Chapitre 27 : L'euphorie

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[Musique : Banks - Weaker Girl]


Immédiatement un doux sourire s'était dessiné sur ses lèvres. Et j'avais juste envie de jeter ma clope pour poser mes lèvres sur les siennes tout en échangeant un petit rire entre la gêne, la maladresse et l'euphorie.

Elle prit alors délicatement ma main et la serra dans la sienne, caressant du bout de ses doigts ma peau. Il était évident qu'elle était tendue et craignait les représailles.

— Au fait, ce n'est pas grave si tu n'es incapable de mettre un mot sur qui tu es en ce moment, me rassura-t-elle une énième fois. Tu trouveras sûrement un jour.

Je hochai timidement la tête, ne sachant pas quoi dire. Je voulais juste être plus proche d'elle que jamais. Et je détestais davantage ce lycée qui jugerait le moindre de nos faits et gestes. Je ne faisais plus attention à ma réputation depuis un bon bout de temps, mais je n'avais pas envie que ça s'amplifie parce que tout simplement, je sortais avec une femme.

Lucine n'avait pas non plus envie que notre entourage apprenne pour notre relation. Sa famille ne savait rien quant à son orientation et elle craignait leur réaction.

Malheureusement, nous avions toutes les deux peur, mais nous connaissions que trop bien ce monde qui avait peu de chance d'être clément avec nous. Cependant, l'euphorie ne nous quitta pas de la journée. On ne cessait de s'échanger de nombreux regards et quelques sourires. Nous étions bien trop heureuses pour que quiconque vienne gâcher cette journée.

À la fin des cours, je ne voulais pas la quitter, je voulais la garder encore près de moi, alors j'avais osé lui proposer de passer un peu de temps chez moi. Immédiatement, elle s'était empressée de prévenir ses parents qu'elle avait un devoir à faire avec moi. Le mensonge était passé avec une facilité déconcertante. Après tout, si ses parents la croyaient encore hétérosexuelle, ils ne douteraient jamais de ce qui se passait entre nous.

Nous marchâmes jusqu'à ma maison, main dans la main, et j'avais comme l'impression que ça faisait des années que nous sortions ensemble. Je n'avais aucune gêne vis-à-vis de notre relation, au contraire, elle me réjouissait. Je n'avais plus le moindre doute face à mes sentiments : je l'aimais. J'aime Lucine. Et je n'aurais jamais cru pouvoir tomber amoureuse d'une femme aussi facilement.

Dès qu'on arriva chez moi, on se précipita dans ma chambre, réussissant à éviter quiconque, et on se jeta dans mon lit, tout en riant. Vraiment, je ne pouvais pas être plus heureuse que maintenant.

Contrairement à ce qui se passait dans le moindre film ou série, tout ne venait pas naturellement, nos câlins étaient hésitants et nos mains se baladaient un peu n'importe où, ne sachant pas trop où les poser. Chacune espérait bien agir, sans blesser l'autre. On riait, on se taisait, mais jamais ce n'était mauvais, au contraire.

Puis nos regards se perdirent dans celui de l'autre. On se fixait sans plus savoir quoi dire.

— Euh... J'ai parlé vite fait d'un truc, lâcha Lucine, mal à l'aise. Je crois que tu as compris pourquoi je préférais qu'on garde notre relation secrète... J'ai pas envie de revivre la même galère et j'ai pas non plus envie que mes parents le sachent. Iels ont beau être ouverts d'esprit, je ne sais pas comment iels le prendraient...

— Ne t'en fais pas, je n'ai pas non plus envie que ça se sache, la rassurai-je. Bien sûr que j'aimerais vraiment être proche de toi en cours, mais le lycée... C'est pas le milieu le plus sain que je connaisse...

— Je n'aimerais pas que tu penses que j'ai honte...

— Tu n'es pas obligée de me donner tes raisons. J'ai commencé à faire des tas de recherches... et ouais, j'ai lu des témoignages pas forcément très rassurants...

Elle hocha timidement la tête, presque les larmes aux yeux.

— Tout ira bien, ajoutai-je sans la moindre certitude.

Elle me sourit. C'était probablement très naïf, mais j'avais envie de croire que tout irait bien. Elle aussi avait envie d'y croire.

Puis elle approcha lentement ses lèvres des miennes. Je fermai les yeux à mon tour et malgré un bref choc entre nos nez, nous avions fini par nous embrasser. Notre baiser était assez retenu. On ne voulait pas forcer les choses. On voulait hésiter, essayer, faire marche arrière, réessayer... On voulait juste voir ce que ça donne. On voulait tenter quelque chose sans nous soucier du reste pendant quelques instants...

Après ce bref rapprochement physique, on retourna à nos habituelles occupations, autrement dit, regarder de nombreuses vidéos sur internet tout en se lovant dans les bras l'une de l'autre. Il n'y avait rien de plus satisfaisant que ce genre d'activités et quand elle m'annonça qu'elle devait partir, j'en étais toute chagrinée.

— Au fait, j'ai pensé à un truc, lâcha-t-elle avant de quitter ma chambre. Je pensais... au sexe...

— Je n'ai jamais fait avec une femme, donc mis à part le sexe hétérosexuel, je ne connais rien, rétorquai-je, mal à l'aise.

— Ok... C'est bien ce qu'il me semblait... Mais j'ai pas forcément envie de précipiter les choses sur ce plan, je préfère te prévenir que ça me prendra énormément de temps.

— Pas de soucis, je ne suis pas pressée non plus.

Elle m'adressa un adorable sourire puis vint m'embrasser délicatement. Et quand elle quitta ma maison, j'en avais le cœur déchiré. J'aurais tellement voulu qu'elle reste davantage... Sûrement l'euphorie du début de relation.

Mais bon, il fallait bien qu'elle rentre si on ne voulait éveiller aucun soupçon. On n'avait pas d'autres choix...

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant