16 - Celui qui pardonne

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Encore tout ensommeillé, Tristan entendit son téléphone, posé sur sa table de chevet, vibrer. Il gémit, se cacha sous ses couvertures. Jamais personne ne lui envoyait de message, et il n'en espérait pas d'Ornella. De ce fait, il ne s'en préoccupa pas plus que cela. Il l'oublia vite et sombra de nouveau dans un demi-sommeil.

Il dut dormir longtemps, car quand il rouvrit les yeux ses volets semblaient filtrer plus de lumière. Se rappelant de la vibration de son téléphone, il allongea le bras vers sa table de chevet et tâtonna pour trouver l'appareil. Enfin trouvé, il regarda sa notification.

«De : Maman

Coucou mon lapin, j'espère que tu as bien dormi

Juste pour te prévenir que ton père a obtenu une perm pour le week-end, il arrivera dans l'après-midi

A ce soir »

Le jeune homme mit quelques minutes à assimiler le contenu du message. Son père en permission tout le week-end. Sa mère à la maison. Quand il réalisa ce que ces mots signifiaient, un grand sourire se dessina sur son visage.

Il se leva d'un bond et, après avoir rapidement pris son petit-déjeuner et s'être lavé, entreprit de faire un peu de ménage. Malgré son vague à l'âme et sa solitude, il essayait de garder une certaine discipline ; il n'avait pas envie que ses parents se soucient davantage de lui, en plus de leurs problèmes respectifs.

En nettoyant, il s'aperçut aussi qu'il n'y avait pratiquement plus de nourriture dans le frigo ou dans le garde-manger. Il fit une rapide liste de course et partit au supermarché. Il y acheta notamment les ingrédients pour une salade de concombre au fromage blanc et une salade de chèvre chaud, ainsi qu'une panna cotta à la pistache : c'étaient les plats préférés de ses deux parents. Il les préparerait avec eux, juste avant le dîner.

Les derniers ingrédients furent rangés. Tristan se retrouva subitement enveloppé de silence. Il en eut un vertige.

Il avait fini les tâches ménagères et, n'ayant pas d'occupation, il ne savait pas quoi faire. Rien à faire, sauf attendre. Et attendre combien de temps ? Sa mère ne lui avait donné qu'une grosse fourchette d'heures – dans l'après-midi, cela pouvait signifier dès treize heures, ou bien plus tard, vers dix-sept heures.

Des souvenirs d'enfance lui revenaient. Un sourire mélancolique passa sur ses lèvres.

Il y avait une petite fenêtre, à côté de la porte d'entrée, qui donnait sur le devant de la maison et, depuis les escaliers, offrait une vue presque panoramique sur la rue. Tristan s'assit en face de cette fenêtre, et attendit. Combien de fois avait-il fait ainsi, attendant que ses parents reviennent du travail, assis sur ces marches ? Sa grande sœur, censée s'occuper de lui après les cours, lui reprochait de « passer la serpillière ». Le jeune homme s'en souvenait. Elle le lui criait enfermée depuis sa chambre, entre deux musiques de Linkin Park écoutées au volume maximum, ne se préoccupant pas outre mesure de lui.

Les années avaient beau passer, la vie l'emporter dans un tourbillon d'évènements, rien n'avait changé, finalement. Il restait ce petit garçon qui attendait ses parents chaque soir, gravissant seulement quelques marches de l'escalier, guettant la rue dès le midi. Seul.


Tristan ne savait pas depuis combien de temps il attendait quand il vit enfin un taxi s'arrêter devant la maison. Il redressa la tête, qu'il avait posée sur ses mains. Guetta l'éventuel passager qui en sortirait. La portière s'ouvrit.

(CC2018) Chaque année le printemps revient [TERMINÉE]Where stories live. Discover now