#13

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10 ans

Je vagabondai dans les rues qui me paraissaient si sombres, le paquet dans les mains.

Je marchai devant le clochard du métro, il me salua gentiment dans l'espoir que je lui donne enfin quelque chose. L'enveloppe contenant ma chère et précieuse paye, coincée au-dessus du paquet s'envola, et atterrit devant le vieux monsieur assis, je réfléchis, et partis, laissant ma paye entre les mains de cet homme. Lui, que je n'avais jamais vu debout, se leva difficilement, tituba vers moi et me tendit l'enveloppe.

« Je ne peux accepter, Monsieur, me dit-il, presque paniqué.

— Ma mère aurait aimé me voir faire ça, soufflai-je, alors prenez avant que je change d'avis. »

Je passai mon chemin ; le bruit assourdissant des sirènes de la police retentissait. Allez-y connards ! Bouchez la circulation ! Évacuez votre crevé, de toute façon, tout le monde l'oubliera une fois le carrefour passé.

Arrivé devant la porte de mon immeuble, je sonnai à l'interphone. Pas de réponse. N'ayant pas mes clés, je cognai contre la fenêtre de la mamie du rez-de-chaussée, elle l'ouvrit, me demanda sèchement ce qui me prenait de la déranger de la sorte et finit par m'ouvrir la porte principale espérant que je lui revaudrai ça cher.

Qu'est-ce qu'elle croyait l'autre biquette ?

Je montai les escaliers quatre par quatre avec tellement d'ardeur que je loupai mon étage puis arrivai finalement devant ma porte que j'ouvris du pied. L'appartement était ravagé par mes bêtises de cette nuit et Petra n'était pas rentrée. Que du bonheur.

Je balayai d'un geste tout ce qui traînait sur la table, les laissant s'écraser au sol, puis posai le paquet emballé maladroitement d'un papier cadeau de Noël.

Nous étions en juin.

Eren tout craché, ça.

Je tirai délicatement sur la ficelle rouge pailleté et déplia l'emballage foireux qui n'avait même pas été fixé au scotch, m'apparut la luxuriante boîte à chaussures Stan Smith à scratch qu'Eren avait reçu pour son dernier anniversaire. À l'intérieur, il y avait un mélange de tout : des photos de nous, de ses amis, de son monde, le caleçon L'Âne Trotro qu'il chérissait tant, un petit cahier dont je ne connaissais pas l'existence scellé d'un cadenas ainsi que son dessin de Tchoupi culbutant Pilou rangé également avec le reste.

Il y avait une feuille de cahier arrachée sur laquelle des mots mal alignés et mal orthographiés étaient écrits :

« Poure Levi,

je sui dézaulé de ne t'avwar riain die, mai je ne voulé pas te fair de pène, je veut te dir mercie poure toux se que tu at faix poure moi pandan ses ssainq ant. je ne t'oublirrai jamei, Levi, et je ne veut pas que tu m'oubli toi auçi parsse que je sui ammourreu de toi, je t'aime plus que pertae, je t'ême plusse que tous le monde et j'oré voulue que tu n'aime que moi. s'et pas parsse que je parent kon se revera plus.

sinier Eren qui doie resté dans ton koeure koi kille ce pace. »

Je ne savais pas si je pleurais à cause des mots employés sur cette lettre ou bien à cause des fautes qu'il y avait sur les mots employés sur cette lettre.

Nuance troublante.

Au dos de la feuille, Eren avait dessiné deux bonhommes, l'un minuscule avec une masse noire gribouillée au feutre qui trônait sur sa tête et l'autre, grand, musclé, on sentait les efforts sur le trait, ce personnage aux allures glamour possédait comme de par hasard, une belle tignasse brune, soigneusement travaillée au crayon de couleur.

Eren était un bâtard jusqu'au bout putain.

Les deux personnages se tenaient par la main, (le plus troublant était que leurs dites mains n'avaient que trois doigts) et un grand cœur flottait au-dessus de leur tête.

C'était terriblement mignon.

Dans l'arrière-plan, il y avait même une petite silhouette fâchée avec les yeux représentés d'un vulgaire trait horizontal. Mikasa l'asiatique, sûrement.

Il avait décidément pensé à tout.

Soudainement, le téléphone fixe qui devenait poussiéreux sonna. Par pitié, pas Tatie Marlène, une châtelaine perchée attendant l'arrivée des hommes bleus. C'était la seule à appeler sur le fixe. Je décrochai peu déterminé :

« Allô ?

— Bonjour, Monsieur, nous sommes de la police commença une voix monotone, vidée de tout, connaissez-vous Petra Ral ?

— Oui, qu'est-ce qu'elle a fait encore ? Elle est suspectée d'avoir volé un bonbon à Monop' ou d'avoir traversé quand le bonhomme était rouge ?

— Non, Monsieur, souffla l'homme, il s'agit d'un accident de voiture.

— Arrête ton canular, mec, m'exaspérai-je, Petra n'a pas de voiture.

— Elle s'est fait écraser contre un arbre, Monsieur. Elle est morte. Vous m'en voyez désolé. Pourriez-vous nous rejoindre au commissariat au plus vite ? »


Babysitting → Ereri/RirenWhere stories live. Discover now