Chapitre 10

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Le soleil est déjà levé depuis un moment lorsque mes yeux parviennent à s'ouvrir. Des perles de sueur s'écoulent de mon front, et mon dos est humide de transpiration. Je me redresse maladroitement, pour secouer le sac de couchage trempé qui me colle à la peau. Je constate par la même occasion l'absence de mon père dans la tente. Le connaissant, il a dû se réveiller à l'aube ; il n'a jamais su dormir longtemps.

Les membres engourdis, je m'étire dans le matelas gonflable. Même si j'avais besoin de repos et que mon sommeil a été réparateur, je sens que j'aurai du mal à m'habituer à aussi peu de confort... J'aurais bien aimé être dans mon lit douillet et dans des draps en coton, avoir ma propre chambre pour mon intimité, mais bon, il va falloir que je m'y fasse : les miliciens m'ont arraché mon tranquille quotidien. Et ma famille.

Je me lève avec difficulté, tous mes muscles sont douloureux. Une fois que je sors de ma nouvelle chambre et que je pose un pied sur la terre sèche du désert australien, j'aperçois tous les campeurs en mouvement. Ils ne sont pas nombreux, peut-être une trentaine, mais comme ils s'affairent rapidement à différentes tâches, cela me donne l'impression subite d'avoir rejoint un immense groupe. Le fait de les voir aussi actifs me fait penser que je suis sûrement la seule à avoir fait une grasse matinée. Je me mords la lèvre inférieure, me sentant tout à coup coupable.

À peine ai-je avancé d'un pas que Carrol vient m'accueillir sur un ton bienveillant.

— Capucine ! Bien dormi ?

J'ai une petite seconde d'hésitation.

— Ça va... Qu'est-ce que vous faites ?

Elle balaye les autres personnes d'un regard avant de me répondre :

— Certains cuisinent, d'autres cousent, il y en a qui façonnent des armes, et LadyPurple réfléchit à comment protéger le camp en cas d'attaque.

En entendant le nom de la comédienne, j'ai de nouveau toutes les questions qui me traversent l'esprit depuis trois jours qui me reviennent en tête.

— Est-ce qu'on peut enfin se parler de ce qu'il s'est passé ?

Elle se pince les lèvres, hésitante, mais face à mon regard déterminé, elle finit par capituler.

— C'est vrai, tu fais partie du camp maintenant, je te dois des explications. Viens.

Carrol retourne au milieu du tertre, là où nous avions dîné avec mon père hier. J'essaie d'ailleurs de le trouver des yeux, il n'est nulle part.

Nous nous asseyons sur le tronc d'arbre sec, et ma camarade de classe me tend un bol de soupe.

Berk, encore ?

Je prends sur moi et décide de ne pas faire la fine bouche, puis me mets à manger. Ça me redonnera quand même des forces. Même si c'est pâteux et a un vague goût de poulet.

— Où est mon père ?

— Mikhail s'entretient avec Espérance dans la tente centrale. Ne t'en fais pas, il est entre de bonnes mains.

Je hoche la tête, rassurée, et déguste un peu plus mon repas. Espérance est la femme d'une trentaine d'années qui faisait exploser le « dragon », si je ne me trompe pas.

— Qui sont tous ces gens ? lui demandé-je en désignant les personnes autour d'un signe du menton.

— Nous sommes des magiciens. Des rebelles.

À ces mots, j'observe d'abord les campeurs qui ont l'air d'humains tout à fait normaux, puis plante mes yeux dans ceux de Carrol. Je fronce les sourcils, et ne peux m'empêcher de grimacer.

— Excuse-moi, mais j'ai du mal à te croire.

— C'est pourtant la vérité, tu as bien vu ce dont nous étions capables.

Je songe aux spectacles organisés par LadyPurple, et effectivement, les effets spéciaux semblaient réels... Cependant, je reste sceptique.

— Pourquoi tu les as rejoints ?

Cette fois, c'est elle qui me fixe. Son front est plissé, on dirait qu'elle réfléchit à la manière dont elle va se justifier auprès de moi. Elle prend une grande inspiration.

— La semaine dernière, les miliciens sont venus dans nos maisons pour nous voler... certains biens. Est-ce que tu sais pourquoi ils ont fait ça ?

Je secoue la tête en signe de dénégation. Dans toute cette affaire, c'était le point que je comprenais le moins. Comment en étions-nous arrivés là ?

— Les scientifiques de la Capitale ont découvert une nouvelle science.

Incrédule, j'attends qu'elle m'en dise davantage. Mon cœur accélère à mesure qu'elle parle.

— Tu connais cette citation ? Elle est de Stefan Wul et date de 1977 : « La magie n'est qu'une science qui n'a pas encore été mise en équations ». Eh bien : sache qu'ils ont enfin trouvé comment la mettre en équations.

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