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Ana

« Les imprévus arrivent parfois plus vite que nous le pensons. On rêve tous de choses complètement dingues. Prétendre le contraire reviendrait à se mentir soi-même. Le problème, c'est que l'homme n'a pas le courage de tout quitter, de se laisser aller à cette aventure insensée. Seulement, chaque humain est différent et certains prendront le risque à un prix encore indéfini. Deux choix s'offrent à nous : refuser ou accepter de tendre la main à l'inconnu. La tentation est trop intense. Le refus n'est pas mon option. »

— Dégage...

Une force m'extirpe du sommeil en me secouant légèrement. J'entrouvre un oeil, puis doucement l'autre, encore à moitié dans les vapes. Mon rêve était, pour une fois, bien. À mon plus grand dam, je n'ai pas pu en apprendre davantage.

Le visage d'Elies se dessine devant moi. Assis sur le bord du lit, il me chuchote de me lever. En guise de réponse, j'attrape l'oreiller et le lui jette à la figure. Très mauvaise idée pour toi, Elies. Tient-il tant que ça à la mort ? Il grogne gentiment.

— Debout, la marmotte.

Le soleil a déjà fait son apparition ? Je tourne la tête et fixe les petits chiffres rouges qui indiquent 3h33 du matin. Elies ne se doute pas une seule seconde de l'erreur qu'il vient de commettre.

— C'est une blague j'espère ?! Je dormais, Elies ! Qu'est-ce qu'il te prend ? Sérieux, tu veux crever ?

La frustration s'empare de moi. Pour toute réponse, il retire la couverture qui me tenait chaud. Je grommelle et bâille.

— On part dans deux heures, alors lève-toi sans discuter, lance-t-il d'un ton tranchant.

À la place d'obtempérer comme une fille exemplaire, j'écarquille les yeux, interdite. Quelle mouche l'a piqué ?

— Pardon ? demandé-je, incrédule.

Toute mon attention est portée sur son ombre.

— Notre avion décolle dans deux heures, reprend-il, tout naturellement.

Je me hisse sur un coude.

— Comment ça, notre avion ?

Pendant un instant, je me demande s'il n'est pas somnambule. Je ne comprends rien à son charabia. Quel avion ? Ses yeux me jaugent toujours autant et, si je ne perçois pas grand-chose à cause de la pénombre, je sens l'odeur de la crainte et de la précipitation.

— J'ai pris nos places tout à l'heure. Tu n'as plus qu'à faire ton sac et me suivre. Je ne sais pas combien de temps on restera là-bas, alors tu ferais bien d'emporter tout le nécessaire.

Sa voix reste calme et posée, contrairement à mon cerveau qui ne semble toujours pas assimiler. À présent complètement réveillée, je ris jaune.

— Mais non, Elies, on ne va nulle part, t'es dingue ! C'est une mauvaise blague, hein ?

Il reste impassible et c'est sûrement son comportement qui me met la puce à l'oreille. Elies est sérieux et visiblement déterminé.

— C'est de la folie, dis-je, éberluée. Et pour aller où ?

Elies s'accroupit face à moi et dépose ses mains sur mes genoux. Il me ferait presque peur.

— La fuite est pour maintenant. Je ne te demande pas de venir, je te l'impose. J'emporte la boîte avec nous. Quant à la destination, tu verras bien en temps voulu.

Je me lève subitement. Emmène-moi avec toi, j'en crève d'envie. Mes pieds veulent fuir avec lui vers l'inconnu, mais mon cerveau en ébullition m'en empêche.

Le prix à payerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant