⭐19. Bruisers

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Je fulminais encore, en ouvrant et refermant alternativement mes poings, quand l'ascenseur s'ouvrit sur l'étage du restaurant du Ritz où m'attendait Sara.
J'y pénétrai d'un pas vif et la repérai rapidement, assise à une table du fond. Elle replaçait une mèche de cheveux derrière son oreille, et ça fit légèrement bouger ses bracelets. Elle se remit ensuite à pianoter sur son téléphone, sans faire attention à l'assiette devant elle.
Je la trouvais magnifique dans la lumière tamisée de la salle : vêtue d'un caraco satiné à imprimés fleuris qui lui tombait lâchement sur une épaule. Elle l'avait savamment inséré à l'intérieur d'un slim taille haute qu'elle avait accompagné de bottines.

J'entrepris de la rejoindre en traversant le restaurant luxueux au décor intimiste, et je jetai distraitement un regard aux lustres-ampoules qui conféraient un côté cosy et original au lieu. J'aurais presque pu m'en extasier si je n'étais pas en colère à ce point.
Sara avait tenu à m'accompagner jusqu'à l'hôtel où résidait mon père pour ses derniers jours, afin de s'assurer que je ne ferais pas demi-tour en chemin. Je devais avouer que ça m'avait effectivement effleuré l'esprit.
Elle finit elle aussi par me repérer, et je voyais à son expression qu'elle était impatiente de me demander comment cela s'était déroulé.
Elle n'allait pas tarder à être au courant et à être déçue, car mon petit entretien avec mon géniteur s'était plutôt mal terminé... très très mal même...
Grant, mon garde du corps, était posté dans un coin, à l'affût de la moindre menace et ne me quittait pratiquement pas du regard.
Je marchais, le visage fermé, en direction de la table de Sara, entièrement vêtu du genre de vêtement que mon père désignait à l'époque, comme mon accoutrement de voyou.
La petite grimace désapprobatrice de mon géniteur en me détaillant de la tête au pied fut la seule chose positive de cette soirée.
Après tout, j'avais maquillé mes yeux et enfilé exprès ce slim déchiré comme pas possible, avec ce long tee-shirt noir « Ton opinion est la marque de mon PQ », par-dessous mon perfecto, juste pour le faire tiquer.
J'étais presque parvenu jusqu'à la table, sous les regards d'une dizaine de femmes qui quoiqu'accompagnées me lançaient des œillades sur mon passage. Puis brusquement, une brune que je n'avais pas remarquée jusque-là bondit sur Sara.
J'allais me précipiter pour intervenir, mais apparemment, je ne fus pas le seul à avoir remarqué l'action. Tout le monde se leva, et les encercla, me bloquant par la même occasion le passage.
C'était quoi ce bordel ? On était dans le restaurant de l'un des plus grands hôtels de la ville, et les gens se comportaient comme dans une cantine de lycée public.
Il fallait croire que peu importait l'âge ou le niveau de vie, personne ne résistait à une bonne bagarre.
Grant était rapidement intervenu et essayait tant bien que mal de me dégager un passage, mais c'était très difficile.
Lorsque finalement, je réussis à traverser la barrière humaine, je trouvai Sara et son assaillante par terre, en train de se rouer mutuellement de coups, et alternant la pose à califourchon sur l'autre.
Sara était échevelée et avait une petite coupure à la lèvre inférieure, mais ce n'était rien comparé aux multiples griffures et ecchymoses sur le visage de l'autre. Je n'arrivais pas à croire que personne ne soit intervenu jusque-là ! Tous se contentaient de filmer en leur laissant de l'espace.
Je ne réfléchis que quelques secondes avant d'intervenir en m'emparant de Sara qui chevauchait de nouveau l'autre brune.
Je la tirai en arrière, mais elle continua de se débattre. Je n'eus donc pas d'autre choix que de la charger sur mon épaule.
Grant attrapa ses affaires et je bousculai des gens pour retourner dans l'ascenseur.
Quelques secondes après que l'appareil fut mis en marche, le sang encore chaud, elle s'exprima d'une voix hachée :
— OK, là, c'est bon ! Repose-moi !
— Je croyais que tu aimais avoir le cul en l'air ? la taquinai-je, en faisant référence à ce qu'elle m'avait dit la fois où je l'avais portée vers la piste de danse, le soir de notre mariage.
— Je ne plaisante pas, Rivera. Repose-moi par terre !
— Avant, dis-moi si ça va, voulus-je m'assurer.
— Oui, ça va, gronda-t-elle, de mauvaise grâce. Je n'en dirai pas autant de ta pute. Maintenant repose-moi ou je hurle !
J'obtempérai et demandai avec un sourire que je peinais à cacher :
— C'est bon ? Je peux me détendre ? Tu ne risques pas de m'exploser la tronche ?
Elle leva les yeux au ciel et se croisa les bras sous sa poitrine d'un air grognon. Ajoutée à sa lèvre fendue et ses cheveux dans tous les sens, la scène était franchement comique.
Je me mordis plusieurs fois l'intérieur des joues pour m'empêcher d'éclater de rire.
C'est quand il arrive en bas, ce fichu ascenseur ?
J'avais placé une main devant ma bouche pour qu'elle ne remarque pas les grimaces que je faisais afin de ne pas rigoler. Mais lorsque son regard vert croisa le mien, malgré mes efforts, je craquai.
Mon rire emplit la cage et je me pliai en deux sous les yeux de Sara qui lançaient des éclairs. Je ne pouvais tout simplement pas m'arrêter.
La porte de l'ascenseur s'ouvrit sur le parking et elle en sortit la première, en s'éloignant d'un pas rageur qui ne fit que redoubler mon hilarité.
Je finis par m'intimer de me calmer en prenant appui contre la paroi en inox.

Rock Hard, Love HarderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant