OUR ANCHOR T1 Broken [Terminée]

30 | Raphaël

— Je ne veux pas, Beth. Je ne peux pas.

Lorsque j'avais appris pour ma maladie, ça avait tout remis en question. Ça m'avait paralysé pendant si longtemps que j'avais cru ne jamais pouvoir m'en remettre.

Comment pouvait-on vivre en sachant notre durée de vie ? Comment accepter l'idée de survivre ?

Et puis il y avait eu Joshua. Lilibeth. Des présences. Des soutiens. Mais alors, tout avait été pire. Parce que je connaissais la valeur de ce que j'allais devoir laisser derrière moi. Ça n'allégeait en rien mon existence.

— Je veux t'appartenir de la seule façon qui existe entre une humaine et un lycan. Je veux que tu m'appartiennes pour le temps qu'il nous reste, Raphaël. Ne me prend pas ça. Tu n'as pas le droit. Tu n'as pas... le droit.

Ça me détruisait de l'intérieur.

Ça me bousillait, cette situation me prenait tout. Cette réalité était bien plus qu'un crève-cœur.

— Beth...

Elle s'agenouilla pour être à ma hauteur et m'encercla de ses bras.

C'était mon baume. Ma chimio. Ma dose d'antidouleurs. Ma came.

Elle était indissociable de mon existence depuis notre rencontre.

— Marions-nous, Raphaël.

Elle était mon Anchor. J'en étais sûr. Et me dire que j'allais la laisser derrière moi... c'était écrasant. Je suffoquais à chaque fois que j'y pensais.

Il y avait forcément une raison à tout ça.

Il y avait forcément un but !

Aux États-Unis, il y avait cette histoire ; la Grande Mère des loups, la belle Sharan, déposait deux âmes sœurs sur Terre ; deux âmes que rien ne pouvait séparer. Quand l'une s'éteignait, l'autre suivait.

Lilibeth était mon âme sœur à moi.

Elle était cette partie de moi, la plus belle, la plus douce, la plus aimante. Séparés, j'étais bancal, incomplet. Ensemble ? J'étais un et entier.

Il y avait une raison à tout.

Une explication. Je devais mourir pour une raison. Mais ça n'enlevait rien à la douleur que ça provoquerait.

Qui étais-je pour vouloir voler un peu de bonheur à la femme que j'aimais ? Même si cela voulait dire l'enchainer à moi ?

Mon front vint appuyer contre sa tête.

Je soupirai, vaincu.

Elle aurait tout ce qu'elle voudrait de moi. Sauf ma survie.

*  *  *

J'enfilai ma chemise et ajustai mes boutons de manchette. Je me sentais gauche, un peu à l'étroit.

J'avais un poids dans la poitrine. Appréhension ou excitation ?

On se lançait sans prendre le temps de réfléchir.

On se lançait sans penser aux conséquences.

C'était silencieux autour de moi. Je percevais sans mal mon souffle et si je me concentrais suffisamment, je pourrais entendre les battements de mon cœur.

Je m'observai dans le miroir, croisai mon propre regard.

Mon lycan était là, avec moi, pour ce moment. Il n'avait rien dit ; acceptait de s'unir avec une humaine, parce qu'il savait qui elle était pour nous. Et ça lui suffisait.