4 - Je n'oublie rien !

275 39 30
                                    

    Après ce tendre mais éphémère interlude, Tristan l'avait cherchée. Il était retourné dans le quartier, sur cette ligne, à la station ; il avait attendu et espéré. En vain. Il n'avait ni revu ce regard et ce sourire, ni respiré à nouveau son parfum.

    De toute façon, il n'aimait pas vraiment forcer le hasard, il préférait laisser les choses se faire et se défaire naturellement. Quitte à rater sa chance. Et s'il avait eu l'opportunité de la recroiser, qu'aurait-il bien pu lui dire ? Rien, tout simplement : ils ne se connaissaient pas, ils restaient des étrangers l'un pour l'autre. Il donnerait même l'air de la harceler, à la chercher autant dans toute la ville.

    Le jeune homme y réfléchissait encore, assis sur un banc, à l'abri du soleil grâce à l'ombrage des platanes. Août arrivait à grands pas et, bien que les températures aient quelque peu baissé, le soleil continuait de briller intensément. Une brise venait rafraîchir légèrement l'air.

    Ses pérégrinations absurdes devaient cesser, il poursuivait une chimère. Néanmoins... néanmoins. Cette recherche l'avait fait se lever le matin, avec un certain enthousiasme ; il n'était pas resté chez lui à contempler le silence, il n'avait pas erré dans la ville à fuir ses problèmes. Pendant cette courte quête, il avait cessé de ressasser ses pensées. Et maintenant ? Maintenant il n'était pas encore résolu à retourner à l'état végétatif dans lequel il était avant.

    Il soupira. Il ne savait pas, ou ne savait plus, que faire. Juste... épuisé. La brise ne soufflait plus et la chaleur s'installait. Une certaine torpeur s'était emparée du jeune homme tandis qu'il menait ses précédentes réflexions ; à présent, il allait s'allonger sur le banc et fermer les yeux, pour les reposer un peu...

    « Ça va ? »

    Tristan croyait qu'une nouvelle voix apparaissait dans son songe, jusqu'à que son nez soit chatouillé par un parfum familier. Il se força à ouvrir les yeux.

    Un hoquet de surprise sortit de sa bouche.

    Il crut qu'il continuait de rêver.

    Il se redressa, tout hébété.

    « Désolée, reprit la voix, quand je t'ai vu allongé comme ça, et avec cette température j'ai eu peur... Ça va, hein ? »

    Tristan hocha la tête – aucun son ne voulait franchir ses lèvres. Son interlocutrice s'assit à côté de lui. Il osait à peine la regarder, de peur qu'il eut confondu, toutefois il risqua un coup d'œil.

    Oui, c'était bien elle. Elle. La jeune fille du métro. Elle. La fille au parfum. Elle. Elle.

    « J'ai l'impression que je t'ai déjà vu... Ah, mais j'y pense : tiens ! »


    Grâce à sa douceur précieuse et honnête


    Elle lui tendait une bouteille de limonade. Un peu gêné, Tristan accepta la boisson et en but quelques gorgées. Il s'aperçut qu'il était déshydraté.

    « Ça y est ! Je me souviens ! Dans le métro, il y a quinze jours. Tu avais percuté quelqu'un, non ? »

    L'étonnement du jeune homme dût se remarquer car elle reprit, pour s'expliquer :

    « Je n'oublie rien, ou presque. Et... tu avais l'air de me chercher, quand on s'est regardé. Ça m'avait marqué, je ne sais pas pourquoi. »

    La jeune fille continuait de bavarder, comme si de rien n'était, comme s'ils se connaissaient, avec insouciance – inconsciemment –, et Tristan la regardait, envouté et dérouté.

    Elle finit par regarder sa montre. Elle fit la moue.

    « Oh, désolée, je n'ai pas vu l'heure, il faut que j'y aille. On va s'inquiéter sinon... Si tu veux, on pourrait se revoir au festival des étoiles. J'y vais avec mes deux grandes sœurs. On sera sûrement du côté de stand Aux délices de Jacques : c'est notre oncle qui le tient. »

    Sur ce, elle se leva et commençait à partir.

    « Au fait, je m'appelle Ornella ! » dit-elle avec le grand sourire qu'il avait vu ce jour-là, dans le métro.

    Et elle s'envola, aussi brusquement qu'elle était apparue devant Tristan.

(CC2018) Chaque année le printemps revient [TERMINÉE]Where stories live. Discover now