– Pourquoi ?

Je hausse les épaules.

Parce qu'elle est si belle au naturel...

Je l'avais remarqué depuis un bout de temps finalement, mais je crois que je ne voulais pas l'accepter. Comme si c'était faire preuve de faiblesse. Comme si c'était avouer qu'elle me plaît alors que je ne l'assume pas.

– Je ne sais pas si tu l'as déjà vue au naturel, mais ça n'a rien à voir.

– C'est ma voisine, je te rappelle.

– Non, mais ça ne veut rien dire ça, tu n'es jamais chez toi.

– Oui enfin, Charly, quand même. Je la croise de temps en temps, ça nous arrive de discuter, mais c'est assez rare.

– Sérieux ? Pourquoi tu ne me l'as jamais dit ?

– Je n'en sais rien, moi, pourquoi je t'en aurais parlé ? Tu m'as toujours rabâché que tu ne pouvais pas la blairer.

Je grogne. Elle a raison. Et je n'aime pas quand elle a raison.

– Ce n'est pas forcément incompatible, en tout cas, reprend Pauline.

– Comment ça ?

– Eh bien, ce n'est pas parce qu'elle s'habille bizarrement – et encore, bizarrement pour toi, mais regarde, là où tu voyais un déguisement disco, Betty a adoré – et se maquille beaucoup, qu'elle est superficielle pour autant. Peut-être que c'est juste sa manière de s'exprimer. Et peut-être qu'il n'y a pas d'autre raison que le fait que ça lui plaise, et c'est tout aussi valide. Comme elle te l'a fait remarquer, ses fringues ne définissent pas son identité.

– J'avoue. Le pire, c'est que je sais tout ça. Je ne comprends pas pourquoi je fais tellement une fixette dessus. Peut-être que comme c'est la première image d'elle qu'elle m'a renvoyé, je suis restée dessus sans vouloir aller plus loin. Mais elle a raison, c'est con en fait, parce que la mode c'est une question de goût, et les goûts sont subjectifs. Je n'ai pas besoin d'aimer toute sa penderie pour l'aimer elle...

– AH ! s'écrie alors Pauline. Tu vois que tu la kiffes.

– C'est juste une façon de parler, déstresse !

– Dommage qu'elle ne soit pas là aujourd'hui, on aurait pu aller lui faire un petit coucou maintenant que c'est l'amour fou entre vous, roucoule-t-elle en jouant des sourcils.

Je lui assène un coup de coussin sur la tête en lui répétant qu'elle dit n'importe quoi tandis qu'elle s'esclaffe.

– Il n'y a que la vérité qui fâche ! fanfaronne-t-elle.

– Et si on parlait de toi, plutôt ?

Elle grimace et sa bonne humeur s'envole aussitôt. Je m'en veux un peu, c'est un coup bas. J'ai bien vu qu'elle semble ailleurs ces derniers temps. Elle fait bonne figure, mais quelque chose la travaille. J'ai essayé plusieurs fois de l'amener à se confier, mais ma meilleure amie est une tombe quand quelque chose la contrarie. Je n'en saurais rien avant que la situation ne soit réglée.

– Je vais faire des pancakes.

– Après le dîner ? demandé-je, innocemment.

– Il n'y a pas d'heure pour les pancakes.

Certes, mais je sais que c'est sa recette miracle pour se sentir mieux. Quand elle ne va pas bien, elle cuisine. La plupart du temps, elle se lance dans des gâteaux tous plus structurés les uns que les autres, et je me fais un plaisir de les déguster avec elle pendant qu'on discute de ce qui l'embête. Mais quand elle sort sa poêle à crêpes, je sais qu'il n'y a rien à faire d'autre qu'attendre et lui changer les idées.

Hating, Craving, FallingWhere stories live. Discover now