- 12 -

712 75 6
                                    

Ana

« Toi tu es blanc comme neige, attendant qu'une plume se pose. Tu m'as trouvé, moi, l'âme tourmentée par un fantôme du passé. Si j'avais pu changer quelque chose, je n'en aurais rien fait. Tout ce qui se passe a une raison. La destinée ? Je ne sais pas, je reste sceptique. Je suppose qu'il est préférable de se laisser aller à nos émotions sans lutter. Parce que finalement, le destin remporte toujours la partie, quoi que l'on fasse. La preuve, j'ai essayé de résister et j'ai misérablement échoué. »

Dans l'ascenseur, aucun de nous deux n'ose briser ce silence pesant. Le goût du remord s'empare de ma langue. J'ai réellement l'impression d'avoir trahi Elies alors que tout ça n'a pas le moindre sens. Lui non plus ne prononce pas mots pendant que le numéro des étages, s'affichant sur l'écran du haut, nous propulse au sommet. Pour une fois, je ne me colle pas à lui et reste dans le coin le plus éloigné. J'entortille mes doigts énergiquement et cela ne manque pas à son oeil de détective.

— Tu as quelque chose à te faire pardonner, Ana ?

Ce ton... c'est le ton des reproches. Que me reproche-t-il au juste ? D'avoir dansé avec Gabriel ? Si c'est le cas, c'est qu'il est jaloux et s'il est jaloux c'est que... ? Non, je ne préfère pas m'emballer. Ana reprend du poil de la bête. Et ouais, quand on hérisse mon poil à l'envers, ça fait des dégâts. Je suis comme une bombe à retardement. Furieuse, je me tourne vers lui et pointe du doigt son torse. Ses yeux gris me foudroient.

— Et toi, attaqué-je sur la même note agressive que lui.

Ô Elies, ne t'évertue pas à entrer dans ce jeu, ou tu risquerais de te brûler les ailes. Face à ma question, il rigole ironiquement. L'ascenseur ouvre ses portes. J'enlève alors mes escarpins qui me font un mal de chien et le suis dans le couloir telle une furie. La moquette du couloir chatouille la plante de mes pieds. Elies ne m'attend pas. Une fois la porte de l'appartement ouverte, je m'engouffre à l'intérieur et la claque derrière moi. Je balance mes chaussures dans l'entrée et retrouve Elies dans la salle de bains. Il se passe de l'eau sur le visage, puis ses mains agrippent le lavabo au point que ses phalanges blanchissent. La certitude me frappe en plein visage : nous ne nous en sortirons pas indemne.

— De quoi, moi, Ana ?! Éclaire moi un peu parce que je ne saisis pas, achève-t-il en se retournant brusquement, ses yeux plus grands que jamais.

Sur le coup, je prends légèrement peur et, par réflexe, mets un pied en arrière. Percevant ce faible mouvement de recul, Elies se raidit.

— Tu as peur de moi maintenant, ajoute-t-il d'un ton ferme.

Même en pleine dispute, je sais qu'il ne me toucherait pas. Jamais. Comment ose-t-il penser cela ?

— Bien sûr que non, ne dit pas n'importe quoi.

Elies secoue énergiquement la tête en sortant de la salle de bains. Il se plante devant moi, l'air perplexe.

— Alors comme ça, Gabriel te plaît ?

Sa voix s'est adoucie et les traits de son visage aussi. Néanmoins, l'atmosphère est toujours chargée de non-dits.

— Stephany m'a l'air de bien t'apprécier, lancé-je en lui renvoyant la pareille.

Il me fait de nouveau face, mi-agacé mi-incrédule. Balle de match au centre.

— Qu'est-ce que tu me fais là, Ana ? rugit-il.

J'écarquille les yeux et ris jaune.

— Je te demande pardon ? C'est toi qui me fais la gueule depuis tout à l'heure ! Et pour quoi, au juste ? Pour avoir dansé avec un autre homme que toi ? Serais-tu jaloux, Elies Blaker ?

Le prix à payerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant