4 - Tyron [corrigé]

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L'intérieur de la cabane est bien plus aménagé que ce que l'on pourrait croire au premier abord. Au milieu de la pièce se trouvent une table, des chaises, une grande armoire, deux lits superposés et des fauteuils. Aucune fenêtre, soit pas la moindre issue outre la porte d'entrée. Je me réfugie près d'un mur et me fais toute petite, le cœur battant à m'en exploser la poitrine. Heureusement, le criminel ne semble plus faire attention à moi. Il avance vers les lits, les sacs en main. J'entends un gémissement indistinct s'échapper des draps.

En me redressant, j'aperçois alors un autre homme, étalé sur le lit du bas. Peut-être âgé de vingt-cinq ans, il est difficile de se fixer en raison de son teint livide et ses yeux vitreux. Malgré la distance, je peux voir son corps trembler et la tache rouge qui orne le drap au-dessus de son ventre. Je dois réfréner un premier réflexe instinctif qui me pousse à aller examiner le blessé, mais la vision de la vendeuse étalée par terre me fait y renoncer. Son corps en sang, la balle dans sa chair... un frisson me parcourt le corps tandis que je suis des yeux Tyron, qui s'agenouille devant le blessé.

D'un geste rapide, il abaisse sa capuche et libère une masse de cheveux cuivrés qui tombent en pagaille jusqu'en bas de sa nuque. De là où je suis, je peux voir un profil carré, quelques taches de rousseur, un œil vert. Par rapport à la photo que j'ai aperçue aux infos, ses cheveux ont poussé, ses traits se sont tirés et ses cernes sont agrandis.

« James... murmure-t-il en secouant doucement le blessé. James, tu m'entends ? Je suis rentré. »

L'homme remue mais n'ouvre pas les yeux. Il est bien trop faible. Je reste dans un coin, les yeux bloqués sur eux, paralysée par une peur intense qui immobilise chacun de mes muscles et engourdit mon cerveau. Toutes mes pensées se mélangent. Je suis un... un otage. Je suis l'otage d'un type qui vient de tirer sur une femme sous mes yeux. Peut-être que je serai la prochaine. Je vais sans doute bientôt mourir. Non, bordel ! Je suis trop jeune pour ça !

« Hé, toi. Amène-moi le deuxième sac. »

Le bandit ne prend même pas la peine de se tourner vers moi et il me faut quelques secondes pour comprendre qu'il s'adresse à ma pauvre personne. Je ne suis pas en mesure de désobéir, encore moins de me révolter et il le sait parfaitement. Lentement, j'attrape mon sac près de la porte et avance vers eux. Je le lâche devant Tyron et me recule aussitôt de quelques pas. Sans un regard, l'homme entreprend d'en vider le contenu au sol.

Un merci ne t'aurait pas tué, enfoiré.

Le jeune homme fouille dans l'ensemble de compresses, médicaments, pinces et autres affaires médicales que j'ai moi-même dû voler un peu plus tôt. À la manière dont il attrape au hasard un flacon de médocs et en sort deux cachets, je comprends vite qu'il n'y connaît rien. Je penche la tête pour lire l'inscription sur le flacon. Du ticlopidine. Tyron soulève la tête de son ami et approche le médicament de sa bouche.

« Non... murmuré-je. Pas ça. »

Ce n'est que quand le criminel s'arrête dans son geste et se tourne vers moi que je comprends avoir parlé bien plus fort que je ne le croyais. Il reste complètement immobile une seconde, puis arque un sourcil dans ma direction.

« Pas ça ? répète-t-il. Pourquoi ?

- Le Ticlopidine est indiqué pour prévenir la formation des caillots, récité-je d'une voix rapide, comme pour une embolie ou un accident vasculaire cérébral. Ça permet la diminution de la coagulation sanguine.

Il plisse les yeux, cherchant clairement à comprendre ce que je viens de dire. Je m'efforce de fuir son regard paralysant et me mords les lèvres. Bon sang, Morgane, apprends à la fermer ! Le garçon ramène ses cheveux en arrière d'un mouvement de tête et vrille son regard vert sur moi.

Mémoire en CavaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant