Chapitre 34 : Les liens qui se tissent

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Dès que Saphira avait prononcé ses mots, Lucine s'était raidie et j'étais prête à parier que son cœur avait sauté un battement. Il était évident que Damon ne traînerait pas, en particulier maintenant qu'il m'avait vu me rapprocher de Rachel. Il voulait probablement installer le doute et espérer que Rachel et Saphira me repoussent par peur que je tente de les séduire. Je n'avais aucune preuve, mais ce serait bien son genre. Il était bien plus calculateur que je n'avais voulu le croire.

Un léger silence s'était installé pendant que Rachel cherchait activement le jeu. Voyant que Lucine serait incapable de prononcer le moindre mot, je laissai échapper un rire spontané pour détendre l'atmosphère.

— Damon a le talent de ne dire que de la merde, et surtout depuis qu'on a rompu, plaisantai-je.

Je n'avais jamais été en couple avec une femme et je n'avais jamais eu de couples très diversifiés dans mon entourage. Alors, ce n'était pas évident de savoir comment agir, mais j'allais apprendre, il le fallait bien.

— Il fait ça pour t'énerver ? s'étonna Saphira, assez naïvement.

— Évidemment. Il ne peut plus rien tirer de moi, alors il a conclu tout seul dans son coin que j'étais "devenue" lesbienne.

Saphira sourit en hochant la tête. Visiblement, elle avait l'air de me croire et tant mieux. Ceci sembla rassurer Lucine qui afficha un timide sourire. J'espérais vraiment que ce sujet ne revienne pas au cours de la soirée et j'espérais surtout que Damon n'aille pas trop loin. Enfin, il y avait peu de chance qu'il me laisse tranquille. Après tout, il me considérait désormais comme l'unique responsable de la fin de son couple.

Rachel revint avec plusieurs jeux, y compris celui qu'avait choisi Saphira et par lequel on commença. Il s'agissait d'un jeu de stratégie où nous devions développer notre civilisation. Lors de la première partie, Lucine et moi fûmes assez perdues, puis à la seconde partie, nous avions compris les bases.

Rapidement, on avait réussi à s'intégrer et on jouait avec elles comme si on les connaissait depuis toujours. C'était une étrange ambiance, mais je commençais à l'apprécier parce que je doute que ça dure très longtemps.

Puis nous avions enchaîné sur un autre jeu à base de devinettes, parce qu'apparemment, j'étais un peu trop belliqueuse dans le genre sur le jeu précédent et que c'était chiant de devoir me faire la guerre. Chacun avait ses méthodes pour gagner et j'avais choisi la violence. Du moins, juste le temps d'un jeu.

Les heures défilèrent et aucun silence ou malaise n'était venu perturber la soirée. Après tout, nous n'avions parlé de sujets sensibles ou trop personnels. Pour beaucoup, ce ne serait qu'une soirée assez superficielle, mais je trouvais que c'était le genre de soirée parfaite pour commencer à nouer des liens.

Aux alentours de vingt-deux heures, ce fut la fin de la soirée. Je me doutais bien qu'on ne resterait pas après minuit et ce n'était pas plus mal. Faire durer cette soirée ne pourrait être que gênant. Néanmoins, Rachel n'hésita pas à nous dire que ce pourrait être une bonne idée qu'on se revoit. Je n'avais pas désapprouvé, même si la situation pouvait être assez perturbante.

Lucine et moi quittâmes la maison de Rachel et nous en éloignâmes pour qu'elle appelle ses parents. Ainsi, son père viendrait dans quelques minutes nous chercher.

Pendant un instant, je m'emparai de mon portable pour apercevoir que j'avais reçu un message. Je n'osai pas l'ouvrir et le fixai longuement en craignant le pire. Et si Sani n'était pas aussi ouvert d'esprit que je le croyais ? Et si j'allais vraiment perdre un ami de longue date ?

— Est-ce que ça va ? demanda Lucine.

— J'hésite à parler de nous à un ami, rétorquai-je. Il n'est pas dans le lycée, rassure-toi. Mais je ne sais pas s'il comprendrait...

— Tu as déjà abordé le sujet ?

— J'ai commencé et je n'ai pas encore lu sa réponse, expliquai-je maladroitement. J'aimerais vraiment que ce soit quelqu'un sur qui je peux encore compter.

Elle fronça ses sourcils un instant, comme si elle cherchait ses mots puis reprit la parole :

— J'ai perdu des tas de gentes... Mais c'est un bien pour un mal en fait, iels n'étaient pas prêts à m'accepter moi ainsi que mes principes. D'une manière ou d'une autre, iels auraient fini par partir d'une manière ou d'une autre.

— C'est vrai... Je me suis habituée à être seule dernièrement, mais il fait partie des rares personnes que je ne veux pas perdre, avouai-je faiblement.

J'avais beau apprécier ma solitude. La plupart du temps, elle me pesait, parce que je n'avais pas toujours été aussi seule tout au cours de ma vie. Avant le lycée, j'avais quelques amis, j'étais même une élève assez banale. Le lycée avait tout changé... En fait, tout avait changé à l'arrivée de Damon dans ma vie. Et tous ces souvenirs me rendirent un brin mélancolique.

— Tu veux que je regarde le message ? me proposa-t-elle.

— Non, je vais le lire... Mais je ne me promets pas de bien réagir.

— De toute manière, je ne te le demande pas, déclara-t-elle, souriante.

Je laissai échapper un sourire nerveux et déverrouillai mon portable en craignant, encore une fois, le pire.

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant