Chapitre 14 L'ombre se révèle (1ère partie)

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           Le courage ne se manifeste qu'en de rares occasions. Et Rowan ne croyait plus en rien. Il était bel et bien devenu une ombre. Et cet éclat de lune le rendit complètement lucide du changement qui s'était opéré en lui durant ces années. Si la mort venait le frapper à l'instant, il l'accueillerait, presque, avec plaisir. Comme un vieil ennemi attachant.



           — Alors, qu'as-tu pensé de cette rencontre ? me demanda Githrandiar, essayant d'allumer un feu avec le peu de brindilles sec qu'on avait trouvé sur la route.

— Il voudrait que ça soit possible. Mais pas pour les mêmes raisons que nous. Il souhaiterait que tout redevienne comme avant. Mais c'est irréalisable, soupirais-je.

— Il ne voit pas les bons côtés de cette vie, murmura Githrandiar.

Il s'acharnait sur le bois et finit par abandonner. Il s'appuya contre la paroi de la grotte où l'on se trouvait, tout en mâchonnant, son éternel brin d'herbe.

— Parce qu'il y a de bons côtés ? remarquais-je.

— Évidemment. Le bonheur n'est pas infini ni énorme, mais sa forte présence semble invisible pour beaucoup de monde. Ce sont des petits plaisirs qui nous font avancer, la tête haute. Mais la plupart des gens n'ont pas conscience de ces pointes d'éclairages dans leur existence. Ils ne comprennent pas qu'un plat, de leur mets favori, constitue cette joie. Ce n'est que lorsqu'on perd ce que nous avons, que nous apprécions ce que nous possédons. Ainsi va la nature humaine. Elle aspire à toujours plus, et une fois obtenue, il en demande le double. Quelques fois, je pense que le bonheur des Entre-Mondiens, c'est seulement de courir à la poursuite de leur désir, mais une fois qu'ils l'ont, ils s'en lassent, et partent chercher « une autre félicité ». Rares sont ceux qui comprennent que les choses simples participent au bonheur.

— Tu ne vas pas me dire que tu te sens heureux ? m'exclamais-je.

— Bien sûr que je le suis. Pas besoin de rire et de sourire tout le temps pour l'être.

— Tu râles toujours pour un rien.

— C'est mon petit plaisir de la vie, plaisanta Githrandiar.

           La pluie continuait à tomber. Elle martelait les pierres de la grotte, en s'infiltrant sur les parois rocheuses. Par l'ouverture de l'abri, les gouttes prenaient une couleur noire diamantée. Elles étincelaient selon la lumière qu'elles recevaient. Je me levais, fatiguée d'être assise en face de Githrandiar.

           Je me souviens, encore aujourd'hui, à quel point j'étais faible avant ma transformation en vampire. Malgré l'orage qui arrivait au loin, cachant le peu de clarté du ciel, je devinais chaque détail de la forêt que je surplombais.

           J'ai toujours aimé les ondées grâce à leurs effets apaisants sur moi. Je sortis un peu plus pour sentir l'eau goûter ma peau et couler en cascade sur mes cheveux détachés.

           Qu'est-ce que la pluie ? Les larmes de joie ou de tristesse des nuages ? C'était un enfant qui m'avait posé cette question. J'avais ri sur le coup, mais moi-même, j'ignorais les raisons des sanglots de ces moutons volants.

           On m'avait appris, durant mon jeune âge, une histoire de soleil et d'évaporation qui s'accumulait dans l'air. Mais la petite fille que j'aimerais rester voudrait partager l'image des nuages qui pleurent de joie.

           Dans tous les cas, la pluie se déversait en une giboulée d'étoiles, où son gai refrain donnait dans la forêt, un récital. À chaque endroit où les gouttes tombaient sur le sol, une symphonie semblait se créer, écoutée de l'oreille la plus attentionnée par les êtres sous la terre et dans les feuilles.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant