Chapitre 3 Les Aïdems (2ème partie)

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— Mais ai-je vraiment le choix ? déclara-t-il dans un soupir qui le fit tousser.

Une profonde lassitude émanait de son corps comme s'il se battait contre quelque chose où toutes les solutions du monde avaient déjà disparu de cette bataille.

— Si tu l'aimes autant que tu l'affirmes, alors ose. Tu n'obtiendras rien en restant immobilisé ainsi à attendre que quelque chose se déclenche. La chance appartient à ceux qui ont lutté pour acquérir ce qu'ils désiraient. Toi, tu as tout simplement cessé le combat. Par contre, si tu tends à te servir de cette excuse pour renverser les dirigeants d'Undĕwial, conséquemment c'est vrai que tu ne vaux pas mieux que ces charognards.

— Tu ne sais rien des affaires qui sont étudiées au Conseil. Toi aussi tu parles, mais tu n'agis pas.

— Alors, éclaire-moi sur tes désirs, répondit Ness en ouvrant les bras, sur un ton d'une patience à toute épreuve.

Githrandiar se leva doucement de la chaise au dossard ouvragé en trois feuilles disposées en éventail, tout en toisant l'aïdem assis tranquillement.

— Tu énonces des faits, tu introduis ta bonne parole dans mon esprit, mais tu ne m'aides pas ! vociféra Githrandiar.

         Il souleva son sceptre et l'abattis sur le sol. Un coup de tonnerre fit trembler les vitres. Des vagues déferlèrent dans la maison, et des éclairs violets, bleus et blancs descendaient de la charpente et aspergeaient les meubles d'étincelles lumineuses. Les oreilles de Ness se refermèrent et il dut se hisser en haut d'une armoire au risque d'être noyé.

           Quand la tempête fut terminée, l'eau passa sous les planches et se retira aussi rapidement qu'elle était arrivée.

— Je sais que tu es un magicien. Tu n'as pas besoin de monter sur tes grands chevaux pour me le prouver. Tu tapes trois fois de ton bâton magique et tout se nettoie sans que tu lèves le petit doigt, alors que moi, je dois me munir d'un balai et d'un chiffon pour rendre ma maison présentable.

— Je peux fonctionner comme toi sans utiliser une formule. Je reste un être vivant malgré mes compétences, gronda son ami.

— Quoi d'autre ? demanda Ness en tournant légèrement sa tête vers l'homme qui s'était rassis, vidé. Cette formule avait dû l'épuiser plus que de raison au vu de ses nombreuses rides qui creusaient son visage amaigri. Ses mains tremblaient sous l'effort. Ses cheveux grisonnants marqués sa soudaine prise de vieillesse tandis que ses yeux verts paraissaient voilés.

— Je n'ai pas le souvenir de t'avoir un jour vu aussi... Pitoyable, mon cher ami.

Ness s'approcha furtivement et commença à lui tapoter les épaules, avec une certaine maladresse.



           La nuit tombait quand l'homme quitta le réconfort de la chaise.

— Alors ? Qu'as-tu choisi ? demanda le petit qui lui parvenait à la taille.

— Non. Mais je dois cesser de m'attarder sur des éventualités qui ne se réaliseront sans doute pas, à part si je m'en donne les moyens.

— Et peux-tu me traduire ta décision énigmatique ?

— De sauver la personne que j'aime le plus au monde, s'écria le magicien dans le vestibule.

          Il descendit de la maison avec plus de sûreté qu'à l'arrivée. Ses mains empoignaient avec adresse l'échelle encastrée sur le tronc.

— Bien dit, cria Ness en levant le poing en l'air.

L'homme marchait vite et louvoyait avec aisance entre les aïdems. Il se retourna pour regarder Ness, un petit être au grand sourire en haut d'une cabane.

— Mon ami, de tous les aïdems d'ici, tu figures certainement dans les meilleurs d'entre tous !

Sur cette dernière phrase, il disparut au tournant et s'évanouit de la vue de Blimane.



          L'aïdem soupira d'aise et observa, en souriant, tout son petit monde qui se mouvait à ses pieds. Les odeurs chaudes se perdaient dans celles plus délicates et recherchées. Les sons s'unissaient dans les arbres où la nature reprenait ses droits.

           Ness leva la tête et admira les somptueux sapins qui partageaient la forêt avec d'imposants chênes. Les oiseaux flânaient de branche en branche, sans se soucier de qui se passait en dehors.

           Ses cheveux blonds et frisés encadraient son visage rond, mais plus fin que ceux de son peuple. Il était vêtu d'un pantalon mi-long, vert olive. Il portait un gilet marron avec, en dessous, une chemise à carreaux blanc et rouge-écarlate, comme sa cabane.

           L'aïdem finit par rentrer dans sa maison et ranger les récipients. Ses petites jambes corpulentes, mais musclées, devaient se mettre sur la pointe des pieds pour atteindre le haut des placards.

           Il regardait par la fenêtre, ses amis, ses connaissances, ses ennemis, s'activait dehors. Elle reflétait le soleil et il se voyait, lui. Deux grands yeux se contemplaient dans la vitre. Il serra la tasse dans ses mains encore plus fort jusqu'à ce que ses doigts blanchissent.

           Il se dirigea vers un vieux coffre en bois au cadenas grisâtre et rouillé. Il sortit de sa poche une clé argentée au panneton en forme de feuille de chêne. La malle s'ouvrit avec un grincement sinistre qui résonna dans la maison comme si aucune vie n'y vivait. De nombreux livres poussiéreux l'occupaient. Sa main resta pendant un long moment sur le couvercle, puis, d'un seul coup, se mit à chercher hâtivement à l'intérieur. Il en sortit un objet gracile qui ressemblait beaucoup à une épée.

           La poignée argentée descendait sur des serpents qui paraissaient ramper sur la garde. Au milieu, un grand œil rouge à la pupille rétractée comme celle des chats semblait nous sonder dans le plus profond de notre âme.

Entre-Monde - L'envolée des Ténèbres [En Correction]Where stories live. Discover now