#12

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10 ans

« Bonsoir, Levi, je sais que l'heure est tardive et que nous sommes dimanche, mais j'aurais à vous parler, elle marqua une pause, c'est au sujet d'Eren. Demain seize heures au café Maria, vous irez ?

— Mais à cette heure je dois aller le chercher, lui répondis-je un peu confus.

— Il n'ira pas à l'école demain, rétorqua-t-elle tendue.

— Si vous le dites, à demain Carla. »

Elle raccrocha sèchement, me laissant à peine le temps de finir ma phrase.

Petra, qui, du couloir avait suivit toute la conversation me fixait sans oser dire quoi que ce soit. Elle finit par s'approcher sans bruit et posa délicatement sa main féminine sur mon épaule, la laissant se promener et caresser mon torse avec douceur. La rousse colla son visage contre mon dos et enroula son bras vacant autour de ma taille. Je restai stoïque, le téléphone à la main sans savoir quoi faire ou penser.

Le téléphone de Petra sonna, elle desserra l'étreinte et rassura son interlocutrice sur fait qu'elle était prête. Petra m'embrassa rapidement me soufflant un « je dois y aller, je t'aime » et s'éclipsa de l'appartement allant retrouver son amie.

Quelques instants plus tard, dans ma mollesse, l'envie d'une bonne bière fraîche se fit sentir. Dans mon élan de pré-ivresse, je saisis ma boisson et m'avachis sur mon fauteuil tel le vieux beauf que je devenais.

Juste une, histoire d'oublier.

Puis, ce furent deux bières.

Évidemment, jamais deux sans trois.

Pour que finalement, je liquide le frigo. Enfin plutôt, dé-liquider.

Vanne produite en coopération exclusive avec l'alcool heureux.

J'en bu jusqu'à ne plus pouvoir penser.

~

Je me réveillai en trombe, courant vers les chiottes, m'asseyant royalement sur le trône afin de laisser couler la plus grande pissette de ma vie. Trop fatigué pour tirer la chasse ou me laver les mains, je retournai d'un pas lent vers mon canapé. Au loin, persistait un vague bruit peu mélodieux accompagné de vibrations régulières ; mon téléphone ronronnait.

152 appels manqués, 4 messages vocaux, 46 messages de Petra, 1 message de BOUYGUESTELECOM.

« Vous êtes bien sur la messagerie du 06 07 08 0666, m'agressa la connasse du répondeur, la personne que vous essayer de joindre n'est pas disponible. Veuillez laissez un message après le "bip".

— Sale pute de tes morts, lui répondis-je en jetant mon téléphone sur le canapé.

— C'est qui que tu traites de pute, Levi ? s'offusqua une voix que je connaissais bien.

— Hein, le répondeur sait faire la causette, me moquai-je bêtement sans vraiment comprendre, que des innovations, hein ? Je suis plus tout jeune, ma p'tite, haha.

— Levi arrête de déconner, putain, la voix s'énerva, manquant de pleurer. Viens me chercher, je suis dans la rue, je veux rentrer.

— Je peux pas Madame la "répondeuratrice", j'suis claqué, putain de bourré, rigolai-je une fois de plus me mettant à danser une pseudo-valse, seul.

— Levi, murmura-t-elle, pourquoi t'es jamais là ? Pourquoi t'es jamais pour moi ? Bon dieu, pourquoi t'es amoureux d'un gamin aussi con que ses pieds ? elle pleura, je sentais ses larmes me fouetter. Tu sais quoi ? J'vais rentrer à pied, va violer ton gosse, comme t'attends que ça, hurla-t-elle se déchirant la voix. »

Puis elle raccrocha, mettant fin à l'appel, fin à tout.

D'un pas titubant, je fonçai vers la cuisine, me cognant à tous les murs puis empoignai la bouteille de Yop à moitié vidée par Eren depuis déjà un bout de temps. Coinçant le Yop entre mes lèvres, j'avalai goulûment une gorgée, m'en foutant la moitié maladroitement sur mon t-shirt. Dégueulasse était un mot faible pour me décrire.

Le Yop périmé dans ma bouche, je vagabondai vers ma chambre allumai la télévision, lançai M6 Replay et me délectai avec dépit des mauvais goûts vestimentaires des candidates de l'émission favorite de Petra : "Les Reines Du Shopping".

~

Je ressuscitai, face au plafond que j'observai avec attention. Là-haut, résidaient les cadavres de moustiques abattus à coup des 500 horribles pages de Twilight. Mes yeux valsaient vers les chiffres rouges projetés par le radio-réveil Gulli que m'avait offert Eren, n'en voulant plus.

« 15 h 48 »

Merde.

Je bondis de mon lit, attrapai une Dr. Martens baisée par la vieillesse ainsi qu'une Kalenji trouée sur les côtés. Ça fesait l'affaire, de toute façon. Je ne pris ni mon téléphone, ni mes clés et gardai mon vêtement souillé au Yop puis couru plus vite qu'Usain Bolt. Pas le temps de m'intéresser aux ambulances et à la police dans la rue d'en face ou de cracher sur les rosiers fanés de la tombe de tonton : 'fallait juste courir.

« Excusez M'dame, l'heure ? demandai-je essoufflé à une vieille dame d'un aspect de pruneau.

— Je n'ai pas l'heure, merde ! s'énerva le pruneau, ce n'est pas parce que j'ai l'air vieille que j'ai l'heure !

— Ta race de pruneau, lui dis-je reprenant ma course effrénée. »

J'avais l'impression de courir sur place, comme dans un rêve.

Finalement, je touchai au but. J'aperçus au loin Carla, seule, qui s'avançait vers une table vacante. Cherchant son regard, je lui fis des gestes d'appel qu'elle ignora, me ridiculisant auprès des passants.

Arrivé à la table où elle s'était assise, je me confondis dans des salutations toutes coupées par mon souffle, Carla me sourit, m'invitant à m'asseoir. Elle m'observa, gênée de ne pas trouver les mots. J'entrepris de lui demander la raison pour laquelle elle voulait discuter. Elle baissa le regard et répondit de but en blanc :

« Mon mari a eu une mutation, commença-t-elle, j'ai le regret de vous annoncer notre déménagement et votre licenciement. Voici votre paye et ce qu'Eren tenait à vous donner, me souffla-t-elle tristement me tendant une enveloppe délicatement posée sur un paquet. Au revoir, Levi, merci pour tout, vous êtes quelqu'un de bien, dit-elle en se levant, me laissant béat, cloué sur la chaise inconfortable de ce café.

Par pitié, qu'on me réveille.

Babysitting → Ereri/RirenWhere stories live. Discover now