Partie III : L'appel

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Le toit entier prenait feu, triste proie que les flammes dévoraient avec une avidité soudain accrue. Les poutres tombaient, les cloisons en bois s'effondraient dans un fracas de fin du monde.

- Jéna !

Le cri du garçon réveilla chacun de sa propre stupeur. Haldir avait accouru au plus près de la grange. Il cherchait son maître à travers l'encadrement de la porte, en vain. Son cœur n'en menait pas large, il battait fort à assourdir ses tympans, faisait monter l'angoisse qui lui glaçait les os.

- Jéna !

Les larmes s'échappèrent et rejoignirent la pluie qui dégoulinait sur son visage. Il arpenta de long en large la façade sous les yeux des villageois qui avaient arrêté de lutter. Un éclair fendit le ciel d'encre. Puis le tonnerre éclata plus terrible que jamais.

Son maître se trouvait à l'intérieur. Là certainement où les poutres venaient de se briser. Elle ne pouvait être morte, il ne voulait pas y croire, elle lui avait promis de revenir en vie ! Mais qui survivait à pareil coup du sort...

Haldir se prit la tête entre les mains à s'en arracher les cheveux. Il voulait y aller, braver le danger pour retrouver la jeune femme et la sauver d'une mort atroce au lieu de rester ici les bras ballants. Le temps filait, inexorablement. Il ne se passait plus rien en dehors de l'agonie du bois. Chaque instant perdu amenuisait les chances de voir revenir Jéna et toutes ces secondes gâchées engendreraient sans aucun doute de graves conséquences. Il ne supportait plus l'attente, mais l'image de son maître qui l'exhortait de rester loin de la grange le hantait en retour. Il la revoyait clairement lui ordonner de ne pas s'approcher. Songeait-elle réellement alors à ce qu'il la laisse mourir sans tenter de la sauver ?

- Promets-moi de ne pas t'approcher, quoi qu'il arrive.

Il lui avait promis. Il lui avait promis. Il lui avait promis d'obéir car, en cela résidait son devoir de disciple.

Le bâtiment craquait, même les pierres qui constituaient sa base paraissaient sur le point de se briser. Toujours aucun signe. Il mourait de ne rien faire, il lui fallait agir ou jamais il ne se pardonnerait de l'avoir abandonnée. Haldir frappa le sol du pied pour s'exhorter au calme. Le choc remonta le long de son mollet et s'ancra en lui. Il laissa derrière l'apathie des villageois et le tumulte qui les entourait, ne subsistait que lui seul face au feu, terrible d'une puissance qui outrepassait tout ce qu'il avait jamais vu. Sa poitrine se soulevait encore fort mais il en apaisa le rythme, une vive résolution s'écoula dans ses veines.

Il irait.

Ainsi le garçon dérogea à l'ordre de Jéna. Qu'importait à cet instant la peur qui tétanisait ses muscles. Il fit table rase des principes que la jeune femme lui avait enseignés certain qu'elle n'hésiterait jamais à prendre des risques pour lui venir en aide ; il devait se montrer digne d'être son apprenti pour qu'à l'aube suivante son maître et lui puissent poursuivre leur voyage, ensemble.

Haldir s'élança sans rien d'autre comme outil qu'une dague accrochée à sa ceinture. Il entendit derrière lui les hommes le héler de revenir mais ne tint pas compte un seul instant de leurs injonctions, déjà il s'engouffrait dans l'antre de la bête. Le vacarme se referma autour de lui, grondant du sol au plafond. Loin se retrouvait la pluie et ses gouttelettes rondes de fraîcheur. Le garçon, les sens agressés sans distinction, contourna le foyer qui lui mordillait les chevilles. L'entrée commençait à brûler, un monte charge s'était écrasé sur le sol lorsque ses cordes avaient cédé sous l'assaut des flammes et barrait le chemin jusqu'à l'échelle au fond. Seule l'aile Est demeurait épargnée, il s'y précipita.

Fanfiction Eragon - Les Liens du Destin - TerminéeWhere stories live. Discover now