Chapitre 14 L'ombre se révèle (1ère partie)

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           Le déluge cachait la lumière, pourtant, elle en devenait notre soleil quand l'ombre s'emparait de notre cœur.


          — Où allons-nous maintenant ? demandais-je, en même temps qu'un éclair blanc zébrait le ciel ténébreux.

— Je dois me rendre à Undĕwial, répondit Githrandiar, qui tentait d'allumer le feu, une nouvelle fois.

Malgré les coups secs qu'il donnait aux pierres, et les étincelles rouges, elles fondaient instantanément en atteignant l'humidité du bois.

— Tu es un magicien. Qu'attends-tu pour faire flamber ce tas ?

Je l'entendis grogner dans sa barbe. Soudain, les gouttes de pluie perdirent leur éclat argenté pour refléter une couleur orangée. Sans me retourner, je compris que Githrandiar avait réussi à allumer le foyer.

          Les flammes dansaient sur les parois rocheuses, comme des tentacules voulant s'emparer de quelque chose.

— Les silex sont vraiment des pierres enchantées, s'exclama le magicien en riant.

Je levais les yeux au ciel.

— Que dois-tu faire à Undĕwial ? demandais-je en venant me rasseoir près du feu.

Son petit sourire de fierté s'égara dans la lumière orangeâtre.

— J'ai été appelé, me répondit-il, sans plus de détails.

— Pourquoi ? tentais-je d'insister.

— Je ne le saurais que quand j'y serais.

— Et quand y allons-nous ?

Les flammes dansaient sensuellement sur le bois.

— Maintenant, déclara-t-il en se levant.

— Pourquoi t'es-tu évertué à allumer un feu alors ? m'indignais-je, face au temps que nous venions de perdre.

— Nous pouvons prendre l'Arbre Roi de la forêt.

           Il sortit de la grotte et fut trempé en quelques secondes. Nous montâmes au-dessus de l'abri rocheux, pour arriver devant un immense chêne aux feuilles mal traitées par le vent et la pluie.

— Tu as déjà consommé de la sève d'Arbre Roi ? me demanda Githrandiar en tâtant le tronc.

— Non. Je n'en ai jamais trouvé.

— C'est normal. Seul Undĕwial donne la permission d'entrer dans un Arbre Roi.

Il tourna autour de l'imposant feuillu, en gardant une paume sur l'enveloppe brune. Puis, il leva sa tête en direction du feuillage bien garni.

— Essed ed Githrandiar, déclara le Magicien Sans-Visage.

            Une sève dorée coula le long de l'écorce. Githrandiar mit ses mains en coupe, afin de récupérer le liquide. Il s'approcha de moi pour me donner ma partie de suc et nous là bûmes d'une traite. Aussitôt, je me sentis toute légère.

— Ainsi transparent et quasiment immatériel, l'Arbre Roi nous acceptera à l'intérieur de son tronc, comme un fragment de lui. Il ne nous considérera pas comme un danger, mais comme un ami ou un membre de sa famille.

— Que se passe-t-il quand la sève ne fonctionne pas ? demandais-je en regardant ma peau.

— Elle réussit toujours son devoir.

— Et quand nous entrons sans avoir bu la sève ?

— Cela ne se produit pas normalement. Mais certains, comme les conifères, s'en amusent. Ils montrent la porte au passage d'une personne. Cette dernière, curieuse, rentre dans le tronc, alors, qu'elle ne s'est pas imprégné de la sève. L'arbre se tord pour la piéger et il écrase l'indésirable à l'intérieur.

— Et moi qui pensais que les maîtres des forêts étaient pacifiques, déclarais-je, assez impressionnée de la force de ces arbres.

— Ils le sont. Ils sont les protecteurs des Bois. Tout être qui n'est pas un animal est considéré comme un intrus pour eux. Mais leurs compassions nous laissent beaucoup de liberté. Grâce à eux, nous pouvons arpenter Entre-Monde comme nous le voulons. Comme seul remerciement, nous ne pouvons que respecter leurs règles, ce qui s'avère facile, vu qu'ils en ont peu.

           Nous étions entrés dans l'antre ténébreux pendant les explications des Arbres Rois. Je vis le passage se refermer lentement. Dans ces entrailles, des petites lucioles volaient doucement et se posaient sur nous en nous illuminant de l'intérieur.

— La première fois, c'est toujours surprenant. Chaque personne connaît un ou plusieurs effets secondaires à ce genre de transport. La plupart du temps, c'est une envie de vomir, mais certains ressentent le besoin urgent d'uriner et d'autres éternuent jusqu'à perdre le souffle. J'ai entendu dire que quelques unes étaient devenus sourds pendant plusieurs heures, voir un ou deux jours. Mais tous ces effets restent temporaires. Après, nous connaissons les risques de la sève sur les elfes, les humains et quelques nains, mais nous ignorons complètement comment un vampire réagit. Tu es la première de ton Royaume.

— Je ne fais partie d'aucun Royaume, réfutais-je.

— Aucun homme ne peut échapper aux classes sociales, répliqua Githrandiar.

— Je suis une femme, ripostais-je.

           Githrandiar ne répondit pas, mais je sentais qu'il n'appréciait pas le fait que je divise nos deux sexes. Pourtant, on ne verra jamais un mâle nettoyer la maison et s'occuper des enfants, pendant qu'une femme portera les armes et rapportera l'argent pour nourrir la famille. Nains, Elfes, Humains, ou Vampires, tous fonctionnaient de la même façon.

           Une différence s'opérait dans mon corps. Ma peau devenait dure et rugueuse. À l'intérieur, je me sentais vidée de tous mes organes, mais des choses en moi volaient et chatouillaient les parois de ma chair.

— Je suis en train de me transformer en arbre ? m'écriais-je.

— En quelque sorte, répondit Githrandiar, en souriant et en fermant les yeux. Tu ressens cette envie de chanter et de danser avec tout le monde ? Une joie d'arbre comme j'aime l'appeler. Eux, même si la branche se casse ou que la feuille tombe, le bonheur ne cesse de les habiter.

— D'un côté, ils sont un peu obligés d'apprécier leur situation puisqu'ils sont cloués au sol, marmonnais-je.

Githrandiar soupira et rouvrit les yeux. J'avais détruit son moment d'extase.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Where stories live. Discover now