⭐42. Bon appétit !

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C'était la troisième fois cette semaine que je trouvais ma tendre épouse en sous-vêtements. J'avais envie de lui demander à quoi elle jouait, mais comme on ne s'adressait plus la parole ; j'avais ravalé ma curiosité et feignis l'indifférence.
Je n'aimais pas vraiment cette situation, mais je m'étais juré que si on devait se reparler, ce ne serait pas à moi de faire le premier pas. Après tout, je lui avais fait livrer des fleurs et les avais trouvées dans la poubelle. Je faisais genre que ça ne m'atteignait pas, mais j'avais vraiment été vexé. Personne ne m'aurait fait un coup pareil.
J'avais oublié l'anniversaire de Daphney, pourtant elle ne m'avait pas retourné l'énorme bouquet que je lui avais envoyé. Au contraire, celui-ci était désormais sur son Instagram avec en légende, une citation de Beau Taplin qui n'avait aucun rapport.
Mais bon, quand quelqu'un appelait son chien K-pop, le mieux était de renoncer à comprendre ses décisions. En tout cas, j'avais beaucoup apprécié le fait qu'elle n'ait pas jeté les fleurs. Et encouragé par sa réaction, j'avais chargé Lara de réserver l'hôtel et d'acheter les tickets à mes frais, pour son voyage à Mykonos. Je savais qu'elle finirait bien par me pardonner ; ce n'était pas pour rien qu'elle était ma plus vieille amie. Par contre, avec Sara, c'était une tout autre histoire...
Avant, ce n'était pas que je n'avais jamais pris de râteau, mais d'habitude, je passais rapidement à autre chose. Parce que quand une fille me fermait ses jambes, j'avais toujours vingt autres ouvertes à m'attendre.
Mais là, je ne pouvais pas juste tourner la page ; et je voulais plus qu'une partie de jambes en l'air. Avec elle, tout était totalement différent, et ça me tuait qu'elle agisse de la sorte. C'était vraiment dur pour moi ; mon ego avait beaucoup de mal à digérer tout ça. Je l'évitais donc le plus que possible. Par contre, je me tenais prêt à répliquer au cas où l'envie lui reprenait de me rejouer un sale tour.
Deux jours s'étaient écoulés depuis qu'aucun incident ne s'était produit, mais je restais quand même vigilant. Les gars m'avaient curieusement dévisagé au studio quand la fermeture éclair de mon sac avait craqué, et que ma brosse à dents, tous mes produits de toilette, et même ma tondeuse, s'étaient étalés par terre. Je m'étais composé un visage froid pour éviter de subir un interrogatoire, mais je voyais à leur tête qu'ils me trouvaient grave chelou.
Comment leur expliquer que j'avais peur de Sara ? Que je traînais tout ça, car je ne voulais pas qu'elle y touche ? On nous aurait certainement pris pour des gamins. Ce qu'on était peut-être, après tout. Qui à notre âge se tendait encore des pièges et se jouait des farces comme on le faisait ? En tout cas, elle devrait trouver autre chose pour se venger, mon shampoing était désormais en sécurité.
Bizarrement, même si on ne se parlait pas ; elle ne quittait jamais mon esprit. C'était comme si notre petit conflit nous avait en quelque sorte rapprochés. Rien que de repenser à la rougeur de ses joues au local de GQ magazine me donnait le sourire. Cependant, ma décision était prise : je n'irais pas lui parler.
À mon arrivée, je l'avais aperçue ce soir-là, en petite tenue près de la salle de jeu, et m'étais empressé de décamper. Après une journée fatigante, rentrer et trouver une nana presqu'à poil, c'était quand même le rêve de tous les mecs. Sauf que dans mon cas, j'en voulais terriblement à cette nana presqu'à poil en question ; ce qui rendait la situation un peu plus délicate.
— Tu vas manger maintenant ? me surprit-elle, appuyée contre le cadran de ma porte.
J'étais sur le point d'aller à la salle de sport. Je ne m'attendais pas du tout à la voir devant ma chambre ; et encore moins qu'elle m'adresse la parole. Elle se tenait juste en face de moi, et presque inévitablement, mes yeux s'attardèrent — un peu trop — sur sa poitrine. Pour ma défense, elle était en sous-vêtements ; en sous-vêtements putain ; m'offrant une vue imprenable sur ses seins et ses divines jambes nues. Vous m'excuserez de ne pas avoir été aveugle.
Je m'empressai de détourner les yeux de son buste lorsqu'elle y surprit mon regard cupide. Pourtant, à mon grand étonnement, elle ne parut pas s'en formaliser ; ce qui me laissa plus que perplexe. N'était-ce pas la fille qui aurait été prête à tout pour m'empêcher de voir son cul, il n'y avait même pas une semaine de cela ? Qu'est-ce qui avait donc changé ?
— Non, je... je ne vais pas manger, finis-je par répondre en m'éclaircissant la gorge pour masquer mon trouble.
— Nan n'était pas venue, c'est moi qui ai cuisiné aujourd'hui, m'informa ma cohabitante d'une voix monocorde.
— Elle a un problème ? m'intriguai-je.
— Non, rien de grave. Elle avait appelé pour prévenir qu'elle était grippée, et je t'ai préparé à manger à sa place.
Nan était ma gouvernante depuis le jour où je m'étais installé dans cette maison. Pas une fois, la quinquagénaire aux joues rondes avait manqué un jour, en un an. Cette soudaine absence m'avait donc en quelque sorte inquiété. Elle était quand même la seule employée à venir travailler tous les jours ; le jardinier et les femmes de ménage ne passant que deux fois par semaine.
Mais comme Sara avait assuré qu'elle n'avait rien de grave, je décidai de la croire, sans pour autant parvenir à être ravi de la nouvelle. L'idée de ma chère épouse aux fourneaux n'était franchement pas rassurante.
— Tu n'as pas empoisonné la nourriture au moins ? me méfiai-je.
— Tu me prends pour une gamine ? s'offensa-t-elle.
Mais tu es une gamine ! pensai-je. Cependant, je répondis :
— Je n'ai pas faim. Je vais plutôt faire un peu d'exercice.
— Ah bon ! s'étonna-t-elle avec franchise. Tu as l'air épuisé pourtant.
— C'est le prix à payer pour être sexy comme un diable, plaisantai-je avec un clin d'œil.
— OK ! Je voulais juste te prévenir. À plus !
Elle était sur le point de tourner les talons, lorsque je pris mon courage à deux mains et osai enfin :
— Qu'est-il arrivé à tes vêtements ?
Elle posa les yeux sur son corps, comme si elle venait à peine de remarquer qu'elle n'en portait pas avant de s'écrier :
— Ah mes vêtements ! Eh bien, j'ai réfléchi, annonça-t-elle avec un sérieux rare. J'ai constaté que les sous-vêtements étaient sous-exploités. Le rapport utilisation et prix était trop inéquitable. Pourquoi dépenser plus de deux-cents dollars dans un seul ensemble juste pour le cacher ? C'est absurde !
— Mais ce sont des SOUS-vêtements, soulignai-je, perdu.
— Qui coûtent très chers, argumenta-t-elle.
D'habitude, je ne palabrais pas à propos de sous-vêtements ; les enlever me suffisait largement. Mais bon, c'était Sara. Même moi, je ne savais pas tout ce qu'elle était capable de me faire faire.
— Je ne pense pas qu'ils sont faits uniquement pour être cachés, me surpris-je à arguer. Comme tu l'as dit, ce serait absurde. Il faut aussi penser à l'aspect confort. On les a créés pour que les gens se sentent bien dedans. Et aussi d'après moi, le but des sous-vêtements, surtout ceux qui sont sexy, c'est de faire plaisir à quelqu'un d'autre que soi-même.
— Et nous ? protesta-t-elle comme si on débattait d'un sujet politique grave. Et nous, ces femmes qui n'ont personne à qui faire plaisir avec les nôtres ? On n'a pas pensé à nous ? On devrait nous les faire payer moins cher, tu penses pas ? La seule chose qu'on fait avec ces sous-vêtements sexy, c'est les cacher.
— Donc tu soutiens que ces femmes qui ne font profiter personne de leurs sous-vêtements hors de prix devraient les porter comme vêtements ? résumai-je.
— Absolument ! confirma-t-elle. Comme ça, le prix égalerait l'utilisation.
— D'aaacccord ! prononçai-je avec circonspection en me retenant d'éclater de rire.
Non, mais sérieusement, c'était quoi cette cause ? Il y avait la déforestation, la famine. Elle, elle choisissait les sous-vêtements. Je ne savais vraiment pas quoi penser.
— Et t'as l'intention de sortir comme ça ? m'enquis-je, en me croisant les bras sur le torse.
— Je réfléchis encore dessus, lâcha-t-elle sans avoir l'air de plaisanter. En tout cas, je sais que je soutiendrai à cent pour cent quiconque déciderait de le faire.
— Tu imagines si tout le monde choisissait de penser comme toi ?
Elle haussa les épaules l'air de dire « et alors » puis elle décampa aussi promptement qu'elle était venue. Génial ! J'aimais une cinglée ! Ce n'était franchement pas très rassurant.
Cette révolution sous-vestimentaire n'était pas du tout en ma faveur. J'en avais vraiment marre de me retrouver avec une érection dès qu'elle était dans les parages. Avec un soupir, j'attrapai mon lubrifiant et pris la direction des chiottes avant de verrouiller celles-ci. Une petite branlette s'imposait avant ma séance de muscu.
Contrairement à mes habitudes, je ne passai qu'une heure à la salle, car en effet, j'étais crevé. Lorsque je terminai enfin, je mourrais de faim. Je fus tenté de commander une pizza, avant de me rappeler qu'à midi, j'en avais déjà mangé au studio.
Même si je n'étais pas vraiment intéressé, je décidai de jeter un œil à ce que Sara avait cuisiné. C'était une quiche au saumon, accompagnée de salade verte qui avait l'air très appétissante. Mais bon, je m'étais résolu à ne pas y goûter, je fis donc demi-tour avec l'intention de commander chez mon restau préféré.
Cependant, je suspendis mes doigts sur les touches et revins sur mes pas. Je savais que Sara était pas mal en cuisine. La nourriture m'appelait. Et pourquoi pas, en fin de compte ? Elle n'oserait jamais mettre du vrai poison quand même ! Elle n'était pas folle à ce point. De plus, deux jours s'étaient écoulés sans qu'elle ne tente quoi que ce soit. Peut-être qu'elle avait compris qu'il ne fallait pas me nuire et avait renoncé.
Mon appétit me perdra, pensai-je en m'asseyant finalement pour manger.
Je pris une grande inspiration et piquai dans mon assiette en adressant une prière silencieuse aux cieux... J'avais le cœur battant à plein régime lorsque j'avalai enfin la première bouchée. Malgré toutes mes conjectures, il ne fallait quand même pas oublier que Sara était folle.
Pourtant, à mesure que je mangeais, mes muscles se relâchèrent un à un. C'était tout bonnement délicieux ! Au bout de quelques fourchetées, je finis par me détendre complètement, et terminai mon assiette en moins de deux.
J'étais désormais dans ma chambre, il s'était déjà écoulé plus d'une heure depuis mon repas lorsqu'une bouffée de chaleur me monta au visage. Cette sensation ne m'était pas étrangère ; seulement, ça faisait un moment que je ne l'avais pas ressenti. Je continuai à pianoter sur mon ordi, en me convainquant que ce n'était rien pendant quelques minutes.
Pourtant, à un moment donné, il a fallu que j'admette que quelque chose clochait. Je me levai du lit et courus jusqu'aux toilettes afin de me laver le visage. Et là, mon reflet dans le miroir LED me figea d'horreur.
Pitié, non !

Rock Hard, Love HarderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant