– Eh bien, c'est fou de se croiser autant dans une si grande station... Je commencerais presque à croire aux signes du destin !

Elle ricane en portant ses deux doigts à son casque pour me saluer avant de filer sur la piste. Elle aurait crié « ciao les nazes » que ça aurait eu le même effet.

Je m'assure que l'enfant est suivi d'un adulte et repars dans le sens de la pente, essayant de rejoindre mes collègues. Je les cherche quelque temps tout en profitant de mes descentes et de la neige si excellente pour un début de saison. La musique rythme les virages de ma planche et garde mes pensées non désirées loin de moi. Je m'éclate comme jamais, souriant comme un benêt. Quand j'arrive enfin en bas, je n'ai croisé personne, mais je suis épuisée. J'envoie un texto à Betty voyant que mon téléphone capte, l'informant que je les attends au restaurant d'altitude.

Je me dirige vers la terrasse chauffée où les tables sont presque toutes prises. J'aperçois cependant un gros tonneau de vin repeint aux couleurs de l'enseigne, entouré de deux chaises. Je m'y installe et sens la douce chaleur de la lampe incandescente à mes côtés. Je me coule sur l'assise, les bras serrés contre moi, et savoure ma fin de journée. J'observe les gens qui peuplent le snack. Des familles qui mangent un morceau, des amis qui se retrouvent autour d'un verre, et une ambiance si spécifique aux stations de ski. J'adore.

Mes yeux se posent sur une jeune fille en train de gesticuler pour enlever son anorak, ce qui m'amuse. Je la vois de dos, seule à une table. Elle rabat son manteau derrière elle puis tend ses bras qu'elle arrache d'un sweat noir.

Ma bonne copine !

Un sourire au coin des lèvres, je m'apprête à me lever pour aller la rejoindre – une telle opportunité ne se rate pas – lorsqu'elle enlève son bonnet. Une cascade de cheveux blancs dévale ses omoplates.

C'est une blague ?

Je me recroqueville sur ma chaise, histoire de ne pas me faire remarquer, et sors mon téléphone pour voir si j'ai des nouvelles de Betty. Mais je n'ai plus de réseau. J'attrape le menu et commence à l'ausculter de près. Je me prendrais bien une barquette de frites. Ou une crêpe au chocolat ! Je parcours la liste des desserts, mais aucune crêpe n'est proposée. Pas même des gaufres.

Un peu décevant pour un restaurant d'altitude.

Je pose la carte sur la table et mes yeux s'arrêtent sur Chloé quand je les relève. Elle porte un t-shirt à manches longues écru sur lequel se croisent les bretelles noires de son pantalon. Je peux apercevoir son dos qui se creuse alors qu'elle étire lentement ses bras. Le tissu est proche de son corps, et je devine aisément ses omoplates qui roulent sur ses muscles. Elle se passe les doigts dans ses cheveux, les tord négligemment et les relève sur sa nuque, dévoilant sa peau sous quelques mèches rebelles. Son teint laiteux brille sous le soleil descendant, un grain de beauté brisant la surface lisse de son cou.

Le bruit sourd d'une chaise tombant près de moi me sort de ma transe. Je sursaute et me rends compte que j'étais en train de reluquer Chloé sans vergogne. Je secoue la tête et reprends la lecture de ma carte. Ce n'est pas elle qui va m'empêcher de profiter de mon repos bien mérité quand même. Il faut constamment qu'elle se trouve sur mon chemin d'ailleurs. De toute façon, je la regardais juste parce qu'elle est devant moi. Pour aucune autre raison.

Pourquoi tu ne sais toujours pas ce que le restaurant propose sur sa carte alors ?

Je grogne et me concentre à nouveau sur ma lecture. On a dit une crêpe. Ou des frites. J'hésite. J'ai plutôt soif, en fait. Je tourne la feuille et m'attarde sur les apéritifs, mais le goût de l'alcool ne me tente pas, dans l'immédiat. Peut-être un soda ? Je pose ma tête sur ma main pour réfléchir. Ou un jus de fruits ? Je regarde un peu les tables alentour. Beaucoup de steak-frites se baladent dans des assiettes dépareillées. Quelques sandwichs, et l'éternelle tartiflette, accompagnés quasi systématiquement par de la bière. Ou du coca pour les enfants qui se tortillent sur leur siège, du gras plein les doigts. Que boit Chloé ? Mes yeux dévient de leur trajectoire. Elle a changé de place. Ce n'est plus son dos qui me fait face, mais deux noisettes qui me scrutent.

Hating, Craving, FallingWhere stories live. Discover now