Je sens la brûlure de deux noisettes fixées sur moi, mais j'essaie de les ignorer. Pourquoi elle ne dévore pas plutôt Adeline des yeux, c'est le principe non ? Mais en tournant la tête, je trouve cette dernière bien occupée à brancher un gars dans le coin opposé de la pièce. J'ai du mal à comprendre ce qui se trame entre ces deux-là, mais je n'ai pas envie de m'en mêler ce soir. Ni jamais.

Je secoue la tête et fais abstraction de ce qui m'entoure pour me concentrer sur Alice lorsqu'elle allume sa clope. Il y a quelque chose, dans sa manière d'opérer, qui me fascine. Je n'ai jamais trop apprécié les fumeurs, car j'ai du mal à supporter l'odeur. Mais son rituel accapare brusquement toute mon attention et je découvre une nouvelle façon de voir cet acte.

Elle glisse négligemment sa cigarette au coin de sa bouche, de laquelle elle tire juste assez d'air pour en faire rougir l'extrémité. Puis elle l'attrape entre les premières phalanges de son index et de son majeur et écarte légèrement ses lèvres dans un bruit de succion pour prendre une brève inspiration, avant de souffler une bouffée de fumée grise.

Ce tout petit bruit insignifiant reste imprimé sur mes tympans, et me donne la sensation d'être défoncée. C'est fou comme un geste si anodin et automatique, qu'elle doit sûrement répéter plusieurs fois dans la journée sans même y penser, peut s'avérer soudainement si sensuel.

Je l'observe avec intérêt. Elle me sourit. Simplement.

On ne dit rien, mais je sens sa jambe frotter contre mon mollet alors qu'elle redresse son genou et fait disparaître son pied sous ses fesses. Sa cuisse vient reposer sur la mienne le plus naturellement du monde. Invitée par son geste, je glisse ma main sur son jean comme sur un accoudoir.

Après plusieurs minutes passées à échanger sur les mots les plus improbables de la langue française, allant de l'amphigouri au zélotisme, son portable se met à vibrer dans sa poche. Je détourne la tête et en profite pour me resservir un verre. Je croise à nouveau le regard de Chloé qui est désormais assise sur une chaise en rotin près d'une grande télé. Elle discute avec Pauline tout en m'observant, ses yeux passant du gobelet que je tiens entre mes doigts à mon visage.

C'est quoi son problème ?

Je m'affaisse contre le coussin en décidant d'ignorer les questions qui naissent dans mon esprit. J'installe mon coude sur le dossier du canapé et repose ma tête sur ma main en examinant les traits d'Alice. Ses cheveux courts, coupés à la garçonne, révèlent la féminité qui se dégage de son visage. Ses pommettes saillantes viennent souligner des yeux d'un marron sombre, presque noir. Je me perds dans sa contemplation avant de remarquer son verre de vin encore plein.

– C'est moi qui bois trop, ou toi qui ne bois pas assez ? questionné-je.

Alice expire une volute de fumée qui vient me piquer le nez malgré sa tentative de souffler à l'opposé de mon visage.

– C'est parce que tu m'as rencontrée le mauvais jour, rit-elle en triturant le pli de son pantalon, pendant que le dos de sa main caresse ma cuisse au passage. Je travaille en boîte de nuit.

– Intéressant, glissé-je, suggestive.

– Je commence dans une heure et demie, alors je ne peux pas me permettre de me pointer au boulot complètement pétée, tu comprends.

Elle tire une dernière fois sur sa clope – et je me délecte à nouveau du petit bruit sexy que cela produit – qu'elle écrase ensuite dans un cendrier en verre.

– Ça paraît logique.

– Même si ça ne m'aurait pas dérangée le moins du monde de me mettre bien avec toi.

Hating, Craving, FallingWhere stories live. Discover now