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Ana

Je fais défiler les pulls et observe, au loin, Alexandra et Elies discuter. Celle-ci sourit bêtement à tout ce qu'il lui raconte. Je crois qu'elle lui demande ce qu'il pense d'un certain tee-shirt qu'elle lui brandit sous le nez. La rage prend possession de mes mouvements car je fais tomber deux ceintres. Je grogne en les remettant à leur place. Je n'aime pas les voir fricoter ensemble, surtout qu'Alexandra est une très belle femme. De longs cheveux blonds encadrent son joli visage rond. Je suis d'ailleurs surprise qu'elle n'ait pas déjà un copain. Pour ce qui concerne Elies, je finis par penser qu'il joue désagréablement avec mes nerfs. Alors la nuit ne lui a pas plu ? Peut-être ai-je ma part de responsabilité quand je lui ai annoncé, ce matin, qu'il s'agissait d'une erreur. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de balancer un truc pareil. C'est complètement faux ! J'étais juste trop effrayée pour affronter la réalité en face. Je ne voulais pas qu'il me rejette, alors j'ai pris les devants. Je l'aime de tout mon coeur, mais ce mot fait blocage au fond de ma cage thoracique. J'ai terriblement envie d'entendre ce doux son, d'apprécier le soulagement que ma poitrine m'offrira, mais je n'y parviens pas. Et puis Cassie est toujours là, coincée dans ma tête. Elle est de mauvaise foi et ne supporte pas que je poursuive tranquillement ma vie pendant qu'elle repose six pieds sous terre.

Parce que si je m'autorise à aimer, je vais souffrir. La dernière fois que j'ai prononcé ces maudites lettres à Cassie, c'était pour la remercier de m'accompagner à cette pièce de théâtre. Quelques minutes plus tard, elle mourait. L'amour est un poison qui coule malgré tout dans mes veines, sans jamais dépasser le mur de mes lèvres. Alors je me la ferme et aime par la pensée. Après tout, la punition est encore trop faible pour ce que j'ai fait à Cassie, à ma soeur jumelle, à la personne que j'aimais le plus dans ce monde de détraqués. Alors je le paye tous les jours.

— Tu trouves ton bonheur ?

La voix aiguë d'Alexandra me tire de mes pensées sombres. Je ne l'avais pas entendu approcher. Mon regard se porte derrière elle, à la recherche d'Elies.

— Il nous attend dehors, m'informe-t-elle.

J'acquiesce.

— Je prends ce pull, lui dis-je sans conviction.

Ce n'est pas mon amie, alors je n'en rajoute pas. J'ai apprécié ses excuses tout à l'heure, même si je soupçonne mon « cousin » d'avoir sa part de responsabilité là-dedans.

— On se complète, rit-elle. Pour ma part, je prends le jean kaki.

Alexandra a bon goût, je ne peux le nier. Il est splendide. J'ai dégoté un sweat à capuche kaki de la collection Orange Label. On doit avoir le même style vestimentaire. Je n'imaginais pas me trouver un point commun avec elle. Sans doute pourrais-je me montrer plus aimable. Il est vrai qu'à ses yeux, Elies n'est qu'un membre de ma famille.

Après avoir payé nos achats et un peu papoté dans la file, nous rejoignons de bon coeur Elies. Il est accoudé au mur et fume une cigarette. Je plisse automatiquement le front, ne me doutant pas qu'il ait repris cette habitude. Il doit remarquer mon incompréhension car il s'explique aussitôt.

— De temps en temps. Beaucoup moins qu'avant, Ana. J'ai réduit à une par jour, dit-il en l'écrasant de son pied. Je suis coach sportif maintenant, alors je ne peux plus me le permettre.

Mes épaules s'affaissent et mon ventre se gonfle. Autrefois, il pouvait en fumer sept par jour. Mon sac fermement tenu par ma main, nous continuons de longer la rue lorsque Elies passe devant moi en frôlant mon bras. Il ne l'a sûrement pas fait exprès, mais mon corps, lui, ne veut rien savoir et répond à un simple contact. Je pince l'intérieur de ma joue et ravale ma frustration.

Le prix à payerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant