19 - Pâques

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23 mars 1856, hôtel particulier des Rosebrune, Paris

Vers une heure de l'après-midi, un joyeux brouhaha envahit le vestibule de la demeure parisienne des Rosebrune. Tout le monde revient de la messe à Versailles. Les Rosebrune ont invité les Vertfeuille, les Valgrâce, et, bien sûr, la comtesse de Marvac, pour partager le repas de Pâques à Paris. Ce n'est pas, à proprement parler, le traditionnel repas familial, mais les quatre maisonnées s'apprécient et ont resserré leurs liens au cours des derniers mois, aussi Marie-Iphigénie de Rosebrune a-t-elle tenu à rassembler tout le monde en cette heureuse occasion de la résurrection du Christ.

Heureuse occasion qui a décidé Louise à mettre fin à son deuil en même temps que le carême, aussi ne porte-t-elle plus de crêpe noir. Elle n'a pas vraiment fait le temps de deuil imparti à la fille d'un défunt, mais à vrai dire, son entourage le lui pardonne volontiers, d'autant plus que cela n'est pas le principal sujet de leurs préoccupations. Non, à vrai dire, on ne parle plus guère de cette affaire de testament, ni d'héritage. Presque plus.

Pour le moment, les estomacs sont tournés vers la table, dressée avec les plus belles pièces d'argenterie, et ornée de fleurs odorantes, que les domestiques s'empressent de retirer une fois les convives installés de part et d'autre. Les odeurs alléchantes qui viennent des cuisines ne laissent pas de donner l'eau à la bouche et bientôt, c'est tout aussi joyeuse qu'elle est entrée que la compagnie entame son repas.

Les discussions vont bon train. On fait des projets pour l'été ; la province, la montagne, la Suisse peut-être ? L'Italie ? encore mieux ! Un tour des grandes villes se dessine. Italie qui fait beaucoup parler d'elle en ce moment à Paris, à la cour de l'empereur ...

– Avez-vous entendu parler de la comtesse de Castiglione, Louise ? demande l'une des sœurs Valgrâce.

– Bien sûr ! On n'entend parler d'elle à tous les coins de rue ! Mais je n'en sais pas plus ... elle a été présentée à Napoléon, n'est-ce pas ?

– Oui ! c'était le 9 janvier, chez la princesse Mathilde. Nous n'y étions pas bien sûr, mais depuis, nous l'avons vue au palais. Oh ! elle est éblouissante vraiment ! Je crois qu'elle a notre âge.

– C'est une italienne. Elle vient tout juste d'avoir un enfant, renchérit la seconde sœur. On m'a rapporté que c'est une cousine d'un certain Cavour, mais je n'ai pas très bien compris qui c'était, sinon quelqu'un d'important et dont beaucoup parlent à la cour.

– C'est un partisan de l'unification italienne, intervient Nicolas. Je crains que ce pays ne soit pas une destination idéale de villégiature dans les années qui vont suivre, mesdemoiselles.

Il sourit.

– Peut-être devriez-vous vous contenter de la Suisse ...

– Dommage, boude sa sœur, j'aurais aimé voir un opéra italien, dans une salle de Milan ou de Rome ...

Et les conversations de se poursuivre sur le même ton badin, mêlant projets et dernières nouvelles politico-mondaines. A la fin du repas, Mr. de Vertfeuille se lève en réclamant l'attention de tous. Un fin sourire se dessine sur son visage. En face de lui, sa femme sourit, et ses filles aussi ... notamment Élisa qui est toute rose.

– Nous avons une nouvelle d'importance à vous annoncer, chers amis, commence-t-il. Une heureuse nouvelle : Élisa est fiancée, et elle va se marier au mois de juillet, vous êtes tous invités !

Une vague de « Oh !», et de « Ah !» jaillit de l'assemblée qui s'empresse de présenter ses félicitations et ses vœux de bonheur à la fiancée et à sa famille. César de Rosebrune fait monter une bouteille toute spéciale de sa cave pour l'occasion, et tout le monde trinque à la future mariée.

Amours & cupiditésWhere stories live. Discover now