Chapitre 12

359 30 5
                                    

Une main douce et protectrice caressant ma joue me tira doucement de mon sommeil. Ce fut une nuit sans rêves, mais sans aucun doute la meilleure et la plus paisible de toutes. En ouvrant les yeux, je découvris le visage de Loïc abaissé vers moi. Il m'offrit un joli sourire en me voyant éveillée et déposa un baiser sur ma joue, glissant ensuite sa main dans la mienne. Je me redressai, prenant appui sur le matelas avec ma paume libre. L'heure n'était pas très avancée, le réveil affichait sept heures deux, pourtant le jeune homme avait déjà quitté son pyjama. D'ailleurs, il portait un sweat blanc aujourd'hui. Le noir, c'était sa marque de fabrique, je ne l'avais jamais vu habillé d'une autre manière. Mais de toute façon, tout lui allait en toutes circonstances. 

« Je dois me rendre à la salle, tu veux venir avec moi ? Proposa-t-il, d'une voix souple. »

Ma réponse ne se traduisit que par un hochement de tête, étant donné que je me trouvais encore un peu ensommeillée. Il me tendit une robe, ressemblant à quelques détails près à un large pull. J'arquai un sourcil, puis reportai mon regard sur lui.

« Non, non ! Ce n'est pas à moi. Il lâcha un petit rire. Une danseuse me l'a prêté pour toi. Quand j'aurai le temps, on ira t'acheter d'autre vêtements.  

-Loïc.. Déclarai-je, en soufflant doucement. 

-On va être en retard, prépare-toi. »

Sa façon d'éviter mes propos m'agaçait un peu, bien que je trouvais ça adorable toute l'attention qu'il me portait. J'embrassai sa main, tandis qu'il commençait à se lever. Je me rendis par la suite dans la salle de bain et enfilai la tenue. Elle était grise, avec des manches collées aux bras et un petit col n'atteignant même pas le milieu de ma gorge. La taille me correspondait parfaitement, j'en fus au départ assez surprise, puis me rappelai que les ballerines et les gymnastes n'étaient jamais très grands. 

Je rassemblai mes cheveux en une queue de cheval, puis m'apprêtai à sortir de la pièce. Cependant, quelque chose attira rapidement mon attention. Dans le coin formé par deux murs perpendiculaires se trouvait une paire de chaussettes destinées à la danse. Elles étaient utiles pour ceux qui n'aimaient pas porter des chaussons et elles permettaient d'avoir un bon contact avec le sol. Je les pris entre mes doigts et les examinai quelques instants. Leur tissu n'était pas abîmé, signe que Loïc ne devait pas énormément s'en servir. Un sourire niais s'afficha sur mon visage. La danse, c'était toute ma vie, un art dont j'avais été contrainte d'abandonner mais qui n'avait jamais cessé de me faire vibrer. 

« Alyssa ? »  

Cette parole, provenant de derrière la porte, me sortit de mes pensées. Je m'appropriai une veste du garçon, tout en rangeant les mi-bas dans une des poches. Je rejoignis mon interlocuteur d'un geste précipité, n'ayant pas envie de le faire attendre davantage. Il m'adressa un énième sourire, suivi d'un clin d'œil, comme s'il approuvait mon apparence physique. Le remarquant tendre un bras dans ma direction, je ne mis pas longtemps pour venir contre lui, tandis qu'il le positionnait dans le bas de mon dos. 

« Tu es très jolie. »

Face à ses paroles susurrées, une multitude de frissons se propagea dans mon corps tout entier. Il se montrait de plus en plus démonstratif avec moi, alors je voulais en faire autant, même si mon caractère ne l'acceptait pas facilement. 

« Toi aussi Lo', mais ça ne change pas de d'habitude. »

Comme je ne cernai aucune réaction de sa part, je tournai mon regard vers lui et me ravis presque de distinguer du rouge sur ses joues. Il n'y avait pas plus mignon que lui, vraiment pas. 

Nous arrivions sur les lieux après une dizaine de minutes de taxi. Tous les professionnels étaient déjà là, discutant de tout et de rien avec une tasse de café brûlante dans la main. Ne changeant pas mes habitudes, je m'installai sur un siège pour observer la répétition. Je grimaçai en remarquant la blonde de l'autre jour, assise sur le bord de la scène. Loïc lui faisait face, retrouvant l'assurance de chorégraphe qui ne le quittait jamais dans ses heures de travail. Néanmoins, la jeune femme ne paraissait pas aussi sereine. Une béquille était posée à l'horizontale sur ses cuisses et sa cheville était enfermée dans une attelle. J'entendis d'ici un long souffle de la part du Belge. 

« La semaine prochaine, tu ne pourras pas assurer le tournage alors ? Demanda-t-il, d'un ton ennuyé. 

-Non je.. excuse-moi Loïc..! »

L'intonation de sa voix n'était pas régulière. Elle paraissait tellement embêtée que j'aurais voulu être magicienne à ce moment précis pour lui remettre son pied en état. 

« Comment je vais faire.. Répéta-t-il plusieurs fois, visiblement à court de solutions. » 

Il haussa d'un coup les épaules, comme s'il n'avait plus envie de réfléchir et actionna la musique pour les autres. En se massant les tempes, il se recula un peu du devant de la scène afin d'avoir une vue d'ensemble. 

Lorsque la pause fut annoncé, tout le monde quitta la salle, mis à part moi. Je devais profiter de l'occasion pour moi-même danser, ne serait-ce que pendant un temps infime. Je chaussai à mes pieds les chaussettes trouvées dans la salle de bain et m'aventurai sur la scène. Sous le feu des projecteurs, je me mis à regarder autour de moi, semblable à une enfant qui découvre le monde pour la première fois. Des représentations, j'en avais fait quelques-unes et je m'en rappelais très bien. Ma mère était toujours dans le public, un sourire gracieux sur les lèvres. A cet instant, j'avais l'impression qu'elle me regardait, avec cette même joie sur le visage. Elle m'encourageait, je le savais. 

Histoire de ne pas attiser la curiosité, je ne mis pas de piste musicale. Je me contentai simplement, comme l'autre jour dans la salle de danse avec Ethan, de reproduire des pas et de les assembler, dans le but de créer une chorégraphie improvisée. Mes pieds épousaient le sol, le frappaient, le frôlaient. Je tournoyais dans les airs, je me comparais à un ange sans ailes. 

Il y a de ces passions qui vous animent, vous rendent heureux, et qui lorsque vous y renoncez, vous donnent le sentiment de ne plus exister. 

Mon dernier enchaînement terminé, je fus surprise par une voix soudaine, inattendue. 

« C'est toi qu'il me faut Alyssa, c'est toi ! S'écria Loïc, en quittant l'obscurité. 

-De quoi tu parles ? Lançai-je, le regard plein d'incompréhension. »

Il s'avança vers moi et m'emprisonna de ses bras pour me serrer très fort. 

« La danseuse dont j'ai besoin, c'est toi ! »


HomelessDonde viven las historias. Descúbrelo ahora