Chapitre 7 Ange la Rebelle

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— Comment vas-tu, mon fils ?

— Bien Père.

— Et ma fille ? voulut savoir celui-ci dans un souffle.

— Bien. D'ailleurs, je l'ai pris sous mon aile. Elle est devenue mon élève.

— Comment ? demanda le Roi des Elfes en fronçant les sourcils.

— Oui, Père. Elle est prête. Vous-même, elle vous impressionnerait avec ses prouesses surnaturelles. Elle sait marcher sur une liane avec un merveilleux équilibre. Tirer à l'arc prodigieusement et manier un poignard comme les elfes noirs. De plus ses acrobaties, dangereuses sans aucun doute, sont étourdissantes, expliqua-t-il en baissant le ton et grimaçant à ces derniers mots. Je la regarde s'entraîner depuis plusieurs mois. Sa vitesse s'améliore et ses sens aussi, mais... Elle manque encore de force ce qui la diminue dans certains exercices. Je vous le promets, Père, que sa formation n'entravera pas mes devoirs et obligations envers la garde impériale de votre royaume.

— Mon fils. J'ai toujours eu confiance en toi, surtout dans tes décisions d'entraînement pour les jeunes. Si, selon toi, elle peut devenir une guerrière et se rajouter dans l'armée, je te crois. Mais penses-tu, tout de même, qu'elle appréhendera nos objectifs de combat dans ce monde ? Qu'elle ne fuira pas, la queue entre les pattes, tel un renard qui n'a pas réussi à voler une volaille ? Pourra-t-elle comprendre notre amitié envers certains royaumes et notre mésentente pour les autres ? Car, je connais sa sensibilité pour les Nains. Elle estime que nous aurions dû les aider alors que le dragon les foudroyait de son feu éternel afin d'exterminer le peuple des Nains.

— Elle ne sait pas encore que ce sont les Elfes Verts qui ont assisté à leur mort.

— Oui, et nous devons éviter qu'elle ne l'apprenne.

Aldaron regarda le Roi, vêtu d'une tunique argentée comme la lune. Les rayons de lumière qui traversaient le feuillage embrasaient de mille éclats sa toilette et se répercutaient sur les arbres.

— Cela m'embarrasse beaucoup, Père. On lui cache tellement de choses et personne ne doit savoir qu'elle existe. En venant ici, elle a découvert ce que c'était la vie, sans martyres. Elle a trouvé une famille en qui elle fait confiance. Si elle l'apprend par quelqu'un, ou pire, par un nain, toute certitude en notre monde se brisera. Elle pourrait s'enfuir et mourir telle une bête transpercée par le dard d'une araignée et griffer le sol tant le mal se mêlerait à son sang.

Le regard d'Aldaron se perdit sur le trône fait de branches entrelacées, où des bourgeons y poussaient.

— Je comprends tes peurs, Aldaron. Elle a vécu beaucoup d'événements horribles. Mais j'essaye de la protéger. Elle ne souffrira plus ainsi. C'est fini. Et, ce n'est pas la bête qui tuera l'enfant. C'est lui qui tranchera le fil des jours au monstre. Elle n'est pas une femme craintive. La créature pourrait très bien lui lacérer le ventre, elle réussirait à lui planter un pieu dans le cœur.

L'elfe aux cheveux noirs regarda son père, évoluer entre l'escalier et son trône et recommencer le même chemin incessamment.

— Quelque chose nuit à votre esprit et le tourmente au plus haut point. Qu'est-ce qui vous importune ?

— Aucun présent. Un passé forgé dans la torture et le malheur. Un avenir contrôlé.

Une larme perla au coin de l'œil du Roi. Il l'essuya immédiatement d'un revers de la main.

— C'est un être qui vit et qui pense. Notre destinée ne nous appartient-elle pas ? Qui est cette personne ayant le droit de détourner nos faits et gestes pour je ne sais quelle raison ? Tu le sais mieux que quiconque, mon fils, à quel point je n'apprécie pas les prophéties ! Je n'ai jamais cru en ces mots qui cachent un secret dans chacune des lettres qui les composent. Mais aujourd'hui... Oui, à présent, j'admets que ces contingences qui, normalement, dépassent l'imagination existent. Cette prédiction s'avère, tout simplement. Mais, je n'arrive pas à m'y résoudre. Une seule possibilité s'ouvre à sa destinée et aucun pas en arrière n'est prévu. Tout est écrit, mis sur une toile et exposé. Ce n'est même pas une esquisse laborieuse où les fils pendent en attendant qu'on leur indique leur place. Le paysage et l'action sont cousus, définitivement. Nous devons croiser les bras en regardant le temps passer comme prédit.

— Père, à quoi sert ce discours ?

— La destinée de réparer le monde en y trouvant qu'à la fin, la mort. Le Conseil d'Undĕwial fait tout pour que la prophétie se déroule à bon escient. Et ses pensées sont déjà tournées là où le plan doit se terminer.

Le Roi éclata d'un rire sonore. Son fils recula d'un pas. Il arborait un visage surpris, désarçonné, mais surtout de la crainte. Un garde s'approcha de ce spectacle qui commençait à être effrayant.

— Mon seigneur..., bafouilla le vigile.

— Oui, répondit Aldaron.

Le garde fixait uniquement ses pieds et n'osait relever la tête pour voir ses deux interlocuteurs.

— Hé bien, parle ou alors un karal t'aurait coupé la langue ? demanda Aldaron sur le ton de l'impatience.

— Votre fille, mon Roi. Votre sœur, mon Prince. Elle a disparu.

Le Seigneur arqua légèrement un sourcil. Son regard se dirigea vers la lune à l'éclat roussi. Les ombres, d'un rouge sang, ressortaient de l'astre comme des tâches de peinture abandonnées sur une toile. Cette brillance écarlate réveillait le souvenir d'un être qu'il chérissait en Entre-Monde.

— Voyons Rudilis, auriez-vous échoué dans votre mission ? J'ai bien peur pour vous qu'elle entreprenne sa propre route. Ange la Rebelle.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Where stories live. Discover now