu'ils jouent leur vie.

Je les regarde faire, immobile et impuissante. Mais, à l'intérieur, chaque atome de mon corps danse la zumba. La police. Ils arrivent. Et ils vont me sortir de cette situation de merde ! Seulement, et comme s'il avait entendu mes pensées, Tyron se tourne vivement vers moi. Il balance son sac sur son dos puis approche et s'accroupit derrière ma chaise. Vivement, il défait les nœuds de la corde qui m'entrave et je lui adresse un regard effrayé :

« Qu'est-ce que...

— Tu restes notre monnaie d'échange. »

Il me relève en me tirant par le bras et m'entraîne à l'extérieur de la cabane. En voyant les lieux déserts et silencieux, j'ai la désagréable impression que je peux dire adieu à la liberté que j'avais espéré un instant. La police n'est pas là et je manque de fondre en larme quand Tyron me balance à l'arrière de la voiture et claque la portière sans ménagement. Par la fenêtre, je le regarde faire plusieurs allers-retours pour fourrer des sacs dans le coffre.

James, une main serrée sur son ventre, s'installe derrière le volant. Je ne suis pas franchement rassurée de le voir conduire alors qu'il semble prêt à tomber dans les pommes mais, une seconde plus tard, Tyron s'installa à ses côtés et ils démarrent à toute vitesse. Alors que nous nous engageons sur un chemin cahoteux, j'ai l'impression d'entendre des bruits de moteurs, de l'autre côté de la cabane. Mais non, c'est sans doute juste le fruit de mon imagination. Je me recroqueville sur mon siège et laisse mon regard errer par la fenêtre. Me voilà à nouveau enfermée.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? finit par demander James d'une voix tendue.

- C'est le bordel. »

Le souffle court, il est afféré à enlever son blouson en cuir. Il le balance à ses pieds, avant de relever son pull et son tee-shirt pour observer l'étendu des dégâts. Du coin de l'œil, j'aperçois un peu de sang ainsi qu'une longue estafilade. Malheureusement pour moi, rien de trop handicapant. Il sors un mouchoir et essuie le sang avec une grimace de douleur. Il jette un rapide coup d'œil à son frère :

« Y'a un nouvel inspecteur sur l'affaire. Il est malin, beaucoup plus malin. Il va falloir... qu'on fasse attention. J'ai entendu un flic dire qu'il est venu sur la demande d'un proche de Freeman. »

Mon cœur loupe un battement. John, c'est forcément John ! Il me recherche. Étant stagiaire à la police, il doit connaître pas mal d'inspecteur. Je me sens, étrangement, beaucoup plus soulagée. Il va me retrouver, c'est sûr. Et il va me sortir de là. À travers le rétro, Tyron me jette un petit regard comme pour m'avertir de ne pas trop y compter.

« Malin comment ? demande James sans lâcher la route des yeux.

— Du genre intelligent. Il savait que je retrouverai Jeremy à l'entrepôt, j'ignore comment. Jerem a pû me prévenir juste à temps et me refiler le sac. Ils... Ils étaient vraiment pas loin derrière moi, James. Je les ai semés dans les bouchons. »

Il y eut un silence. Tyron a fini d'essuyer le sang et rabat son tee-shirt sur sa peau pâle. Il laissa tomber sa tête en arrière sur le siège et ferme une seconde les yeux. James tourne rapidement son regard vers lui.

« J'espère que Jeremy s'en est sortis.

— Je t'avais dit qu'il fallait pas les mêler à ça, murmura Tyron sans rouvrir les paupières.

— On peut pas faire cavaliers seuls tout du long, tu le sais. À un moment ou un autre, on aurait dû les mêler à ça. Jeremy et les autres sont de notre côté.

— Personne n'est de notre côté. On doit s'en sortir tous les deux, comme on l'a toujours fait. »

Ils échangent un long regard et James finit par acquiescer et se recentre à nouveau sur la route. Nous ne sommes pas loin du centre-ville et nous croisons de nombreuses voitures. Tyron rabat sa capuche sur sa tête et s'enfonce dans son siège, n'étant pas sans ignorer que tout le monde connait son visage. Nous roulons ainsi plusieurs heures et j'ai l'impression que les deux frères ne savent pas où aller et se contentent de tourner en rond. Ils débattent sur les sorties de la ville qui doivent être bloqués et sur leurs possibilités pour la suite. Ce n'est que quand la nuit tombe qu'ils se décident et trouvent un parking souterrain peu fréquenté, à la bordure de la ville. La voiture s'arrête au dernier sous-sol, là où plusieurs ampoules ont grillé et où il règne une obscurité ambiante. Les criminels restent un moment silencieux avant que James ne se plie en deux avec un gémissement de douleur :

« Merde... »

***

Hello Everybody !

Alors, qu'avez vous pensé de ce nouveau chapitre ? De la fuite en vitesse ? De ce nouvel inspecteur ?

Que prévoyez vous pour la suite des événements ? Des idées, des hypothèses, des envies ?

Je vous souhaites une bonne soirée et un agréable week-end à tous. 😍

Mémoire en CavaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant