Chapitre 72 : Contre le froid de la pierre

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La tête vola dans les airs et retomba sur le sol dans un bruit mat. Elle roula doucement sur le carrelage, laissant s'échapper une trainée de sang. Jéanna ne put décrocher son regard de l'horreur qui se figea à visage découvert devant elle. Cependant, comme si sa mère avait su, ses paupières étaient closes, épargnant à la jeune fille le vide de ses yeux.

Jéanna parcourut le reste de la salle qui empestait la mort et tomba sur l'auteur de ces crimes. Les prunelles noires du roi la croisèrent. Son cœur rata un battement.

Elle recula et allait s'enfuir lorsque Galbatorix rengaina son épée et que sa voix, d'un ton calme presque doux, s'éleva soudain.

-                     Tu n'as rien à craindre, mon enfant.

La jeune fille suspendit son pas en arrière et continua de fixer le meurtrier de ses parents à travers le mince interstice entre le mur et le meuble.

-                     Je ne te ferai aucun mal, tu as ma parole. 

Pouvait-il dire vrai ? Elle jeta un coup d'œil sur le côté et frissonna en voyant un léger spasme agiter le corps de sa mère.

-                     Viens, pria Galbatorix. Tout est terminé, il n'y a plus de danger.

Il ouvrit les bras pour appuyer ses paroles.

Une oreille extérieure aurait trouvé absurde ce qu'il venait de dire, qui pouvait le croire alors que c'était lui-même le danger ! Mais la jeune fille ne distinguait plus rien. La réalité n'était qu'un affreux cauchemar que venait adoucir la voix de cet homme, là, devant elle, de l'autre côté du vaisselier ; le roi. Elle n'entendait que son timbre sans âge qui lui traversait la peau et l'appelait à lui.

D'un geste imperceptible, Galbatorix ordonna à deux soldats de pousser le grand meuble qui dégagea l'entrée du tunnel. Jéanna apparut dans l'éclairage de la pièce. Elle se sentit subitement bien vulnérable et ramena ses bras autour d'elle.

-                     Viens, répéta le roi.

Il tendit une main, et les pieds de la jeune fille se mirent à avancer répondant à l'appel. Elle ne comprenait pas réellement ce qu'elle faisait, mais son esprit ne lui envoyait aucun avertissement pas plus que son cœur qui retenait mal ses sanglots.

Elle arriva tout près de Galbatorix. Ce dernier lui parut encore plus impressionnant. Ses habits noirs dissimulaient les taches de sang et sa carrure imposante, couronnée d'or et de pierres précieuses, respirait l'autorité suprême. Elle avait peur mais n'était plus en mesure de savoir de quoi. Les événements qui s'étaient succédés devant ses yeux semblaient disparaître de sa mémoire et ne restait plus qu'un nuage de poussière coloré de rouge.

Jéanna ne sut comment le pas qui la séparait du roi fut comblé. Elle se retrouva contre le plastron de Galbatorix et sentit les mains de celui-ci se poser sur ses épaules. Puis elle fondit en larmes.

-                     Tout est fini, mon enfant, murmura-t-il. Tu as fait le bon choix. Tes parents étaient dans le tort, ils ont failli à leur tâche. Ils m'ont trahi. Ils t'ont trahie, ont abusé de ta confiance.

Il releva le menton de la jeune fille dont les pleurs avaient redoublé en entendant parler de ses parents. Elle fut forcée de le regarder et ses prunelles noires firent éclater en morceaux les derniers remparts de ses convictions.

-                     Ils ont voulu te corrompre, Jéanna.

Sa voix se durcit.

-                     Ils ont cru pouvoir me duper en folâtrant avec l'ennemi ! Comment puis-je gouverner si même mes plus proches amis se retournent contre moi ! Ils devaient être punis, me comprends-tu ? Regarde !

Fanfiction Eragon - Les Liens du Destin - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant