Chapitre 27

118 35 46
                                    

— Capucine ?

Les jambes repliées sur moi-même et la tête dans mes genoux, je n'ai cessé de me morfondre depuis l'annonce de Blue. Mes yeux sont rouges, cernés et irrités à force d'avoir pleuré. J'ai le cœur lourd. L'esprit embrumé. Mon souffle est douloureux, ma gorge est coupée. Je me sens vide à l'intérieur. J'ai l'impression qu'on me manipule. J'ai l'impression que je vais finir seule. Je n'ai pas choisi cette situation. Je n'ai pas envie de quitter mon père. Je sens la rage m'envahir. Je sens la tristesse me submerger. Je serre les dents.

Mon père m'analyse d'un air attristé. Il vient de rentrer de sa mission de ravitaillement. Il est sauf. Il est en face de moi, bien en vie. Un soulagement me réchauffe la poitrine. Je me redresse et sors de la tente dans laquelle je ne suis pas sortie depuis plusieurs heures. Je le rejoins, le soleil tape sur ma peau. Il fait chaud, lourd, l'été arrive.

Je le prends dans mes bras. J'hume son odeur boisée qui me réconforte. Il répond à mon étreinte, surpris. Lorsque je coupe notre contact, je plante mes yeux dans les siens avec détermination.

— Blue veut que je quitte le camp.

Il arque un sourcil sans comprendre.

— Elle veut me muter ailleurs.

Son regard s'éclaircit, il ne semble pas étonné. Je fronce les sourcils.

— On m'a fait la même proposition.

— Et qu'est-ce que tu as décidé ?

— J'ai dit oui.

Mon cœur se déchire en mille morceaux. Il m'abandonne. Il ne peut pas me faire ça ! Après tout ce qu'on a vécu... On se doit de rester ensemble, il ne faut pas qu'on se sépare ! Mes lèvres tremblent furieusement, je peine à articuler :

— Non... Tu ne peux pas partir...

— Capucine, souffle-t-il, Espérance pense que je serais plus utile ailleurs. Tu as vu comment je maîtrise mon pouvoir. Ma vie doit avoir un sens. Je dois servir mon peuple. Battre ces miliciens qui nous oppriment. C'est la juste chose à faire.

— Et moi, dans tout ça ?

Ma voix se brise. Mon père pose ses mains fortes sur mes épaules qui tressaillent.

— Tu es entre de bonnes mains, Capucine. Accepte la proposition de Blue. Si elle pense que tu as ta place ailleurs, c'est qu'elle doit avoir raison. Ça ne change rien à mon amour pour toi. Mais cette situation nous dépasse, on ne peut pas faire comme si de rien n'était. Tu es recherchée par la Milice. Tu n'as nulle part où fuir. Tu dois te battre.

Un hoquet s'échappe de ma bouche. Les larmes brouillent ma vision. Je me sens dépassée par les événements.

Il me prend à nouveau dans ses bras.

— On se reverra, ma fille.

Ma gorge est nouée, tandis que je pleure en silence. J'ai l'impression que tout ce qui m'arrive n'est qu'une succession d'actions que je ne vois pas venir. J'ai le sentiment de n'avoir aucun contrôle sur ma vie. Je ne fais que subir. Si je choisis la même voie que mon père, à un endroit différent, j'aimerais enfin pouvoir être maître de mes décisions. J'en ai assez de suivre les ordres, qu'on me dise quoi faire. Je veux pouvoir faire mes propres choix.

Je m'éloigne de mon père, le visage noir. Il m'observe un instant, stupéfait. Je tourne les talons et vais chercher Blue. Avec empressement, mes pieds foulent le sol rocheux et s'immiscent dans le campement central où les dirigeants discutent. Ils me regardent, déconcertés. Je m'approche de Blue et me plante devant elle. Elle est plus grande que moi, mais je la toise de toute ma hauteur.

— Je vais rejoindre ton camp de résistants.

Elle ouvre la bouche, comme pour me couper, mais je l'en empêche :

— Mais à une condition. J'en ai marre qu'on me parle comme à une enfant. J'en ai marre qu'on me prenne pour une conne. Je veux pouvoir tracer mon propre destin.

Elle esquisse un sourire, amusée par mes propos.

— Très bien, Calypso. Voyons où tout cela nous mènera.

Elle me tend la main, j'ai un mouvement de recul avant de la serrer. Si cette vie de rebelle m'est imposée, je veux avoir mes propres objectifs au sein de ce groupe.

ApoCalypsoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant