10 - Poussière de marbre

162 28 15
                                    

    Novembre arriva, et avec lui la Toussaint et la fête des morts. À cette occasion, Tristan se rendit au cimetière, sur la tombe de son grand-père. Il n'avait pas été spécialement proche de lui, mais il se faisait un devoir d'honorer chaque année cette visite posthume. Elle le rassurait, d'une certaine façon : elle lui permettait d'avoir un point de repère, à la fois physique et temporel. Cela lui permettait aussi d'entretenir la tombe.

    Emmitouflé dans son manteau noir, Tristan entrouvrit la grille d'entrée du cimetière, juste suffisamment pour passer, puis la referma derrière lui. À mesure qu'il s'avançait dans l'allée principale, il entendait la girouette de la maison du fossoyeur grincer à cause des courants d'air. L'enterreur s'appelait Alexandre Funéraire : son nom avait marqué Tristan quand il l'avait entendu aux obsèques, en le trouvant plutôt cocasse au vu du métier qu'il exerçait.

    Le jeune homme ne put retenir un frisson qui lui parcourut l'échine : l'atmosphère de cette dernière demeure des morts le mettait toujours mal à l'aise, sans qu'il ne sache véritablement pourquoi.

    Enfin, il arriva devant la tombe. Elle avait été construite en marbre gris, et l'on pouvait lire sur la stèle le nom de son grand-père, inscrit avec des lettres dorées, mais aussi ceux de ses propres parents. Tristan remarqua les bouquets fanés et des plaques funéraires sales sur la tombale. Il alla jeter les gerbes à la poubelle, située à l'entrée du cimetière, et revient avec un seau d'eau pour les plaques. Une fois le nettoyage effectué, il put se recueillir.

    Certains venaient se recueillir et raconter les derniers évènements de leur vie, ou demander conseils aux défunts, comme si ces derniers les entendaient et pouvaient leur répondre. Mais leur comportement n'était pas universel, et Tristan ne faisait pas partie de ces gens. À vrai dire, il ne savait pas ce qu'il recherchait en allant sur la tombe de son grand-père.


    De contempler ma vie faite de futilités,


    Peut-être y allait-il simplement pour avoir l'occasion de méditer ailleurs que dans sa maison abandonnée ; ou pour se rappeler que le jeu de la vie ne consistait qu'à finir en poussière.

(CC2018) Chaque année le printemps revient [TERMINÉE]Where stories live. Discover now