Chapitre 51 : Bjart Eyreya

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Jéna fit un pas en arrière. La créature grogna, révélant quatre crocs pointus à l'avant de sa mâchoire. Une sueur froide recouvrit le corps de la jeune fille, en même temps que son cœur s'accéléra.

Sous une fourrure épaisse, la bête arborait une forte musculature. Ses pattes-arrières étaient énormes, les cuisses repliées touchaient presque le sol et devaient lui permettre de courir à une vitesse impressionnante. Le ventre s'élargissait de près d'un quart de sa grosseur sous sa respiration grondante, et les épaules qui saillaient de son dos se prolongeaient par des pattes élancées au bout desquelles de longs doigts aux griffes courtes mais aiguisées plongeaient dans la terre. La tête était large et s'affinait au museau jusqu'à une truffe retroussée ; les oreilles n'étaient que vagues touffes de poils drus sur le crâne et les yeux se trouvaient placés suffisamment au centre de la face pour que le monstre n'ait pas de point mort devant et puisse aussi voir sur les côtés.

La jeune fille écarta les bras et se mit à reculer lentement ; la bête n'avança pas plus mais de la bave commençait à écumer de sa gueule, elle paraissait prête à passer à l'attaque.

Un pas, deux pas, trois pas... bientôt Jéna se retrouva à une centaine de pieds du monstre dont les grognements faisaient vibrer la cage thoracique. Elle redoutait de faire un mouvement brusque qui aurait sonné le glas de son existence, à n'en pas douter.

- Ach néiat haina edtha, dlaeh, prononça-t-elle alors pleine d'espoir. Ne me fais pas de mal, je t'en prie.

La bête tiqua : ses oreilles se dressèrent subitement et ses paupières s'écartèrent, révélant le blanc de l'œil qui luisit sous les rayons de lune. Elle retroussa les babines jusqu'aux gencives et poussa un rugissement rauque, fort comme le tonnerre. Jéna ravala un cri et sans plus chercher à s'esquiver doucement, fit demi-tour et prit ses jambes à son cou. Elle entendit derrière elle le monstre s'élancer, ses pattes puissantes foulant le sol à une vitesse folle, telle qu'elle avait pu l'imaginer quelques instants plus tôt.

Elle courut entre les arbres, sauta par-dessus un buisson, pataugea dans un cours d'eau indolent. Sa jambe droite se mit à l'élancer. Un autre hurlement résonna dans la nuit, les oiseaux s'enfuirent affolés dans une confusion de piaillements perçants. Des craquements enragés sur le passage du monstre indiquaient à Jéna que ce dernier malgré sa rapidité ne l'avait pas encore rattrapée. Elle continua néanmoins à filer sous le toit de feuillages, de moins en moins capable de se repérer ; la lumière se faisait rare et les branchages emmêlés présentaient des formes effroyables, des piques et des doigts crochus parés à avaler leur proie. Soudain, la jeune fille se prit le pied dans une roche égarée, elle tomba tête la première dans un bosquet d'épines ; elle se dégagea, s'égratignant, et tira plusieurs fois sur ses vêtements pour les décrocher, son cœur essoufflé sur le point d'éclater. Les rugissements de la bête se firent plus proches, elle était là.

En un dernier coup désespéré, Jéna parvint à arracher sa manche des griffes de la ronce ; le tissu se déchira en un lent cri d'agonie. Elle repartit. A ses trousses, les troncs et les roches se brisaient de plus en plus sauvagement. Elle passa sous une branche aux longues feuilles tombantes et se retrouva sur une corniche, un vent terrible soufflait, le vide se profilait quelques foulées plus loin. Les membres courbatus par l'effroi elle n'en continua pas moins d'avancer. La falaise s'arrêtait. A cet instant le monstre surgit de la forêt en déchiquetant les arbres, branches et feuilles volèrent dans les airs. Jéna s'arrêta in-extremis à la pointe de l'escarpement, quelques cailloux furent chassés dans le vide. Mais le monstre était là. Elle se retourna et son pied dérapa au bord du précipice ; elle chuta.

Un immense froid s'abattit.

La jeune fille ouvrit les yeux brusquement, le souffle coupé. Le monstre l'avait plaquée au sol et la maintenait fermement de son énorme patte qui pressait ses poumons pour l'étouffer. A un rien de son visage, la gueule ouverte exhalait une haleine renfermée et légèrement boisée. Les quatre crocs claquèrent. Jéna sursauta, tous ses membres se crispèrent. Le souffle chaud de la créature embaumait sa tête, un filet de salive commençait à se former au-dessus d'elle. Un râle de plus en plus excité montait de la poitrine de l'animal qui se mit à renifler le front dégoulinant de Jéna. Celle-ci ferma les paupières, incapable même de penser à la mort qui se profilait devant à elle. Elle serra les dents et attendit le moment fatidique.

Fanfiction Eragon - Les Liens du Destin - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant