Chapitre 1 : En fin de compte

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— Non je ne veux pas voir !

Lucine m'enleva les  mains de mes yeux et je pus croiser son regard qui était à la fois  adorable et réprobateur. Heureusement, aucune de nous deux n'était  vraiment sérieuse.

— Tout va bien se  passer, tenta-t-elle de me rassurer en me prenant ma main. Et tant que  tu n'auras pas ouvert cette lettre, tu n'en sauras rien. Enfin... Il y a  de grandes chances que tu passes si tu as cette lettre.

Le reste de nos amis  était assis à une autre table du café pendant que nous avions décidé de  nous isoler. Ils avaient tous compris que Lucine et moi voulions un peu  d'intimité après toute une année sans nous voir aussi fréquemment  qu'avant. Certes, les réseaux sociaux avaient été nos meilleurs amis  pour tenir, mais ce n'était pas tout à fait pareil.

J'échangeai un bref  regard avec Sani. Il arrêta subitement sa discussion avec Elaine, Hilary  et Hikaru pour nous rejoindre, tout sourire.

— Alors, Diana, qui a gagné le défi ?

— Elle n'ose toujours pas l'ouvrir ! s'offusqua ma copine.

— Diana... Je croyais que tu n'avais peur de rien.

Il affichait une mine  faussement déçue et, en même temps, il ne voulait pas vraiment me forcer  à le faire. Je devais le faire de moi-même, mais j'angoissais tellement  à l'idée de ne pas avoir mon année. La plupart de mes examens avaient  été une catastrophe et j'avais l'impression de les avoir tous  horriblement ratés. À ce stade, j'espérais juste avoir suffisamment de  chances...

Dans le fond, avoir mon  année ne changerait pas grand-chose à ma vie, mais j'avais quand même  envie de réussir quelque chose. Malheureusement, j'allais bientôt  rejoindre mon père dans le monde du travail. Même si ce n'était que pour  une courte durée a priori, ça ne m'apporterait aucune réelle  satisfaction. Mon but était juste d'avoir assez d'argent pour devenir  indépendante et travailler ailleurs, ce qui pouvait arriver assez  facilement grâce à son aide.

Puis mes yeux se  posèrent de nouveau sur cette enveloppe. Elle attendait impatiemment que  je l'ouvre bien qu'elle ne scellerait jamais mon avenir.

— Bon... Je suppose que je dois l'ouvrir au moins pour notre défi, soupirai-je en souriant.

— Surtout que  j'adorerais te voir avec des cheveux rouge, enchaîna-t-il aussitôt. En  plus, on a toute l'après-midi pour céder à tes caprices capillaires.

— Et on se ramène avec des couleurs bizarres pour la cérémonie de remise des diplômes ? plaisantai-je.

— Aurais-tu peur des jugements des autres ?

— Jamais.

On s'échangea un bref  sourire malin et j'osai enfin ouvrir cette foutue enveloppe. Mes mains  commencèrent à trembler et mon cœur se serra. Ç'avait beau n'être qu'un  instant, mais ça ne l'empêchait pas d'être intense.

— Alors ? me demanda Lucine en posant sa main sur mon poignet.

— Eh bien... J'ai une mauvaise nouvelle pour vous deux...

— Diana, tu ne sais pas mentir, m'arrêta aussitôt Sani.

— Ok ! Je ne sais pas mentir ! J'ai mon année et j'ai tout juste la moyenne.

— Donc tu vas devoir te faire les cheveux rouges ! s'enthousiasma Sani.

— Bien évidemment, je tiens mes paris.

Tous deux étaient  incapables de retenir leur rire et ça se voyait à leur grand sourire. De  toute façon, je savais d'avance que je perdrais ce défi, mais, au  moins, j'avais mon année, c'était tout ce qui comptait.

Pendant un instant, Sani se tourna vers Elaine, Hilary et Hikaru.

— On leur propose de venir ? s'enquit-il.

— Pourquoi pas... Peut-être que je vais réussir à les convertir à la secte des colorations loufoques.

D'un bond, on quitta  notre table pour les rejoindre. Immédiatement, elles sourirent et  attendirent toutes qu'un d'entre nous prenne les devants.

— J'ai perdu mon défi,  je vais devoir accepter d'avoir les cheveux rouges pendant un bon bout  de temps, annonçai-je. Mais peut-être que ça vous intéresserait de voir  le résultat ?

— Et comment que je veux voir ça ! s'enthousiasma Hilary.

Hikaru fut tout aussi  enjouée à cette idée tandis qu'Elaine avait besoin de temps pour se  préparer à la cérémonie. Comme d'habitude, elle voulait s'isoler et nous  savions qu'elle était ainsi, ce pourquoi on ne la força pas. Après  tout, elle verrait bien le résultat de nos conneries ce soir.

— Tu penses que quelle couleur m'irait bien ? me demanda Sani en sortant du café.

Je le dévisageai un bref instant. J'aurais pu sortir une stupide réponse, mais je voyais bien qu'il y songeait sérieusement.

— Peut-être du bleu... Un bleu foncé par contre. Presque bleu noir.

— Ce n'est pas très extravagant pour quelqu'un comme toi, me fit-il remarquer.

— Normal, tu ne l'es pas autant que moi. Tu n'assumerais jamais du rose.

— N'essaie pas de me lancer un défi que je serais prêt à relever ! me lança-t-il en me pointant du doigt.

J'arquai un sourcil  juste pour le provoquer. Il avait envie de jouer et moi aussi. Il allait  probablement rapidement le regretter. Mais après tout, c'était sûrement  ce qu'il y avait de mieux à faire en fin d'année : faire n'importe  quoi.

— Ok, si c'est comme ça, je vais vraiment le faire ! céda-t-il.

— J'apprécie que tu m'admires suffisamment pour copier mes précédentes couleurs.

Il secoua la tête sans  rien ajouter. Il aurait pu surenchérir, mais à ce rythme, jamais nous  n'aurions nos couleurs à temps. Et le reste de notre petit groupe ne  cessait de rire. Puis il y avait Lucine avec son regard étincelant et  j'enviais terriblement notre prochain moment d'intimité, même si nous  n'échangions que de vagues paroles.

Sani reprit alors son  sérieux et nous poussa à définitivement quitter les lieux. Notre  après-midi promettait vraiment d'être chargée...

Le Spleen du CygneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant