L'angoisse.

Je n'ai qu'une envie : creuser mon trou loin sous la surface de la terre et rester cachée en attendant que ce carnage soit oublié. Mais jusqu'à maintenant, cette option ne s'est jamais révélée efficace et il ne me reste plus qu'à assumer.

Je pose la main sur la porte de l'agence, ferme les yeux, prends une grande inspiration, et décide qu'à partir de maintenant, tout irait bien.

À l'intérieur, rien n'a changé. Pourquoi serait-ce le cas, cela dit ? Quand notre vie est un chaos, on s'attend toujours à ce que le monde qui nous entoure en soit un aussi, mais il continue de tourner tranquillement pendant qu'on sombre.

J'esquive le café du matin où tout le monde discute de son week-end, et file directement dans mon bureau en rasant les murs. Je m'installe et essaie immédiatement de me plonger dans mes dossiers en cours.

Je récupère la demande d'un client qui nous a été transmise la semaine dernière et commence à rédiger un devis en fonction de ses besoins. Mais rapidement, mes yeux me brûlent, le nez me pique, et la fatigue m'accable. Je m'étire sur mon fauteuil et redresse le dos, essayant de me concentrer.

Les chiffres s'emmêlent sur le papier, la demande du client me paraît trop idéaliste. En regard du temps escompté pour réaliser les prestations et du budget qu'il souhaite allouer, je rédige un devis qui me semble cohérent, en détaillant toutes les opérations.

Après ce qui m'a semblé durer une éternité, j'appose enfin le point final au document. La fatigue m'arrache un bâillement douloureux et je m'essuie les yeux. Je lutte pour ne pas débarrasser négligemment la surface et m'étaler sur mon bureau pour poser la tête entre mes bras. Je ne suis pas sûre que faire la sieste au travail, même si elle dure trois minutes et demie, soit très bien perçu...

– Charly ?

Je me redresse en sursaut et me tourne vers Chloé.

– Désolée, j'étais perdue dans mes pensées.

– J'ai remarqué.

Son regard ausculte le désordre de mon bureau. Son visage est dénué d'expression. Elle ne paraît ni ravie, ni déçue, ni gênée. En fait, c'est comme si elle ne me voyait pas vraiment.

Je lui tends une petite liasse de papiers.

– Tiens, il y a le devis pour l'entreprise Verquaz dedans, leur directeur le voulait pour seize heures, du coup tu peux le joindre au dossier.

– Merci, Charly, dit-elle en récupérant le paquet avec un semblant de sourire.

Elle quitte mon bureau sans un regard et je la vois pénétrer dans le sien, juste en face. Elle a quand même réussi l'exploit d'entretenir une courte conversation avec moi sans même que nos pupilles se croisent.

Durant le reste de la matinée, je m'abîme dans des occupations diverses me permettant de tenir le coup. J'évince la pause repas en me contentant d'une banane et préfère me cloîtrer dans le confort de mon bureau.

Au bout d'une heure, la sonnerie caractéristique de mon téléphone fixe me sort de ma torpeur. Sur le petit écran, le numéro du poste zéro dix-huit s'affiche et je décroche.

– Le sol c'est de la lave ? blagué-je avec une voix enjouée en espérant la faire rire.

– Pardon ?

Ah, la voix de Chloé n'est pas aussi neutre qu'auparavant.

– Non, c'était juste un petit trait d'humour car tu m'appelles alors que nos bureaux son juste en face, c'est pour ça, baragouiné-je, gênée, pour me justifier.

Hating, Craving, FallingWhere stories live. Discover now