Texte n°4

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Je chute. Je tombe bas, bien bas. J'ai l'impression de voler, alors que ce n'est pas le cas. Et dans une fraction de seconde...

Le pire, c'est que c'est moi qui l'ai choisi.

Mais ce qui me fait le plus mal, c'est le fait que je ne le regrette pas.

Vous voyez, moi j'étais le genre de type banale, qui n'avait rien de plus que les autres, et sûrement rien de moins... J'aurais dû être content, pourtant. Mais mon pire défaut était de ne pas me satisfaire de ce que je possède. J'avais toujours voulu plus... Et la distance qui me restait à parcourir pour atteindre le bonheur relevait de l'impossible. Je n'étais qu'un homme lâche...

Il y a une semaine encore, tout était normal. Faut dire que mon existence était si banale que je ne prêtais même plus attention au monde qui m'entourait. Vous savez, l'habituelle chemise rose, les coups de fils aux fonctionnaires que ça emmerdait autant que moi de devoir gaspiller du temps, les soirs à passer seul à lire car j'avais rien d'autre à foutre...

Et ma vie commençait à me tapper sur les nerfs. Surtout le jour où mon patron est venu me voir...

Vous imaginez bien la scène, le grand patron de Omny Realty, qui arrivait une lettre en main pour virer l'employer à la chemise rose. Il aurait pu me l'envoyer par mail, à SargentLavoie@armyspy.com, mais cet imbécile avait préféré venir en personne...

J'avais rien à dire, les mots m'avaient quitté. J'étais renvoyé. Oui, c'est ça, renvoyé ! Je n'étais plus technicien de surface ! Et pourtant, je ne pouvais pas me plaindre, c'était moi qui foutait la merde à chaque fois. Oui, car comment pouvaient mes absences répétitives, ainsi que mes retards, passer inaperçus ?

J'ai ressenti un vide étrange à ce moment. J'ai pas attendu qu'il me donne ma paye, j'ai juste filé, sous ses sourcils froncés. Je crois qu'il me prenait pour un taré ce gars...

Je suis rentré chez moi, mais quelque chose n'allait pas. Non que quelque chose ait changé de place ou quoi que ce soit d'autre, lors de mon absence, mais que ces murs blancs et uniformes me donnaient une sensation amère de la vie, beaucoup plus terne et morne que ce qu'est en réalité le soleil et l'extérieur. Moi, je voulais du rose, repeindre la couleur de ma vie en celle de l'amour et des folies de jeunesse. Voici la raison pour laquelle c'est la couleur qui me charme le plus...

Donc je suis sorti dehors, pour fuir cet absurde sentiment, et j'ai commencer à marcher.

Il faisait nuit. J'aimais encore moins le noir. C'est pourquoi je me suis mis à courir, loin. Pour fuir Annecy, pour fuir l'obscurité.

Moi, Clément Lavoie, né le 01/09/1975 dans l'hôpital du coin, du signe astrologique de la Vierge, je m'en allais de la ville où j'avais toujours vécu. Et une fois de plus, je me trouvais con.

J'ai marché jusqu'au jour, épuisé. J'étais si fatigué que tout me semblait insurmontable. Pourtant, je n'osais pas m'arrêter. Je voulais avancer, avancer loin, m'en aller, quitter la vie passé...

C'était peut-être bête. Tout ça à cause de mon patron qui m'avait renvoyé. Mais ce que vous ne comprenez pas, c'est qu'il y a plus que ça... Vous savez, à quarente-deux ans, célib', sans famille et sans attaches particulières. On ne pouvait plus refaire une vie à mon âge. Trop tard...

J'imaginais bien, mon site internet MagicInformation.fr laissé à l'abandon, avec mon compte Dowerent inactif, et mes quelques jours d'absence sans aucun appel sur mon téléphone, car tout le monde s'en foutait de moi.

Le jour ne s'était toujours pas levé, et je m'étais bien éloigné de mon entreprise. Il pleuvait, et des flacs se formaient sous mes pas fatigués. J'ai jeté un regard à mon reflet dans l'eau.

Les rides me baraient le visage, ainsi que de grosses cernes qui noyaient mes yeux verts pâles. Et ma coupe d'enfant sage, avec mes cheveux noirs laqués, commençait à me tapper sur les nerfs. Puis je me trouvais gros, 94 kilos pour 1m87...

Peu m'importait, de toutes façons, aucune fille ne me demandera jamais mon numéro de téléphone, surtout à mon âge ! (Remarque, si ça vous intéresse, c'est : 04.98.68.79.75)

Je me suis assis au sol, la pluie trempant ma chemise, et j'ai attendu que le temps passe.

Je n'avais rien sur moi, ou en tous cas rien d'autre que mes habits et la fatigue qui noyait mon monde.

Et je trouvais vraiment que je ressemblais à un pauvre type, gars fou qui avait tout quitté pour la simple raison qu'il s'était fait viré.

Puis moi, je n'en pouvais plus. Je n'en pouvais plus de la solitude, je n'en pouvais plus de mon précédent boulot, je n'en pouvais plus d'être célib', je n'en pouvais plus de ne jamais être satisfait de ce que j'avais...

Vous comprenez, maintenant ? Je n'ai jamais été malheureux, ou quoique ce soit d'autre... C'est juste ce vide qui m'a tué. Je n'ai jamais eu à me plaindre, car bien que je n'étais pas riche, j'avais de quoi vivre. Mais à mon âge, on ne pouvait plus rien recommencer...

Voici pourquoi il y a quelques heures déjà j'ai grimpé sur le toît. Voici la raison pour laquelle j'ai étendu le regard jusqu'aux étoiles et que j'ai souhaité les rejoindre...

 Je ne reverrai plus jamais du rose, le soleil, ainsi que les oiseaux du ciel. Mais peu m'importe. Alors, j'ai regardé en dessous de moi la vie urbaine s'étendre à mes pieds. Je me suis dit qu'elle se débrouillerait très bien sans moi...

Et enfin, j'ai sauté.

Je chute. Je tombe bas, bien bas. J'ai l'impression de voler, alors que cela n'est pas le cas. Et dans une fraction de seconde, je ne serais plus en vie.

Le pire, c'est que c'est moi qui l'ai choisi.

Mais ce qui me fait le plus mal, c'est le fait que moi, Clément Lavoie, je ne le regrette pas. 

Concours Wattpad || ACTIF ET RIGOLO [FERME]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant